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La musique burkinabè en deuil : Maurice Simporé, "le Cobra sacré", s’en est allé

Publié le lundi 14 janvier 2008 à 10h32min

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Vendredi 11 janvier dernier disparaissait un grand homme de la musique moderne burkinabè, Maurice Simporé. Il a été inhumé le même jour à Léo dans sa ville d’adoption. Pionnier et calalysateur de la musique en Haute-Volta puis au Burkina Faso, l’artiste aura joué sa partition dans la promotion internationale. Faisons connaissance de quelques moments forts de la vie de l’artiste.

Une grande foule attristée s’est mobilisée le vendredi 11 janvier 2007 à Léo pour rendre un dernier hommage à Maurice Simporé. Les autorités politiques et administratives (maire de Léo, haut-commissaire, préfets), les parents, amis et connaissances, artistes-musiciens, hommes de culture et journalistes, ont chacun tenu à être présents aux obsèques de ce pionnier de la musique burkinabè.
Maurice Simporé a été enterré à son domicile à Léo selon son vœu. Décédé suite à une opération chirurgicale, Maurice Simporé laisse derrière lui une famille et des amis inconsolables. Mais ainsi va la vie et l’artiste continuera à vivre parmi les mélomanes à travers sa riche et variée discographie. Homme de principe, éducateur de talent, musicien hors pair, son œuvre n’aura pas été vaine.

Qui était Maurice Simporé ?

Maurice Simporé est né le 4 juin 1940. Après une enfance sans histoires à l’école primaire, il entre au collège moderne et classique de Ouagadougou (actuel lycée Philippe Zinda Kaboré). En classe de Terminale, il opte pour l’enseignement et est affecté à Léo. Une affectation demandée et voulue par M. Bamina Nébié Georges, ministre de l’Education de l’époque. Raison invoquée, former un ensemble musical dans ladite ville. Un choix judicieux au regard du parcours musical du jeune Simporé, musicien avant l’âge, pourrait-on dire. Elève au collège moderne il était déjà un musicien confirmé chantant et jouant de plusieurs instruments. Il fit les beaux temps de l’orchestre "Antonio cha cha boys" dirigé en son temps par un expatrié.

A Léo donc, Maurice Simporé créa le High live jazz en 1960. Après quelques années passées dans cette ville, il "redéposa" son baluchon à Ouagadougou où un orchestre occupait la scène. Il s’agit de l’Harmonie voltaïque, un ensemble musical créé par Antoine Ouédraogo (infirmier vétérinaire) en compagnie entre autres, de Pierre Tapsoba (père de la musicienne Opportune Tapsoba) en 1948. Intégré dans cet ensemble musical, Maurice Simporé en devint quelques temps après le leader incontesté. Compositeur hors pair, il fut l’âme du groupe. Chanteur, arrangeur, instrumentiste, il savait donner l’élan et le tempo qui convenaient. Sous sa coupe des musiciens comme Henri Tapsoba se lancèrent avec succès dans la chanson. Chanteur à thème, moralisateur de la société, Maurice Simporé a beaucoup dérangé même s’il était adulé par les foules. Beaucoup de ces compositions lui valurent de nombreux déboires.

Après la chute du président Maurice Yaméogo, il composa une chanson sur la célèbre journée du 3 janvier et quelques temps après, il fut sauvagement agressé. Il s’en remit mais avec un handicap au pied qu’il gardera sa vie durant. Il voulait tout savoir de la musique. Ce qui le conduisit à l’Université de Legon au Ghana pour un séjour d’études. Beaucoup de musiciens en sont venus à la musique grâce au grand encadreur qu’était Maurice Simporé. Animateur fulgurant, il a été l’ambassadeur de la Haute-Volta à travers la musique auprès de pays africains et d’ailleurs. En quittant l’Harmonie en 1974 pour créer le "Rourougou band" (la bande du cobra), il voulait s’initier à d’autres genres et recherches musicaux, mais aussi céder la place à la jeune génération qu’il a formée au sein de cet orchestre. L’aventure avec le "Rourougou Band" n’alla pas loin et l’artiste dans une semi-retraite musicale s’occupait exclusivement de la formation musicale. C’est ainsi qu’il supervisa l’orchestre, les "Petits chanteurs au poing" levé du temps de la Révolution.

