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RD Congo : Elections en eaux troubles

Publié le jeudi 6 juillet 2006 à 08h00min

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Joseph Kabila

Alors que la campagne pour les prochaines élections générales (législatives et présidentielle) s’est ouverte voici une semaine, des interrogations graves planent sur ce scrutin du 30 juillet 2006, censé ramener le Congo dans l’espace démocratique.

Avant même l’ouverture de cette campagne électorale, un débat houleux s’était engagé entre les militants d’Etienne Tschisekedi, l’opposant « historique » congolais (depuis l’ère Mobutu, le « Vieux » est sur la brèche) et les légalistes de tous bords. « Convaincu » que le scrutin tel qu’il se préparait ne déboucherait sur rien d’autre qu’une « mascarade », le leader de l’Union démocratique du peuple congolais (UDPC) avait refusé de s’aligner dans cette course, exigeant entre autres un recensement électoral plus « élaboré », seul à même de conduire à un fichier électoral « propre et crédible ».

Bien entendu, Tschisekedi entendait que ses militants soient intimement liés au processus, récusant ainsi le travail de la commission électorale indépendante commise à la tâche. Il faut dire que Tschisekedi disposait d’un soutien de poids, le haut clergé congolais par la voix de l’archevêque de Kinshasa notamment, partageant à peu de choses près son opinion. Mais le désir des autres factions politiques d’aller à cette élection pour mettre fin à cette situation politique « hybride » avec un pouvoir à quatre têtes ainsi que celui de la communauté internationale tout aussi résolue à « normaliser » le Congo, auront raison du vieil opposant.

Exit donc Tschisekedi et place à une trentaine de candidats parmi lesquels l’actuel président Joseph Kabila ainsi que ses vice-présidents, Azarias Ruberois, Jean-Claude MBemba et Etienne Zaïdi Ngoma sont les plus représentatifs. Et pourtant et n’en déplaise à tous les « docteurs » qui se sont penchés sur le cœur malade de l’Afrique, Tschisekedi a raison en partie.

Le Congo, faut-il le rappeler, n’a jamais été unifié depuis les indépendances formelles du 30 juin 1960. Victime de son gigantisme et de sa richesse qui attirait des aventuriers de tous poils et de tout acabit, le pays est allé de guerre civile en guerre civile sous le règne de Mobutu jusqu’à ce que ce dernier soit chassé du pouvoir par Kabila-père.

Avant cet épisode d’avril - mai 1997, le maréchal Mobutu régnait sur une partie du Congo dont le Katenga (le ventre mou du pays) et le Shaba, véritable coffre aux trésors qu’il avait réussi à pacifier avec l’aide de ses alliés occidentaux. C’est d’ailleurs cette maîtrise partielle du territoire qui a permis à Laurent Désiré Kabila de prospérer dans les maquis de l’Est du pays pour, avec l’aide des Angolais, Rwandais et Ougandais, venir « décagnoter » Mobutu alors en proie à la maladie et abandonné de tous.

Avant la mort de Kabila-père, les germes de la division se faisaient déjà jour avec la résurgence de la rébellion banyamulengué au Kivu et le « soulèvement » des Maï-Maï dans l’Ituri. Lesquels Banyamulengué et Maï-Maï étaient suspectés de « congolité » douteuse par le reste des populations, ce qui entraînait ces affrontements sporadiques. Les soulèvements ayant coïncidé avec la marginalisation de l’aile « rwandaise » du pouvoir à Kinshasa (Azarias Ruberois traité de « Rwandais » à une certaine époque), on comprend la capacité de « nuisance » de celle-ci (inclure Etienne Zaïdi Ngoma du RCD-Ngoma), si d’aventure on en arrivait à l’écarter trop brutalement du pouvoir.

Kabila, le fédérateur ?

Cette hypothèse ayant été « évacuée » avec l’assassinat jusque-là non élucidé de Laurent Désiré Kabila, les inquiétudes ne sont pas pour autant levées, la « congolité » à l’instar de l’ivoirité faisant rage dans certains cercles du pouvoir à Kinshasa.

Azarias Ruberois a récemment donné de la voix en affirmant sa nationalité congolaise, mettant en garde ceux qui utiliseraient cet argument contre lui au cours de la campagne. Il vous souviendra qu’il y a à peine un semestre, le Kivu et l’Ituri avaient connu une « surchauffe » alors même que la candidature de Ruberois était mise en débat. Une crise identitaire non ou mal résolue dans un pays qui s’apprête à aller aux urnes, c’est un peu comme mettre la charrue avant les bœufs, le scénario ivoirien venant nous rappeler tous les dangers qu’il y a à se livrer à cet exercice.

Dans un pays trois ou quatre fois plus vaste, les risques sont surmultipliés et le risque ici, c’est d’assister à une partition pure et simple du pays. Comme indiqué plus haut, l’administration Mobutu n’était pas présente dans tout le Congo. Aujourd’hui encore, il y a des zones où des « compagnies » étrangères exploitent les richesses du Congo sans autorisation des dirigeants du pays qui ne sont, du reste, pas au « courant d’elles ».

Mieux ou pire, certaines populations congolaises n’ont jamais abandonné leur mode de vie ancestrale, enfoncés au cœur de la forêt où la nature, généreuse, pourvoit à leurs besoins fondamentaux. Déliquescence de l’administration, crises identitaires, arriération, prédation internationale et régionale, voilà dépeint le tableau avec lequel le Congo s’apprête à aller aux élections. Et comme en Afrique, on « n’organise pas des élections pour les perdre », Joseph Kabila apparaît comme le vainqueur putatif de ce scrutin.

La question fondamentale qui se pose est de savoir s’il aura la carrure d’un fédérateur pour permettre à son pays de surmonter tous ces écueils.

Sans aller jusqu’à jouer les augures infaillibles, force est de reconnaître qu’il souffre de certains handicaps. Premier de ceux-ci, le fait d’être venu dans les « bagages » de Kabila-père à Kinshasa, dans un pays qu’il ne connaissait pas auparavant.

Arrivé au pouvoir de manière impromptue, Kabila-fils ne gouverne depuis que par « procuration » avec l’aide des Katengais, son « pays ». Sa brouille avec les anciens amis ougandais, angolais et surtout rwandais pourrait aussi lui jouer des tours, surtout sur la question du Kivu. C’est dire qu’un « accompagnement » plus résolu de la communauté internationale est nécessaire pour ancrer le Congo sur les berges de la démocratie et, il est heureux que l’UA ait pris la mesure du problème lors de son dernier sommet de Banjul. Il faudra cependant aller au-delà des mots pour éviter au Congo de connaître d’autres maux.

Boubakar SY (magnansy@yahoo.fr)

Siwaya

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