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Burkina/Crise sécuritaire : « Les femmes confinées dans l’espace privé vont grignoter plus de places dans un contexte fortement marqué par le patriarcat », prédit Ousmane Diallo

Publié le lundi 6 mai 2024 à 22h23min

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Burkina/Crise sécuritaire : « Les femmes confinées dans l’espace privé vont grignoter plus de places dans un contexte fortement marqué par le patriarcat », prédit Ousmane Diallo

Lors de la récente Journée scientifique du Laboratoire genre et développement (LGD) de l’Université Joseph Ki-Zerbo (UJKZ), Ousmane Diallo, doctorant au sein de ce département, a captivé l’audience avec sa communication. Elle s’intitule : « Crise sécuritaire et reconfiguration des rôles sociaux de sexe : quels effets sur les rapports de pouvoirs dans les ménages PDI de la commune de Kaya ? ». Cette présentation a eu lieu le vendredi 3 mai 2024, à Ouagadougou, dans le cadre thématique « Genre, jeunesse et crises ».

Ousmane Diallo, chercheur engagé dans l’étude des dynamiques sociales et de genre, s’est penché sur une problématique cruciale : l’impact des crises sécuritaires sur les structures familiales et les rôles de genre au sein des ménages déplacés de la commune de Kaya, ville située dans la région du Centre-nord du Burkina Faso. Elle est l’une des régions touchées par les conflits armés qui accueille de nombreuses Personnes déplacées internes (PDI), posant ainsi des défis complexes en termes de sécurité, de cohésion sociale et de genre.

« Les derniers chiffres à ma disposition qui datent de mars 2022 s’établissent autour de 120 000 personnes déplacées internes dans la ville de Kaya, sans oublier celles qui se trouvent au sein des villages environnants », a-t-il rappelé.
Dans son exposé, Ousmane Diallo a souligné l’importance de comprendre comment les crises sécuritaires peuvent remodeler les relations de pouvoir au sein des ménages déjà fragilisés par le déplacement forcé. Les répercussions de ces crises ne se limitent pas seulement à la sphère publique, mais elles ont également des conséquences profondes sur la dynamique des rapports entre hommes et femmes à l’intérieur des foyers.

« Ces personnes déplacées, comme vous le savez, sont des gens qui ont été forcés de quitter leurs terroirs. Donc, ce sont des personnes qui arrivent dans leurs localités d’accueil sans moyens de subsistance, devenant dépendants de l’assistance humanitaire. Ce qui est constant, c’est que ces PDI sont composées en majorité de femmes et d’enfants. Ce qui est aussi constant en termes de production scientifique, c’est que les conflits, de façon globale, ont un impact différencié sur les catégories sociales de sexe », a-t-il montré.

Ainsi, monsieur Diallo explique que la vulnérabilité des femmes s’est malheureusement accentuée par les conflits armés. Cependant, ces dernières, dit-il, face aux dures réalités du contexte, sont contraintes de trouver les voies et moyens pour subvenir aux besoins de leurs familles. « Au fait que l’aide humanitaire disponible n’arrive pas couvrir les besoins de tout le monde, s’ajoute l’absence des chefs de ménage au sein des familles ou l’incapacité de ces derniers à répondre efficacement aux besoins de la cellule familiale », a-t-il dépeint.

« La plupart des femmes PDI m’ont confié soit que leurs maris sont morts, soit en prison soit partis à l’aventure », Ousmane Diallo, doctorant au Laboratoire genre et développement de l’UJKZ

La redéfinition des rôles traditionnels

Monsieur Diallo souligne que les crises sécuritaires obligent souvent les familles à s’adapter rapidement à de nouvelles réalités. Cela peut entraîner un changement dans la répartition des responsabilités domestiques et économiques entre les hommes et les femmes, remettant en question les normes sociales préétablies. « Les femmes déplacées sont devenues, qu’elles soient veuves ou mariées, que leurs maris soient sur place ou pas, les chevilles ouvrières des ménages dans leur quête de survie et de résilience », a-t-il fait savoir.

Malgré les traditions africaines qui ont tendance à valoriser le rôle de l’homme au détriment de celui de la femme. En ce sens que : « étant le pourvoyeur de la famille, l’homme est celui qui la nourrit et s’occupe d’elle ». Monsieur Diallo relève que les femmes PDI de Kaya se sont positionnées comme les leaders de la survie et de la résilience des familles : étant devenues officiellement les pourvoyeuses des vivres au sein de la famille.

Pour lui, les femmes incarnent désormais la lutte pour la survie des personnes déplacées internes en occupant tous les pans de la vie sociale en présence ou en l’absence de leurs maris en mobilisant leurs capacités à saisir les opportunités offertes par le milieux d’accueil : assistance humanitaire, activités génératrices de revenus, travail domestique rémunéré... « Elles s’investissent dans des mouvements sociaux pour demander le respect de leurs droits et réclamer plus de protection », a-t-il révélé.

