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Côte d’Ivoire : Si Konan Banny oublie de saluer Gbagbo, c’est que c’est grave

Publié le jeudi 27 juillet 2006 à 08h31min

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Sans être Cassandre, nous disons que l’heure est au fourbissement des armes en Côte d’ivoire. En dépit des déclarations de bonnes intentions, des appels à des comportements de paix, personne n’est dupe dans ce pays, l’heure est grave.

Les dernières tueries de Divo, les violences de Grand-Bassam hier et l’occupation la semaine écoulée des rues d’Abidjan par le général Blé Goudé et son Alliance des jeunes patriotes "pour voir clair dans les audiences foraines" sont symptomatiques que le mal ivoirien a empiré. De l’eau s’est mélangé au gaz.

Une image qui peut camper cet état de fait est sans doute l’oubli du poignet d’aurevoir de Charles Konan Banny à Laurent Gbagbo, quand ce dernier l’a reçu en audience le 24 juillet dernier. Certes le Premier ministre s’est ravisé et est retourné dire au revoir au chef de l’Etat, mais cet "oubli", du reste insolite, est suffisamment grave pour ne pas être souligné.

On savait que les deux têtes de l’Exécutif ont au plus des rapports cordiaux. Nommé le 4 décembre 2005 par la Communauté internationale, Konan Banny s’est donné les moyens de sa politique, en ménageant les susceptibilités des uns et des autres.

Sans pour autant se laisser mener à la baguette par Gbagbo. Ayant une forte personnalité et étant un communicateur averti aimant les métaphores, il sait comment agir avec Gbagbo, sans rendre leurs relations tendues.

Ainsi, n’a-t-il pas hésité le 14 juin dernier, lors d’un Conseil des ministres, à dire au président : "Monsieur le chef de l’Etat, nous en avons marre. Vous voulez le désarmement, vous voulez l’identification, vous voulez les élections.

Pour tout cela il faut que le front social se calme... il faut arrêter de créer des problèmes". Propos bien accueillis par Gbagbo qui a promis de réagir dans ce sens et l’a fait. Autant dire que si chacun des deux est jaloux de ses prérogatives, il arrive qu’ils s’accordent sur quelque chose.

Si donc l’ex-gouverneur de la BCEAO est sorti furax du bureau présidentiel de Cocody, c’est qu’il y a bien eu un sujet qui fâche, sur lequel un terrain d’entente n’a pas été trouvé.

Cependant, il faut y lire aussi une crise passagère, car le même soir, le Premier ministre s’adressait à la Nation dans un discours radiotélévisé et déclarait, entre autres : "Chacun de nous a des germes de violences, mais ces violences ne sont pas la solution... Chacun est responsable de la sécurité de la Côte d’Ivoire...".

Et d’ajouter en substance, que seuls les Ivoiriens peuvent résoudre la crise, pas les étrangers, notamment "les pays amis qui nous apportent leur concours".

N’empêche, d’abord lui-même doit justement son fauteuil à la Communauté internationale, dans laquelle il y a ces pays amis. Ensuite, n’est-il pas grand temps que cette même communauté franchisse le Rubicon et solutionne définitivement ce problème ?

Au rythme où évolue la feuille de route du poulain de cette communauté, c’est déjà une certitude que la présidentielle du 31 octobre est kaput.

Pire, c’est l’intervalle qui nous sépare de cette date fatidique qui est redouté, car le pire est presque garanti. Il y a d’abord l’attitude des boys du fondateur du FPI, qui grenouillent pour que tout bouge afin que... rien ne bouge.

Ainsi, par exemple des faucons tels Affi N’Guessan, patron du parti frontiste, et Mamadou Koulibaly, l’occupant du perchoir, manœuvrent à force d’argumentaires juridico-politiques pour maintenir le surplace, qui profite forcément à leur champion.

Le retour ou plutôt cette sorte de printemps des mouvements de défense du pouvoir Gbagbo vient rappeler également qu’il y a véritablement péril en la demeure. Les Groupements des patriotes pour la paix (GPP), Forces anti-terroristes (FAT) et le Front de sécurité du Centre-Ouest (FSCO) n’augurent rien de bon pour le désarmement, la démobilisation, la réinsertion (DDR) et, partant, pour le pays.

A cela s’ajoute la surenchère de tous ceux qui mangent dans cette crise, que ce soit du côté du pouvoir ou de l’opposition, qui voient d’un mauvais œil la fin de ce deal juteux qu’est cette période de ni paix ni guerre dans laquelle le pays d’Houphouët végète depuis quelques années.

Reste à savoir si confortablement adossé à la résolution 1633 du Conseil de sécurité des Nations unies, Konan Banny pourra, même hors délais, conduire le processus à bon port. Les audiences foraines, qui ont été le prétexte tout trouvé pour exacerber encore la crise ces dernières semaines, montrent qu’au fur et à mesure que le mois d’octobre approche, des gens ont intérêt à ce que la pagaille va crescendo.

Le décor ivoirien de nos jours ressemble à s’y méprendre à deux adversaires, qui se saluent de la main droite alors que la gauche, cachée derrière le dos tient une dague. Au bord de la lagune Ebrié, assurément, la porte est ouverte à tous les dérapages.

Il faut donc aider "l’Administrateur provisoire", l’appellation est de Banny lui-même, car il a en face un homme à la limite matois, qui n’est jamais aussi fort que lorsqu’on le dit au pilori.

Et les audiences foraines, qui doivent déboucher sur le fait de savoir qui est autochtone ou allochtone, prélude au recensement, font manifestement peur, car une élection se gagne ou se perd au regard de la fiabilité des listes électorales.

Et la prochaine présidentielle, objet de ces tambouilles, donne vraisemblablement l’urticaire à certains Ivoiriens.

Zowenmango Dieudonné Zoungrana

Observateur Paalga

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