Maurice Simporé s’en est donc allé en laissant derrière lui, une famille et de nombreux fans éplorés. Mais l’artiste n’est pas mort, il n’est pas mort car sa riche discographie bercera toujours les nombreux fans de cha-cha et des nombreux mélomanes.

Fernando GUETABAMBA


Souvenirs, souvenir

Dia-Dia Nignan, instituteur à la retraite : Maurice Simporé et moi étions de bons copains au collège moderne de Ouagadougou, l’actuel lycée Philippe Zinda Kaboré. Nous avons passé le BEPC ensemble en 1957. En 1958, moi j’ai quitté le collège pour l’enseignement et lui il a poursuivi. Quelques années plus tard, il fut lui aussi affecté à Léo comme instituteur sous feu Nignan Bamina Georges (ancien ministre de l’Education dans les années 60). Celui qu’on vient d’enterrer aujourd’hui (vendredi 11 janvier 2008) a créé l’orchestre High life jazz de Léo dans les années 60 sous l’impulsion du ministre Nignan Bamina Georges.
Je l’appelais mon beau et Maurice Simporé m’a donné un surnom "Fricotin" et de temps en temps au collège moderne il nous arrivait d’aller dans sa famille paternelle pour boire du dolo. En classe aussi, on avait une dame professeur de Français qu’on emmerdait de temps à autre . Cette dame appelait Simporé, Sia-pré et moi, Nig-man.
Avant la création de l’Harmonie voltaïque, nous avions nos instruments au collège moderne et à Ouagadougou aussi, il y avait un ensemble musical dénommé "Antonio et ses cha-cha boys", le seul orchestre de Ouagadougou du reste, qui donnait des soirées à la Maison des jeunes et Simporé jouait le saxo et la guitare.

Yacouba Diakité, maire de Léo : Mes liens avec Maurice Simporé étaient très solides. Tout d’abord, il fut mon premier maître et c’est un monsieur que j’ai beaucoup apprécié. Depuis l’école primaire dans les années 58, j’ai appris à l’aimer et puis il est parti et un jour à Ouagadougou, on s’est rencontré et il m’a tout de suite reconnu. En échangeant, je lui ai fait savoir que je suis à Léo et je suis le maire de cette ville. "Je viendrai à Léo et je verrai comment les choses ont évolué depuis mon départ", m’a-t-il dit. Il est venu effectivement et nous avons passé toute la journée ensemble. Après il m’a fait savoir qu’il va revenir à Léo, rester à Léo et être entérré à Léo parce que Léo était dans son cœur.
Il a demandé un terrain que nous lui avons accordé et il a tout de suite construit. Nous avons toujours entretenu de très bonnes relations. Simporé l’enseignant avait ses principes. Il aimait le travail très bien fait. Aujourd’hui, beaucoup de nous lui doivent leur carrière. Je souhaite qu’il repose en paix et que la terre de Léo lui soit légère.

Germain Nama, directeur de publication de l’Evènement : Autour des années 1962 à Léo ici, Maurice était le maître d’école et en même temps l’animateur au niveau de la ville. Les élèves que nous étions étaient en même temps le vivier dans lequel il puisait pour son orchestre. Il y a un épisode qui m’a beaucoup marqué chez Maurice Simporé. Il y avait un concours qui était organisé lors d’une fête dont je me rappelle plus l’occasion. Une course de motos a été organisée, Maurice Simporé a tenté de démarrer et il a craqué une allumette et a brûlé sa moto. C’était un personnage atypique. J’ai retrouvé par la suite Maurice à Ouagadougou partout où il animait. Il a bercé notre adolescence. En 1972, je l’ai retrouvé à Accra, où il était étudiant en musique. Il venait me chercher à mon hôtel et on allait faire des virées. Voilà les deux images que je garde de ce grand monsieur. Il y a quelques années on s’est retrouvé à Kienfangué (localité située à une vingtaine de km de Ouaga). Nous avons passé un bon temps ensemble en buvant du dolo et c’est en venant à Yalé à l’enterrement du vieux Bamina Georges Nébié que j’ai appris qu’il était décédé. Je savais qu’il était retourné à Léo où il avait un champ de maïs. C’est en arrivant à Yalé que j’ai appris la mauvaise nouvelle de la mort de cet homme sympathique mais aussi atypique.

