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Journée Nationale de Pardon : Des militaires laissés pour compte

Publié le lundi 17 avril 2006 à 09h42min

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Monument aux martyrs à Ouaga 2000

A l’occasion de la JNP, nous avons eu droit cette année encore, à l’évocation d’une litanie de mesures prises en faveur des victimes de la violence en politique. On comprend bien la nécessité de faire à chaque fois le bilan d’une activité, mais au Burkina, on a pris l’habitude de passer trop rapidement sur les questions qui fâchent, singulièrement quand celles-ci mettent à mal les engagements pris par les plus hautes autorités du pays.

Une fois de plus, la situation des militaires réhabilités mais dont les carrières n’ont pas été reconstituées a été passée sous silence. Pour quelle raison ?

On comprend la gêne de parler à chaque fois d’un problème dont la solution ne pointe pas, mais ce n’est pas en l’occultant qu’on aidera à le résoudre. C’est sur la base du décret N° 91- 0080/PRES du 30 décembre 1991 portant réhabilitation administrative que 209 militaires réhabilités anciennement affiliés à l’ALDRO ont entrepris des démarches pour recouvrer l’intégralité de leurs droits.

En effet, si ces derniers ont été effectivement réhabilités le 6 octobre 1992, ils l’ont été dans les grades qu’ils avaient au moment où ils ont été sanctionnés, alors que les réhabilités civils et paramilitaires ont vu leur carrière entièrement reconstituée.

En fait, le nombre 209 concerne la première fournée de militaires réhabilités, il y’en a eu d’autres, mais dans l’ensemble aucun militaire réhabilité n’a vu sa situation de carrière reconsidérée avec les conséquences pécuniaires qui s’y attachent.

Dans une correspondance datée du 8 juillet 1999, ces militaires fondent ainsi leurs prétentions : " certains de nos promotionnaires ayant échappé à ces mesures ont régulièrement avancé et ont accédé aux grades auxquels nous prétendons légitimement alors que ce n’est qu’en 1995 que les réhabilités ont bénéficié d’un galon accusant un retard considérable sur leurs promotionnaires restés dans l’Armée.

Ceux-là partis à la retraite n’ayant bénéficié de rien. " On se rappelle que dans ses recommandations le Collège de sages a fait droit à leur requête : " dans le cadre des recommandations, tenir compte de la reconstitution effective de carrières pour toutes les victimes de l’arbitraire, civiles comme militaires " (1.3.5) et le point 7.3.2 est plus insistant : " le Collège de Sages recommande la reconstitution des carrières brisées de tous ceux qui ont été brimés pour des raisons politiques (civils et militaires).

Vu la spécificité de l’Armée, cette reconstitution doit tenir compte du profil de la carrière." Dans la foulée, la Commission pour la réconciliation nationale créée le 11 novembre 1999 ayant fait le constat que des textes sont pris mais ne sont pas appliqués en totalité, recommande à l’Etat de procéder aux réparations nécessaires.

L’incidence financière
des réparations

La période considérée dans la simulation de l’incidence financière est de 100 mois correspondant à la durée de la sanction. Elle court à partir de 1983, point de départ des sanctions jusqu’à 1993, année où la reconstitution de carrière est considérée comme réalisée. A cela s’ajoutent les différentiels de salaire couvrant la période post-sanction. Sont prises en compte pour le calcul de cette estimation chiffrée, la moyenne des rémunérations et des traitements par grade payés ou qui auraient dû être payés.

Sur cette base, l’incidence financière de la reconstitution des carrières nécessitera 1. 400 000 000 FCFA. En ce qui concerne les différentiels de salaires cumulés, le manque à gagner se chiffre à 286 000 000 FCFA, ce qui donne un montant total de réparations de 1. 686 000 000 FCFA. Cette évaluation n’est qu’approximative étant entendu que des harmonisations pourraient être faites par les services habilités dès que le verrou politique sera levé. Et comme on le sait, le nombre des bénéficiaires pourrait être également revu à la hausse, vu que tout le monde ne figure pas sur la liste de l’ALDRO.

Le silence du chef de l’Etat

On se doute bien que toutes ces recommandations ont été faites à l’attention du premier responsable de l’Etat. Mieux, après l’engagement solennel pris par le chef de l’Etat le 30 mars 2001 à prendre des mesures de réparation, les responsables des militaires réhabilités leur ont adressé le 4 mai 2001 une demande d’audience. Celle-ci propose que la reconstitution des carrières des militaires réhabilités se fasse " par l’avancement aux grades auxquels ils auraient pu prétendre s’ils n’avaient pas été arbitrairement sanctionnés et cela jusqu’à la limite d’âge avec les réparations financières y afférentes."

A ce jour, rien n’est venu du côté de la Présidence pour situer les requérants sur leurs prétentions, pas plus que la demande d’audience n’a reçu de réponse. On comprend pourquoi du côté du comité ainsi que du Fonds d’indemnisation des victimes, le problème ne peut trouver sa solution. Il y a une hypothèque politique d’autant plus lourde qu’elle aurait pour source le Président du Faso lui-même.