Les femmes sont passées ainsi de l’invisibilité à la visibilité

Du point de vue du futur docteur du Laboratoire genre et développement, les femmes confinées dans l’espace privé, à l’ombre des hommes, vont ainsi grignoter plus de places au sein de l’espace public, dans un contexte fortement marqué par le patriarcat. « Elles sont passées ainsi de l’invisibilité à la visibilité au tournant d’une étape brutale de l’histoire de leurs communautés. Le leadership des des femmes du Centre-nord va jusqu’à forger le respect même des hommes », a-t-il justifié.

Pour avoir pu constater ces différents changements, monsieur Diallo soutient que la crise sécuritaire pèse sur les rapports de genre dans tous les secteurs de la vie. L‘émergence d’un leadership féminin a changé, estime-t-il, les perceptions des rôles sociaux de sexe avec des répercussions sur les rapports de pouvoir dans les ménages.

Les hommes reconnaissent une place plus importante des femmes
En outre, il mentionne que les hommes reconnaissent une place plus importante des femmes dans la vie familiale, à tel point que certains estiment qu’il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes.

Enfin, Ousmane Diallo parvient à la conclusion selon laquelle, les mouvements forcés des populations dus à l’insécurité, ont contribué au bouleversement des rôles traditionnels assignés aux femmes dans les ménages PDI. Ce bouleversement des rôles, dit-il, permet aux femmes déplacées de trouver une solution aux problèmes de survie de leurs familles en se surpassant pour faire face à leurs responsabilités accrues et de grignoter plus de pouvoir dans les ménages et même à l’échelle de la commune.

En examinant ces aspects, Ousmane Diallo met en lumière l’importance de considérer le genre comme une variable fondamentale dans l’analyse des crises humanitaires et des déplacements forcés. Trop souvent, les politiques et les interventions négligent les dynamiques de genre, ce qui peut conduire à des solutions inefficaces ou même contre-productives.

La nécessité d’intégrer l’approche genre

Les conclusions de cette communication soulignent la nécessité d’intégrer une perspective de genre dans la conception et la mise en œuvre des programmes de réponse aux crises, en tenant compte des réalités spécifiques des femmes et des hommes déplacés. En mettant l’accent sur l’autonomisation des femmes et la promotion de relations égalitaires au sein des ménages, il est possible de favoriser des processus de reconstruction sociale et économique plus inclusifs et durables.

À travers son travail, Ousmane Diallo contribue à éclairer les enjeux complexes des crises sécuritaires et des déplacements forcés, tout en mettant en avant l’importance cruciale d’une approche sensible au genre pour une réponse humanitaire efficace et équitable.

Hamed Nanéma
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 8 mai à 08:10, par PIETRO VENEZIA En réponse à : Burkina/Crise sécuritaire : « Les femmes confinées dans l’espace privé vont grignoter plus de places dans un contexte fortement marqué par le patriarcat », prédit Ousmane Diallo

    Docteur Diallo, bonjour . J’ai lu attentivement vos recherches. Je crois qu’un autre problème à considérer est l’émigration vers d’autres pays, notamment vers l’Occident. Il s’agit d’environ 95 % de trafic des jeunes masculins en bonne santé. Ce trafic très lucratif pour les trafiquants concerne également les individus africains qui vivent dans le luxe aussi bien en Afrique qu’en Occident et qui le gère . Les ONG nous disent que ces jeunes fuient la guerre (sont des conneries ?) : les hommes fuient-ils la guerre et laissent-ils leurs femmes et leurs enfants à la guerre ? Depuis la Libye, ils sont embarqués par intermittence, vers Lampedusa aussi. On sait que depuis les pays d’Afrique subsaharienne, ils arrivent au Niger et ils paient l’organisation là-bas (Ils paient pour empirer ! allez comprendre) : les tarifs varient selon le pays d’origine. L’organisation les transporte vers les côtes méditerranéennes : après que les membres de la famille ont payé une deuxième fois, il y a ceux qui parviennent à embarquer pour l’Europe (avec toutes les inconnues d’une traversée généralement sur de petits bateaux et ensuite blâmer les "mauvais Italiens" qu’on ne les a pas appelés, qui vont récupérer en mer, les nourrir et les accueillir pour qu’ils ne meurent pas). Une fois en Europe, certains trouvent du travail à la campagne,pour environ 6 euros par jour et vivent dans des cabanes, d’autres vivent au jour le jour,trouvent refuge dans les centres d’assistance de la Caritas, sous les portiques près des gares, d’autres demandent l’aumône.d’autres commettent des délits et vont en prison. Ceux qui parviennent à s’intégrer dans un travail honnête vivent alors avec une femme blanche, généralement tout aussi déconnectée, abandonnant femmes et enfants en Afrique. J’exclus de cette discussion les femmes qui viennent en Europe pour être des putes de luxe et qui, après une opération de revirgination, retournent dans leur pays d’origine pour bénéficier des bienfaits garantis pour leur ( faux) virginité. Je crois que les pays africains impliqués dans cet esclavage seront bientôt contraints d’envoyer des femmes et des enfants à la guerre contre le terrorisme,payés et armés, comme vous bien le savez , par des pays étrangers . Que pensez-vous ?
    Docteur Pietro Venezia
    Chirurgien et Oncologue en Italie

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