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1932 – 1947 : De la suppression de la Haute Volta à sa reconstitution

Publié le mercredi 8 mai 2024 à 15h40min

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1932 – 1947 : De la suppression de la Haute Volta à sa reconstitution

La Haute Volta, actuel Burkina Faso, n’a pas toujours existé, du moins tel que nous le connaissons aujourd’hui. Constitué en 1919 comme une colonie au sein de l’A.O. F (l’Afrique occidentale française), elle fut déstructurée en 1932 au profit de ses voisins. Des luttes ont été entreprises depuis lors pour le rétablissement de la Volta dans ses limites territoriales d’alors. Un véritable sentiment national sous le leadership du Moogo a émergé à cette période, jusqu’à obliger le colon à entériner sa reconstitution en 1947 : c’est le début de la naissance d’un État-nation dont la question de l’ethnie et du régionalisme demeure sensible. Dans notre chronique, nous allons d’abord revenir sur l’origine de la création de la Haute Volta ; analyserons les évènements marquants de la période de sa suppression et nous évoquerons enfin les enjeux au tour de sa reconstitution.

La création de la Haute Volta

Les conquêtes coloniales en Afrique se sont accompagnées de stratégies d’organisation politique des nouvelles colonies conquises. A ce titre, la conquête du Moogo en 1897 a précipité les évènements et servi de base à la création de la colonie de la Haute Volta. En 1904, le cercle Moogho une fois conquis, l’administration coloniale a profité de ce grand espace qui avait une similitude d’organisation politique avec le système colonial, pour imposer sa domination sur toutes les entités ethniques comme les gurnsé, les lobi qui avaient eux, des systèmes d’organisation politique divers et variés réfractaires à la subordination et à l’autorité.

Le cercle de Moogo a basculé sous le contrôle de l’administration française depuis Bamako, une distance de 1000 km avec le territoire conquis. Cela s’est soldée in fine par la naissance de la colonie de la Haute Volta en 1919. Benoît Beucher l’exprime en ces termes : « Le projet de regrouper les populations voltaïques dans un même ensemble, autour de l’élément mooga jugé stable, se solde en 1919 par la création de la Haute-Volta ». La création de la colonie de la Haute Volta répondait au bon vouloir de l’administration coloniale française de mieux contrôler l’espace Haut-Sénégal-Niger.

Suppression de la Haute Volta

Les débats sur la suppression de la Haute Volta se sont déroulés âprement dans les années 1930 -1940. La Haute Volta, en tant que colonie, n’apportait pas grand-chose aux colons confrontés à une crise économique tant à l’intérieur de la colonie qu’au niveau de la métropole. Créé dans le but d’être mise en valeur, la Haute Volta s’est révélée finalement aux yeux de la métropole une colonie de trop. Il fallait la supprimer pour résoudre d’abord les problèmes de moyens alloués au fonctionnement administratif.

Empêtré dans la guerre, le colon avait besoin de ces moyens pour la guerre que pour l’entretien d’une colonie qui ne rapporte pas de gain économique et augmentait initialement le personnel administratif. Aussi, sa suppression se justifiait aussi par la présence de la main d’œuvre abondante dont pouvait se servir son voisin, la Côte d’Ivoire, pour accroître son économie.

En fait, la colonie de la Côte d’Ivoire manquait de capital humain pour travailler dans les plantations. La main d’œuvre de la Haute Volta était un atout pour la production du cacao, du café, du bois, … Enfin, l’une des raisons qui a justifié le démantèlement de la colonie vient du fait qu’elle devrait servir, pour les concepteurs du projet de cultures irriguées dit de l’« Office du Niger », de main d’œuvre abondante.
La monarchie ouagalaise s’était opposée farouchement à la suppression de la colonie, qui pour elle, était un drame pour la chefferie. Joseph Conombo, très jeune à l’époque (15 ans), témoigne qu’il était saisi d’un grand sentiment de tristesse quand il a appris la nouvelle du démantèlement de la colonie.

