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Désamiantage du Clémenceau : La fin d’une odyssée de recolonisation ratée

Publié le vendredi 17 février 2006 à 04h46min

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La France chiraquienne ne pouvait choisir pire moment pour
envoyer voguer le Clémenceau dans les océans et les mers en
vue de procéder à son désamiantage en Inde. A peine le
président français a-t-il fini de faire baisser partiellement le
déchaînement des passions autour de l’infamante loi vantant
les bienfaits de la colonisation française que les illustres
députés de la majorité présidentielle (UMP) ont eu l’insigne
maladresse de voter, le voilà encore contraint à la reculade.

Ainsi, en ordonnant la fin de l’odyssée du Clémenceau avant sa
destination finale, Chirac a pris acte de l’ampleur du problème.

Mais n’eût été la mobilisation de l’opinion française et
internationale et des mouvements écologistes, ce bateau,
véritable cercueil cancérigène collectif, aurait accompli sa
mission destructrice. Cela signifie-t-il que la France en
particulier et les pays industrialisés en général, vont cesser de
considérer les pays pauvres comme le dépotoir idéal de leurs
"déchets" ? Rien n’est moins sûr.

En tout cas, de nombreux
précédents prouvent que les dirigeants des pays pauvres et des
pays riches s’entendent comme larrons en foire, et sans états
d’âme, signent des pactes secrets qui sacrifient la santé des
générations futures. Sous la pression des puissantes mafias
industrielles, financières et économiques qui régulent la marche
du monde, certains gouvernements des pays pauvres, auxquels
on propose des miettes par rapport aux risques qu’ils font courir
à leurs concitoyens, n’hésitent pas à ouvrir leurs frontières à
toutes les éclaboussures de l’Occident. Peut-être que l’histoire
ne révélera jamais les tractations souterraines, les
marchandages politiques et diplomatiques sur fond de
promesses géostratégiques qui ont eu lieu entre Paris et New
Delhi. Mais à quoi servirait-il à New Delhi d’avoir un strapontin
au Conseil de sécurité de l’ONU, si sa population devait périr
amiantée ?

On s’est contenté de mettre en exergue les
avantages, pour l’Inde, de cette opération, comme la création
d’emplois. Tout se passe comme si la France détenait la palme
du plein emploi. S’il en était ainsi, il n’y aurait pas eu la révolte
des banlieues et Dominique de Villepin n’aurait pas eu besoin
de créer le CPE (Contrat de première embauche). En réalité,
derrière ce bréviaire, se cachent d’autres raisons.
D’abord, désamianter le Clémenceau en France coûterait plus
cher aux contribuables français. En Inde où la main-d’oeuvre est
bon marché, l’opération de destruction se ferait à moindres frais.
Une belle occasion pour les hommes d’affaires français de faire
fructifier leurs dividendes.

Ensuite, la France préserve ainsi la
santé de ses citoyens en éloignant le site de désamiantage du
navire. Cependant, l’aventure du Clémenceau n’est que l’infime
partie visible d’une banquise cachée dans les profondeurs
maritimes d’un monde occidental déshumanisé, prêt à attirer le
déluge sur les pays pauvres en leur expédiant tout ce qui est
indigeste chez lui.

L’épisode du Clémenceau va-t-il sonner le glas d’une époque,
celle du mépris de l’Occident vis-à-vis des pays pauvres,
transformés en exotiques banlieues et en laboratoires des pays
riches et où s’expérimentent les essais qui piétinent le droit le
plus élémentaire à la vie ?

Heureusement, la justice française,
notamment le conseil d’Etat, en mettant fin à l’errance
menaçante et amiantée du Clémenceau, montre qu’elle n’est ni
une justice aux ordres ni une justice corrompue. Cela
n’empêchera sans doute pas certaines pratiques occultes
concoctées dans le secret des chancelleries et des
technocratures occidentales et appliquées aux pays pauvres par
dictateurs et prédateurs locaux interposés qui ne demandent
jamais l’avis des populations.

Au regard de ce qui vient de se produire, il y a lieu d’inviter les
responsables des pays pauvres à méditer cette réflexion de
Denis Constant Martin, directeur de recherches au CERI (Centre
d’études et de recherches internationales) : "L’habitude est
l’ancre qui enchaîne le chien à son vomi..". Partant de ce
postulat, on comprend pourquoi, conclut un autre analyste, le
poids de l’habitude empêche la France de saisir la colonisation
et ses conséquences dans leur vérité historique.

Quoi de plus
normal si elle continue à idolâtrer le fait colonial passé, tout en
sacralisant les dérives néocoloniales actuelles de reconquête
de ses paradis perdus ! N’oublions pas que si en France,
l’environnement juridique a changé, aboutissant à ce qu’il est
convenu d’appeler le gouvernement des juges, il n’en demeure
pas moins que la vie politique française, toutes idéologies
confondues, a toujours été marquée par des scandales
politico-financiers.

En somme, l’ombre de Foccart et autres
barbouzes plane toujours sur les arcanes du pouvoir. On ne
peut donc s’empêcher de suspecter la trajectoire empruntée par
le Clémenceau pour son rapatriement. Il doit pratiquement faire
le tour des côtes africaines. L’Afrique a-t-elle les moyens de
savoir ce qui se passe en haute mer ?

"Le Fou"

Le Pays

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