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XIe Sommet de la Francophonie à Bucarest : Enjeux et perspectives

Publié le lundi 25 septembre 2006 à 06h40min

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Le XIe Sommet de la Francophonie se tient donc à Bucarest autour de la problématique majeure d’intégrer l’usage des TIC dans les systèmes d’enseignement et de formation. Il va s’agir de contribuer à colmater la « brèche éducative » à travers la démocratisation de l’accès aux TIC et la réduction de la fracture numérique entre le Nord et le Sud.

En filigrane se dessine la société de l’information à mettre en place, l’appropriation des outils par les pays francophones en développement ne suffisant pas à elle seule à résoudre « l’équation ».

A travers ce thème, les membres de l’espace francophone veulent en définitive mettre en place, une société véritablement plurielle, riche de sa diversité et porteuse de développement. Faut-il le rappeler, les évolutions sociales, techniques et technologiques font aujourd’hui, plus que jamais, de la ressource humaine, le socle d’un développement social harmonieux, durable et auto-entretenu. Avec le constat dégagé par ailleurs, il faut donc assurer la qualification des ressources humaines.

En réfléchissant sur ce thème, l’espace francophone veut mettre en commun le savoir, le faire évoluer librement, l’enrichir par une dynamique collaborative répondant ainsi au besoin légitime de tous de participer pleinement à l’édification de la société de l’information.

Pour ce faire, l’espace préconise l’utilisation des logiciels libres, lesquels, grâce à leur faible coût d’opération et aux principes de liberté et de partage qu’ils sous-tendent, représentent une opportunité pour soutenir le développement durable des pays francophones du Sud. L’objectif est d’assurer la présence dans les pays les plus démunis d’infrastructures techniques à proximité des publics d’apprenants et d’enseignants.

L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) déploie à cet effet, 26 campus numériques et 16 centres d’accès à l’information. Le but des campus numériques est de déployer des dispositifs d’enseignement à distance s’appuyant sur les TIC. Aussi, ils veulent promouvoir l’introduction des technologies éducatives dans les pratiques pédagogiques des enseignants par le biais d’aides à la réalisation de cours en ligne. « Last but not the least », la diffusion de cursus complets en ligne offrant des diplômes de 3e cycle dans les domaines liés au développement et la promotion du libre accès à la connaissance ainsi que la formation des acteurs de la société de l’information. La recherche de modes opératoires efficaces et adaptés pour réduire la fracture numérique en somme qui ne doit cependant pas nous amener à nous tromper de « combat » si tant est qu’il ne s’agit pas ou ne doit pas s’agir de faire déferler une culture sur les pays africains au détriment de leur propre culture.

Bannir le « prêt-à-consommer »

Cette forte abondance des moyens de communiquer n’empêche pas en effet de noter une sécheresse du débat, une insuffisance d’espaces de culture. Si l’on veut travailler à l’avènement d’un monde de tolérance, de paix et de sécurité sociale, propice aux initiatives et activités de développement, il faut travailler à « l’interconnaissance, aux échanges dynamiques des formes et des expressions culturelles » comme l’a noté le penseur burkinabè, Mahamoudou Ouédraogo, dans son ouvrage « Culture et développement en Afrique ». Ce qui passe par l’analyse de l’état des lieux des différentes réalités culturelles pour procéder à un travail de dynamisation générale de sorte que la dimension culturelle prenne une place considérable dans les échanges internationaux. Au lieu de quoi, on assiste bien souvent à un « transfert brut » de la culture du Nord vers les pays du Sud à travers les programmes sus-indiqués. Ceux que l’on veut ainsi aider (?) en arrivent à perdre leur culture et donc leur âme, et à tourner en rond comme dans un manège où le « chef d’orchestre » joue un air qu’ils ne connaissent pas.

L’Asie dont certaines parties jouent dans la cour des grands l’a compris, elle qui met en avant certaines pratiques culturelles liées au travail qui est « sacré » sur ce continent. Hors de l’eau, le poisson meurt et, s’il n’est pas « baigné » de sa culture, l’Homme est appelé à subir à terme le même sort. Y a-t-il en effet pire mort que ce spectacle désolant d’Africains qui se « cherchent » depuis quatre décennies avec ces images de famines, de guerres et de maladies que les télévisions occidentales diffusent en boucle ? L’on ne saurait donc relever le défi en vidant cette problématique en débat de son contenu à savoir la culture.

Car, « on recouvre ainsi la vue des choses sans couvrir la vie des hommes » comme le souligne toujours Mahamoudou Ouédraogo (opcit). Les enjeux politiques (on parle toujours de « politique éducative ») dans le contexte de la néo-information sont donc instrumentalisés et mis au profit des grandes puissances qui deviennent des « centres de savoir » et apportent « la bonne parole » aux Africains.

Nous passons outre les perversions sociales que ces TIC peuvent nous apporter (dérives sectaires et morales) pour dire qu’en matière d’éducation, il faut inverser le rapport de forces qui est structurellement et fonctionnellement en défaveur des pays du Sud. On ne comprendrait pas autrement que les études et travaux d’un « monument » comme feu le professeur Cheick Anta Diop ne soient pratiquement pas enseignés nulle part en Afrique. Ils sont à la limite « ghettoïsés », servant tout juste à quelques intellectuels (?) désirant briller dans certains « cercles de réflexion ». Un jeu de dupes que les TIC vont accentuer du fait de leur rapidité et de leur accès facile.

Si l’on veut utiliser les TIC pour atteindre le développement durable à travers l’éducation, le « repositionnement » est donc une nécessité absolue. En ce XXe anniversaire des rencontres entre chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage, la diversité culturelle et linguistique doit plus que jamais être magnifiée. A Ouagadougou, il avait été demandé de « préparer l’avenir, de renforcer la Francophonie, de la rendre plus dynamique, plus cohérente et plus visible ». Il importe pour ce faire que les connaissances et les savoirs du Sud soient davantage promus dans l’espace. Le « prêt-à-porter » ou à « consommer » ne doit donc plus être de mise.

Boubakar SY

Sidwaya

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