Malgré le désespoir d’une grande partie de ses habitants, la colonie de Haute Volta sera supprimée le 5 septembre 1932 et partagée entre le Soudan français, le Niger et la Côte d’Ivoire. En effet le décret du 5 septembre 1932 dispose : « Les cercles de Fada et de Dori (le canton d’Arbinda excepté) sont rattachés à la colonie du Niger ; le cercle de Ouahigouya, le canton d’Arbinda du cercle de Dori et la partie du cercle de Dédougou sont rattachés à la colonie du Soudan ; les cercles de Tenkodogo, Ouagadougou, Koudougou, Gaoua, Batié, Bobo-Dioulasso et la partie du cercle de Dédougou retirée sur la rive droite de la Volta Noire sont rattachés à la colonie de la Côte d’Ivoire ».

Rétablissement de la Haute Volta

La suppression de la Haute Volta a conduit une importante main d’œuvre en Côte d’Ivoire qui travaillait dans des conditions extrêmement difficiles. Une partie de cette main d’œuvre fuyait vers le Ghana pour échapper aux dures conditions d’existence. Sur le plan politique, la suppression est vécue comme une humiliation par la chefferie moaga qui bénéficiait du prestige et un peu d’autorité comparée aux autres cercles. Le Moogho Naaba meurtri dans son amour propre va engager des discussions pour le rétablissement de la colonie. Il créa en 1945 l’Union voltaïque et fait preuve d’un nationalisme prononcé pour unir tous les fils et filles du territoire afin que la colonie retrouve ses limites d’antan.

Mais il est soupçonné d’un impérialisme moaga par ses voisins de l’ouest voltaïque et du sud-ouest très proche du R.D.A (Rassemblement démocratique africain) qui sont sous l’influence du Parti communiste français. Les discussions pour le rétablissement vont beaucoup évoluer, le Moogho Naaba estime que la suppression de la Haute Volta en 1932 violait le traité de protectorat de 1897 et qu’il était normal de le rétablir dans ses droits.

L’administration coloniale, craignant l’influence du communisme à travers le RDA au sud du territoire, avait tout à gagner en rétablissant cette colonie, car ce rétablissement permettait de renforcer l’autorité de la chefferie qui était sous leur contrôle et contrer l’expansion de la RDA. Le 4 septembre 1947, la colonie de la Haute Volta fut rétablie, par un décret présenté par le président du gouvernement Auriol, dans ses frontières initiales comme territoire d’outre-mer au sein de l’Union française.

Réf :
- Cent ans D’histoire : 1895-1995, Tome 1, Bi Gnangoran Yao 788, Karthala, PUO
- Benoît Beucher, Dans Politique africaine 2010/2 (N° 118), pages 165 à 186

Wendkouni Bertrand Ouédraogo
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 8 mai à 16:58, par Tristess En réponse à : 1932 – 1947 : De la suppression de la Haute Volta à sa reconstitution

    Quand on voit le sous dévéloppement sans espoir du Burkina, la pauvrété, des coups d’états à repétition avec un début de regime de dictature, l’instabilité politique permanente, on peut se poser la question si c’était pertinent la reconstitution de 1947 !

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  • Le 8 mai à 18:40, par PIERRE BAMONY En réponse à : 1932 – 1947 : De la suppression de la Haute Volta à sa reconstitution

    Monsieur,
    Je vous suis très reconnaissant de la qualité de votre analyse relative à la période très tourmentée de l’histoire de ce pays. C’est un pan de l’histoire qu’ignorent un certain nombre de gens, comme moi-même. Vous faites découvrir qu’il n’intéressait ses occupants que pour une seule chose : le courage au travail et la bravoure à la guerre de ses habitants. Mais ceux-ci devaient servir aux intérêts de ses voisins riches dont la production enrichissait la métropole.
    Une telle considération fait penser au dépeçage par les puissances occidentales du continent africain lors la Conférence de Berlin 1864-1865. Tout s’est passé comme si vaste contient n’avait pas d’habitants. Ce qui importait, c’étaient les ressources naturelles des territoires.
    Un grand merci de nous avoir rafraîchi la mémoire par ce retour vers le passé, qui n’est jamais passé puisqu’il vit à travers les consciences des contemporains.
    PIERRE BAMONY

