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Chef de file de l’opposition : Chronique d’une mort annoncée

Publié le mercredi 8 février 2006 à 07h45min

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Depuis juillet 2005, le statut de chef de file de l’opposition est en veilleuse au Burkina. L’ADF /RDA , qui en était le titulaire, a tout simplement décidé de se dépouiller de son manteau pour parer aux contingences politiques. Le parti de Me Gilbert Ouédraogo venait en effet, à l’issue d’un congrès, de décider de soutenir le candidat du CDP à l’élection présidentielle.

Mais voilà que son statut continue, bien après le scrutin du 13 novembre 2005, d’être suspendu. Doit-on y voir la mort annoncée de cette institution qui n’a jamais pu faire ses preuves sur le terrain ?

En réalité, si l’ADF-RDA semble avoir momentanément jeté l’éponge, c’est plus en raison de la coquille vide que représente son statut de chef de file que de l’option électorale qu’elle a prise. Désigné en mai 2004, en vertu de la loi du 25 avril 2000 sur le statut de l’opposition politique, Me Gilbert N. Ouédraogo n’a jamais pu disposer des moyens de sa politique. En dehors des honneurs du rang protocolaire, le chef de l’opposition ne bénéficie d’aucun autre avantage nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Faute d’un budget adéquat et d’infrastructures minimales, l’institution ne pouvait que vivoter, voire péricliter.

L’autre problème de taille qui a handicapé l’action du chef de l’opposition réside dans le fait que sa légitimité était contestée par les partis qu’il était censé représenter. Le choix porté sur Gilbert Ouédraogo a provoqué des grincements de dents, notamment chez le PDP/PS et l’UNDD dont les leaders, à un moment donné ou à un autre, auraient pu assumer cette charge. Cette défiance n’a véritablement pas facilité la tâche du nouveau promu, qui s’est heurté à un mur dans ses tentatives de regrouper l’opposition.

Mais, même à supposer que la désignation de son chef ait fait l’objet d’un consensus, on peut douter de la capacité de l’opposition à se coaliser autour d’intérêts communs face à la suprématie du pouvoir. Les différentes tentatives allant dans ce sens ont toujours connu un triste sort. Si les opposants n’arrivent pas à s’unir dans d’autres domaines, comment le seront-ils dans une structure qu’ils jugent d’ailleurs suspecte ?

Au-delà de la polémique qui entoure les circonstances de la désignation du chef de file de l’opposition, il y a lieu aujourd’hui de se demander si cette formule est adaptée au système burkinabè. Calqué sur le modèle des pays anglo-saxons qui ont un système politique bipartite, le concept se révèle peu opérant dans le contexte burkinabè fait d’un multipartisme presque sauvage.

Il est quasiment impossible de se faire le porte-parole de dizaines de partis dont les convictions idéologiques, s’ils en ont, voguent entre l’opposition et la majorité au gré de leurs intérêts. Si l’on ne considérait que les partis parlementaires, la tâche de regroupement serait sans doute plus aisée et servirait de locomotive à l’ensemble des autres partis.

Mais, même cette perspective semble irréalisable, puisque l’opposition parlementaire elle-même ne s’illustre pas par son unité . C’est dire que l’unité de l’opposition est appelée à se faire sur des bases autres qu’une institution contestée.

L’opposition burkinabè doit se faire son propre statut à travers sa capacité de mobilisation, son sens de l’organisation, ses victoires électorales, et sa force de propositions. Le seul statut qui vaille, c’est celui que lui conférera sa force réelle sur le terrain. Il en est de même du statut de chef de l’opposition qui s’imposera au parti le plus méritant et qui aura le plus su incarner les aspirations de toute l’opposition.

Il ne faut pas attendre du pouvoir qu’il offre, sur un plateau d’argent, des instruments qui peuvent constituer un danger pour sa survie. Statut officiel ou pas, l’opposition n’a d’autre alternative que de compter sur elle-même, parce qu’aucun cadeau ne lui sera fait. Il suffit de voir les révisions unilatérales et à son propre profit, du Code électoral pour se rendre à l’évidence que le CDP n’est pas prêt à consentir un espace d’épanouissement à l’opposition.

Depuis l’apaisement de la crise consécutive au drame de Sapouy, le parti majoritaire a amorcé une reprise en mains de tous les rouages du pouvoir. Il appartient, dès lors, à ses adversaires politiques, de lui disputer cette suprématie en mettant tous les atouts de leur côté.

Le Pays

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