Roger Waongo, artiste-musicien : Maurice Simporé était un grand de la musique voltaïque et burkinabè. Il a posé les jalons et a fait en sorte que fait des gens comme nous arrivent à la musique. Il partie des des premières personnes que j’ai vu est sur scène avec l’Harmonie Voltaïque et à l’époque on montait sur les arbres pour les voir jouer avec les Yoni... Ce sont des grandes personnes qui ont beaucoup fait pour le pays. Je me rappelle encore les chansons telles Karamsaba et les autres avec le Rourongou band. C’est quelqu’un qui a écrit des chansons extraordinaires et occupait la bande sonore avec le concert des auditeurs et j’en passe. C’est un grand, il n’y a rien à dire.

François Simporé, gendarme à la retraite-frère cadet de Maurice Simporé : Je me rappelle que j’étais au collège en 1959 et feu Bamina Nebié Georges qui était le ministre de l’Education à l’époque a eu à contacter Simporé Maurice qui était au lycée Zinda pour lui demander s’il pouvait venir servir à Léo et former des messieurs sur place. Maurice a accepté et c’était son premier poste. Il a effectivement monté un orchestre tout en étant
enseignant.
Il est reparti à Ouagadougou comme surveillant au lycée Zinda et est revenu encore à Léo et à sa retraite il prend la décision de s’y installer parceque Léo l’a adopté aujourd’hui, on enterre le ministre Bamina Nebié Georges qui l’a fait venir ici et Maurice aussi, c’est un peu troublant pour moi.
J’ai été musicien, de l’Harmonie Voltaïque et j’ai joué de 1960 à 1965 à la guitare solo, avant de décrocher pour aller à la gendarmerie.

Alidou Pagnagdé Sawadogo, artiste-comédien : Pour moi, Simporé Maurice est un monument de la musique burkinabè. Il a rejoint son père Tapsoba Henri avec lequel il a fait les beaux temps de la musique. Quand il y ’avait le fête nationale en Côte d’Ivoire c’était l’Harmonie Voltaïque qui se chargeait de l’animation. Même chose pour le Niger. En dehors du Mali qui avait des formations musicales, les autres pays se tournaient vers la Haute-Volta pour avoir des musiciens.
Quand j’ai appris que Maurice, ce grand homme de la musique, est parti, j’ai eu des frissons. Simporé Maurice animait un ensemble extraordinaire dont le soliste François Tapsoba a été classé 3e africain après les docteur Nico du Zaïre (actuel RDC) on ne peut pas rester indifférent devant ces monuments.

Tapsoba François, ancien soliste de l’Harmonie Voltaïque chef de l’orchestre national : Simporé Maurice a été mon chef d’orchestre depuis 1965 et on est resté ensemble jusqu’en 1974, année à laquelle il a quitté l’Harmonie Voltaïque pour fonder le Rourongou Band.
On a gardé de bons rapports et il n’appelait MDL (Maréchal de Logis) puisque j’étais son guitariste et aussi le trésorier de l’orchestre. Nous avons, lui et moi tissé de très très bonnes relations.
Chaque fois qu’il avait quelque chose à faire, il cherchait à me trouver pour qu’on en cause un peu. Maurice, il faut le dire, est un monument.
Il était parmi les premiers compositeurs du pays. Je pense à des chansons telles "Paweto" ou "Thérèse baba" que tout le monde a connues. Le premier warba de ce pays est venu de lui. C’était le compositeur, nous étions des exécutants. Il composait pratiquement tout. La chanson , la guitare, les percussions. C’était un compositeur hors pair.

Sidwaya

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