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  • Le 8 mai à 19:39, par THan Nguyen En réponse à : 1932 – 1947 : De la suppression de la Haute Volta à sa reconstitution

    Tres Interessant, Ce qui ressort cest les ressources humaines du Burkina quon a voulu utilise pour enrichir uniquement les voisins et non pour l’interet meme du Burkina en premier.
    Ensuite, le sentiment de fierte qui refuse la subordination. Enormement d’avance on ete produit depuis et le meilleur semble s’annonce avec les projets que jai pu trouver en seulement moins de 2ans sous ladministration Traore :
    - Raffinerie d ;or
    - Complexe Industriel confection de vetements
    - Des services de sante accessibles
    - Souscription a l’assurance universelle
    - L’ APEC, la souverainete alimentaire, la lutte contre la corruption,
    - La resilience du peuple qui a mobilise en 1 an, 99milliard de fcfa.
    La liste est longue mais ce beau pays est parti de loin avec si peu et prouve aux yeux du monde qu’il a sa place, de l’audace et assume son destin sans complexe.
    Je comprend qu’en fait ce pays ressemble au Lesotho et au Bengladesh. Forts en main d’oeuvre ses pays se sont tournes sur l’industrie agricole et l’industrie textile. Le Burkina progresse dans leur meme sens en plus d’avoir un secteur minier interessant. Il faudrait juste surmonter des défis structurels, tels que la faiblesse des infrastructures, l’instabilité politique ou les inégalités sociales, pour diversifier leur économie et utiliser pleinement leur main-d’œuvre. Et ca je pense que le gouvernement traore y travaille deja !

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  • Le 10 mai à 07:02, par PIETRO VENEZIA En réponse à : 1932 – 1947 : De la suppression de la Haute Volta à sa reconstitution

    Pour les habitants qui veulent faire partie d’une même Patrie, avec un P majuscule, cette pensée de Benito Mussolini doit être une priorité : « Aimez votre patrie comme vous aimez votre Mère, soyez bons en l’honorant, soyez forts en la défendant ». Les Patriotes sont ceux qui aiment leur maison, leur famille, leur terre, leur travail qui doit soutenir, nourrir, élever leurs enfants et contribuer à créer une Patrie forte pour se défendre des dangers de ceux qui veulent voler votre maison, votre femme, votre terre, vos enfants pour les subjuguer et les exploiter. Votre ennemis sont les parasites qui aiment le luxe, qui n’aiment pas travailler mais plutôt exploiter les résultats de votre travail et vous les voler. Commencez à nettoyer les ennemis que vous avez dans votre maison. La démocratie, c’est-à-dire les conseils des sages et non des malins,c’est une évolution naturelle et doit être mise en œuvre après avoir défini les frontières de la Patrie non seulement au sens naturel, mais aussi culturellement, linguistiquement, en termes d’us et coutumes, c’est-à-dire après avoir défini son identité, plutôt que de se laisser berner une fois de plus par les colonisateurs d’hier et d’aujourd’hui. Hier en Italie, le Ministre de l’Égalité des Chances et de la Famille, une femme, n’a pas pu exprimer sa pensée lors d’une conférence sur les États Généraux de Naissance, parce qu’un groupe de jeunes communistes ( les habituels désœuvrés et parasites) l’empêchait de parler en la défiant violemment. En Occident et par cooptation en Italie, nous avons un grave problème de naissances : beaucoup de femmes n’aiment plus avoir d’enfants mais se consacrent aux vices de la vie. Réfléchissez aux dangers de l’oisiveté et du faux bien-être du monde occidental. Ne confondez pas les lucioles avec les lanternes.
    Professeur Pietro Venezia

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