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Burkina : Une spirale de décisions impopulaires

Publié le lundi 28 août 2006 à 08h06min

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C’est presqu’une constante au Burkina. Les lendemains d’élections sont synonymes de désillusions. Pourtant, ceux qui courtisaient assidûment les citoyens avant les élections présidentielle et communales leur avaient promis tout ou presque. Un chapelet de généreuses intentions. Ils avaient même juré, la main sur le coeur, de permettre aux Burkinabè de planter des arbres sur la lune afin de sortir des ornières de l’indigence.

Aujourd’hui, c’est le désenchantement total et l’amertume de la majorité des Burkinabè qui ressentent comme une sorte d’ingratitude, cette spirale de la valse vertigineuse des étiquettes sur le prix des hydrocarbures, de l’électricité et ses conséquences collatérales. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà les Burkinabè pratiquement envoyés à la guillotine avec l’annonce de la prochaine et inéluctable augmentation des frais de scolarité.

Invariablement, les autorités ont toujours brandi la conjoncture internationale défavorable pour justifier certains de leurs actes. Un concept aux contours parfois flous pour le commun des Burkinabè et exhibé comme le seul bouc émissaire de tous les maux dont souffre la majorité des citoyens. D’où, sans transition, cette batterie de mesures antisociales et contreproductives en termes de cohésion nationale et de bonne cohabitation entre les différentes composantes de notre société dont certaines sont reléguées au rang d’épaves sociales.

C’est dire à quel point la rhétorique habituelle des autorités a toujours été de sacrifier le social au bénéfice de l’économique. Le social apparaît alors, on est tenté de le croire, comme parfois un accessoire non inscrit dans l’ordre des priorités du gouvernement. Il s’agit là, à n’en pas douter, d’une vision erronée de la gestion des affaires d’un Etat.

Car, même les piètres économistes diront qu’aucun pays, sous peine de rompre l’équilibre social, ne saurait séparer les deux. L’économique et le social constituent au contraire les deux pièces d’un même attelage et l’absence de l’une d’entre elles ne peut qu’entraîner la panne de l’équilibre de tout l’édifice national avec tous les risques que cela comporte.

Il est donc urgent que les autorités fassent preuve d’imagination, d’anticipation pour juguler ce qui semble être la chronique annoncée, à long terme, d’une grave crise sociale et pourquoi pas, politique. Or, l’on a le sentiment que les pouvoirs publics ont tendance à considérer la situation actuelle comme une fatalité que les Burkinabè doivent supporter.

Espèrent-ils que la lassitude des Burkinabè, habitués à avaler tant de couleuvres et dont les revendications pour un minimum vital, un bonheur national brut comme disent certains, n’ont pas toujours été satisfaites, vienne constamment se briser contre le même refrain du manque de moyens si ce n’est contre un mur d’indifférence ?

Il n’y a pas de peuples fatalistes et ces derniers ne se choisissent pas des dirigeants qui leur ont promis monts et merveilles pour s’entendre dire qu’ils doivent se contenter de leur statut de laissés-pour-compte. Un refrain d’autant plus difficilement audible qu’on s’aperçoit qu’en même temps que le gouvernement annonce des mesures qui accentuent la pauvreté des citoyens, il ne propose pas de solutions palliatives à cette détresse presque généralisée.

Pendant combien de temps, la majorité des Burkinabè, situés loin, à la périphérie des instances décisionnelles, vont-ils tenir sans craquer ? Combien de temps l’avenir du Burkina va-t-il continuer à dépendre de l’extérieur ? Jusqu’à quand la patience des Burkinabè va-t-elle durer face à un pays presque coupé en deux et dont les antagonismes ne tarderont pas, si on n’y prend garde, à provoquer un cyclone social ?

Pourtant, durant les différentes campagnes électorales, les Burkinabè ont été abondamment perfusés de discours lénifiants, humanistes et messianiques du genre "dans le partage des fruits de la croissance, personne ne sera exclu". Le moins que l’on puisse dire, est qu’une telle assertion apparaît aujourd’hui comme un os sans moelle jeté à une meute. Pour le citoyen lambda, tous les grelots qu’on agite quant aux bonnes performances des indicateurs économiques du Burkina ressemblent à l’ombre fugitive d’un fantôme qui s’éloigne chaque fois que la plupart des Burkinabè rêvent de la saisir.

Aujourd’hui, c’est trop peu de dire que la stratification sociale est telle qu’on pourrait parler de deux Burkina. D’un côté, ceux qui usent et abusent des facilités matérielles et financières rattachées à leur situation de privilégiés dans l’échelle sociale où l’affairisme est devenu un sport national codifié et renforcé par une sorte d’impunité presque légalisée, et ceux qui doivent se contenter de broyer le vide.

Aujourd’hui, en dépit des nombreux séminaires et colloques sur la réduction de la pauvreté, beaucoup de Burkinabè ne peuvent que se payer le luxe d’un seul repas par jour. Pour prouver son souci du bien-être pour le plus grand nombre, l’Etat ne devrait-il pas diminuer son train de vie ? Cela suppose qu’il renonce à certaines dépenses de prestige, car le meilleur prestige dont un Etat puisse se prévaloir, c’est de consacrer plus de moyens à la santé, à l’éducation... de ses populations.

Toujours est-il que si l’on ne rectifie pas le tir, les effets collatéraux de ce qui paraît relever du laxisme ou de l’indifférence coupable risquent de multiplier les maux tels que le grand banditisme, la dépravation des moeurs, la corruption, bref la logique de la courte échelle pour parvenir à ses fins. Et pourtant, quelqu’un au plus haut niveau avait tiré la sonnette d’alarme sur l’agonie de la morale.

Ce qu’il faut au Burkina, c’est un véritable projet de société élaboré avec la participation de tout le monde. Encore faut-il que certains sachent descendre de leur piédestal d’hommes omniprésents et omnipotents, considérant les autres comme des envieux et les regardant parfois avec mépris. Il faut surtout éviter de prendre les citoyens pour des naïfs.

N’en déplaise à certains thuriféraires du pouvoir en place, les Burkinabè, reconnus pour leur stoïcisme légendaire (qui a toutefois ses limites), n’ont pas le nez percé, et ne sauraient se satisfaire de certains propos provocateurs et injurieux selon lesquels on ne produit pas de pétrole à Koupèla. Beaucoup de Burkinabè sont bien placés pour le savoir, eux qui n’ont jamais vu la couleur d’un bon d’essence.

Le Pays

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