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Dette africaine : Le bilan 2005

Publié le jeudi 29 décembre 2005 à 07h56min

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L’année reste marquée par les initiatives annoncées à l’issue
du Sommet du G8 à Gleneagles, en Ecosse. Mais la dette
extérieure des pays d’Afrique subsaharienne continue de freiner
leur décollage économique malgré une croissance plus
soutenue pour bon nombre de pays du continent.

Les grandes puissances économiques et financières du
Groupe des Sept (G7) ont reconnu la nécessité de faire un
nouvel effort en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE).
Leurs ministres des Finances ont décidé début juin 2005, à
Londres, d’annuler l’ensemble de la dette multilatérale des
18 pays qui avaient achevé à cette date leur processus de
désendettement prévu par le mécanisme PPTE - créé par le
Fonds monétaire international et la Banque mondiale en 1996.

Parmi eux, 14 pays africains vont ainsi bénéficier d’un
effacement de 100 % (au lieu de 90 %) de leurs dettes
contractées auprès du FMI, de l’Association internationale de
développement (AID) - la filiale de la Banque qui accorde des
crédits concessionnels aux pays à faible revenu - et de la
Banque africaine de développement (BAD) : Bénin, Burkina
Faso, Ethiopie, Ghana, Madagascar, Mali, Mauritanie,
Mozambique, Niger, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Ouganda et
Zambie.

Ces pays seront rejoints d’ici au début de 2007 par une
dizaine d’autres, dont les Comores, le Congo Brazzaville, la Côte
d’Ivoire, le Liberia, la Somalie, le Soudan et le Togo, qui tous ont
connu des troubles intérieurs ou des conflits civils. Classés
parmi les pays "post-conflits", de même que le Burundi, admis
au mécanisme PPTE en août dernier à l’issue de cinq ans de
guerre civile, ces derniers ont jusqu’à la fin de 2006 pour remplir
les conditions d’admission au processus.
Début juillet, cette nouvelle concession a été entérinée par le
G8 lors du sommet de Gleneagles (Ecosse).

A l’instigation de
son hôte, le Premier ministre britannique Tony Blair, celui-ci a
renouvelé l’engagement des participants en faveur de l’Afrique
subsaharienne, notamment en promettant un doublement de
l’Aide publique au développement (APD) pour la région, qui
serait ainsi portée à 50 milliards de dollars en 2010, contre
25 milliards en 2004. Ces décisions ont entraîné un
soulagement dans certaines capitales africaines. De même les
ONG militant pour un effacement total de la dette, notamment
dans la "campagne Jubilée", ont reconnu qu’il s’agissait d’"un
pas en avant".

Elles ont estimé toutefois que l’accord du G8
portait sur des montants "très limités" et qu’il restait "beaucoup
de chemin à faire" avant de parvenir à une solution définitive.

Un recours à l’emprunt pour compenser la chute des revenus

Pour les pays pauvres, ceux d’Afrique, d’Asie et d’Amérique
latine, les problèmes avaient commencé à la fin des années
1970. Les cours des matières premières dont ils tiraient
l’essentiel de leurs recettes d’exportation - 12% par an en
moyenne -, avaient chuté à partir de 1980 après une décennie
de hausse ininterrompue.

Dans le même temps, les Etats-Unis
ont remonté fortement leurs taux d’intérêts pour combattre
l’inflation suite aux "chocs pétroliers" de 1974 et 1979. Ce
processus a déclenché une crise de la dette dans les pays à
revenu intermédiaire d’Amérique latine et d’Asie. Et, pour les
pays les plus pauvres, un recours à l’emprunt de plus en plus
fréquent, voire excessif, pour compenser la chute de leurs
revenus.

Les pays nouvellement indépendants sont ainsi tombés dans
un véritable piège, certains vivant parfois au-dessus de leurs
moyens. Outre la faiblesse de leurs politiques économiques et
une gestion médiocre du secteur public, ils n’ont pas su jouer
avec les emprunts extérieurs pour renforcer leurs capacités de
production tout en gagnant des devises. Au contraire, les
investissements ont chuté, la croissance s’est ralentie et
parfois, il a même fallu emprunter pour payer les échéances
des dettes antérieures.

Pendant ce temps, la dette globale des
41 pays étiquetés PPTE en 1996 passait de 60 milliards de
dollars en 1980 à 105 milliards en 1985 puis à 190 milliards en
1990. Celle des pays africains de ce groupe aurait pu atteindre
200 milliards en 2000 si les créanciers n’étaient pas intervenus
pour stopper l’hémorragie, ont affirmé les experts.

Au sein du Club de Paris, les créanciers publics ont proposé
des rééchelonnements du service de la dette en accord avec le
FMI - ce fut le cas pour la dette latino-américaine. Rapidement,
ils se sont rendus compte qu’il fallait aller plus loin. Sous
l’impulsion notamment de la France, les sommets du G7
(Toronto, 1988 ; Londres, 1991 ; Naples, 1994) ont mis en
oeuvre des conditions plus favorables aux débiteurs. Celles
adoptées à Naples prévoyaient ainsi l’annulation des deux tiers
de l’encours de la dette auprès des créanciers officiels.

Un mécanisme trop complexe et trop lent

Le remède ne suffisant pas, en 1996, le président de la Banque
mondiale et le directeur général du FMI - respectivement James
Wolfensohn et Michel Camdessus - ont lancé l’initiative PPTE,
sensée ramener l’endettement des pays pauvres à des niveaux
« tolérables ».

Ce nouveau mécanisme prévoyait la participation
intégrale de tous les créanciers, bilatéraux, commerciaux et
multilatéraux - une première -, afin de réduire la dette dans un
effort conjoint et dans des proportions permettant aux pays
concernés de la rembourser sans compromettre leurs efforts de
développement et de réduction de la pauvreté.

Dans la pratique,
le mécanisme s’est avéré trop complexe et trop lent. Il a été
renforcé en 1999 afin d’assurer un allègement plus substantiel
et plus rapide à davantage de pays, à la condition que les
ressources libérées servent à réduire la pauvreté et augmenter
les dépenses d’éducation et de santé.

Pour les 27 pays ayant obtenu un allègement avant la fin du
premier trimestre 2005, le service de la dette payé entre 1998 et
2004 a diminué en moyenne de plus de la moitié par rapport aux
exportations et aux recettes publiques. Alors qu’auparavant ils
consacraient plus de moyens au remboursement de la dette
qu’à l’éducation et à la santé, leurs dépenses pour ces services
sociaux ont été quatre fois supérieures en 2004 aux montants
décaissés pour la dette.

Au final, l’initiative PPTE aura permis
jusqu’en 2005 de réduire la dette des pays bénéficiaires de
quelque 55 milliards de dollars. Mais les experts estiment qu’il
ne s’agit pas d’une panacée. Ces pays auront toujours besoin
d’emprunter et de recevoir une aide extérieure importante pour
atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement
(OMD). Et le maintien de l’encours de leur dette extérieure à un
niveau viable constitue toujours pour eux un sérieux défi.

Jan Kristiansen (MFI)

Le Pays

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