Il est aussi évident que la hiérarchie actuelle de l’armée s’accommode bien de cette situation parce que les reconstitutions, si elles étaient opérées pourraient provoquer quelques bouleversements dans le dispositif actuel. Il n’y aurait rien à craindre dans une armée républicaine. Mais la nôtre l’est-elle vraiment ? C’est là le hic. Il va sans dire cependant qu’on ne peut continuer à longueur d’année à demander aux victimes de pardonner, si on ne peut pas soi-même faire preuve de dépassement.

Le pardon ne doit pas fonctionner dans un seul sens et n’arranger qu’une seule partie. Assurément, certaines choses méritent d’être revues. Personne ne doit raisonnablement se sentir frustré quand des victimes entrent dans leurs droits. Au contraire toute la société doit se sentir honorée et grandie n

L’état des engagements du chef de l’Etat

Didace Doamba est le président du Comité de suivi de la mise en œuvre des engagements du chef de l’Etat. A l’occasion du 5ème anniversaire de ladite journée, il a fait le point de l’état desdits engagements.

Le ministère des Affaires étrangères a été le cadre d’un point de presse sur l’état des engagements pris par Blaise Compaoré le 30 mars 2001. M. Doamba avait à ses côtés le secrétaire général dudit ministère Zakaria Koté et M. Dominique Sisso, représentant le président du Comité technique d’appui au gouvernement.

Ainsi, la situation des 7 engagements est la suivante : En ce qui concerne le premier engagement sur l’organisation diligente d’assises spéciales sur les cas de crimes politiques, économiques et de sang, une seule assise a été tenue durant l’année 2005 par la Chambre criminelle de Bobo-Dioulasso portant le nombre total des assises tenues depuis mars 2001 à 11. On notera au niveau des affaires jugées, une forte prédominance des dossiers de crimes de sang et de vols qualifiés, d’où la montée d’un sentiment d’impunité au sein de l’opinion publique en ce qui concerne les dossiers de crimes économiques.

L’engagement n°2 porte sur les réparations. A la date du 27 mars 2006, les dossiers d’indemnisations de 444 ont été liquidés sur un total de 1175 examinés. La somme de 3 584 075 401 FCFA a été payée à ces victimes.

Le 3ème engagement porte sur l’érection de monuments : sont concernés, le mémorial aux héros nationaux sis à Ouaga 2000 et le monument aux martyrs à Tampouy. Il est à noter qu’aucune de ces infrastructures n’est entièrement terminée. Le mémorial de Ouaga 2000 est le plus avancé. Le taux d’exécution physique est de 97% en ce qui concerne le gros œuvre tandis que le taux d’exécution financière est de 80%. Les travaux du monument aux martyrs de Tampouy ont démarré seulement en août 2005 pour un délai contractuel de 5 mois, mais il accuse un retard de 3 mois.

Le quatrième engagement concerne la commémoration sur toute l’étendue du territoire national de la journée du 30 mars en tant que Journée du souvenir, de la promotion des droits humains et de la démocratie. Elle doit désormais revêtir un double aspect : la commémoration du souvenir de nos martyrs d’une part et doit être d’autre part l’occasion d’une réflexion sur l’état de la démocratie au Burkina Faso.

On note à cet égard l’organisation d’activités lors du quatrième anniversaire tels que le panel organisé à l’initiative du Comité national d’éthique sur le thème : " Ethique et fédération de la paix ", les offices religieux organisés dans l’ensemble des régions du pays et le lancement au cours de l’année 2005 du film : " Semer les droits humains : état de la démocratie au Burkina Faso ".

La création et le fonctionnement du Comité national d’éthique est la matérialisation concrète du cinquième engagement, tandis que le sixième engagement vise à réduire le déficit de communication et de dialogue au niveau des acteurs politiques et sociaux.

Le Comité de mise en œuvre note à cet égard quelques initiatives entreprises par les autorités politiques consistant en des rencontres entre le chef de l’Etat et les corps constitués, rencontres qui ont permis d’échanger sur les réponses apportées par le gouvernement à leurs préoccupations telles qu’exprimées à l’occasion des vœux de fin d’année. Il faut également noter que des activités diverses d’information et de sensibilisation ont été l’occasion de rencontres d’échanges entre les acteurs politiques et sociaux : séminaires CIVIPAX, NDI, GERDDES etc...

Le septième engagement concerne la poursuite des réformes politiques et institutionnelles devant déboucher sur la mise en place d’un système de gouvernance consensuellement admis. Ce sont là les principaux éléments du point de presse fait par le Comité de suivi. Il est certes utile de faire le point de ce qui a été fait, mais il serait plus pertinent de trouver un cadre d’échanges plus approprié afin que le gouvernement puisse recueillir en retour les observations sur les actes qu’il pose dans le cadre de la réconciliation nationale. On sait que celle-ci suppose au minimum deux parties. Il faut donc veiller à éviter les monologues n

GBN

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