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Référendum au Kénya : L’alternance piégée

Publié le vendredi 25 novembre 2005 à 07h49min

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Mwai Kibaki

Le président kenyan, Mwai Kibaki, a annoncé mercredi soir la dissolution de tout son gouvernement. Ce nettoyage par le vide n’est que la suite logique du rejet, lundi, par referendum, de son projet de nouvelle Constitution.

En effet, selon les derniers résultats publiés par la Commission électorale, le camp du « non » a remporté 57% des suffrages. Ce document, censé pourtant conduire le pays sur les chemins du progrès, avait profondément divisé la société kényane et en premier lieu le gouvernement de M. Kibaki, dont une partie des ministres avaient pris la tête du « non ». Et les menaces de poursuites pour trahison à l’encontre des frondeurs n’y avaient rien changé. Une victoire sans appel donc, considérée comme un véritable camouflet à l’encontre d’un président qui s’était personnellement investi pour le « oui ».

L’ancien opposant de 74 ans, devenu par la volonté du même peuple le successeur d’un Daniel Arap Moi gagné par l’usure du pouvoir, après 24 années passées à la tête du pays, a dû tirer les conséquences de ce vote- sanction. Il n’avait d’ailleurs pas d’autre choix, lui qui entend briguer un second mandat de cinq ans.

Elu en décembre 2002 avec la promesse de faire changer les choses après un quart de siècle de régime Arap Moi, il avait entre autres promis à ses concitoyens de les doter d’une Constitution qui réduirait les pouvoirs du président. On en est bien loin, car le projet soumis à la sanction populaire, malgré la création d’un poste de Premier ministre, maintenait coûte que coûte une forte concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’Etat. A ce manquement s’ajoutent les fléaux courants sous nos tropiques, que sont la corruption, la mal gouvernance et pour couronner le tout, les frasques d’une première dame, la terrible Lucy, toujours prête à en découdre.

Le changement providentiel tant souhaité par les enfants de Mzee (l’ancien) Jomo Kenyatta, après un quart de siècle de pouvoir sans partage, se fait toujours attendre malgré l’arrivée aux commandes d’un homme aux idées neuves. Cette situation n’est pas sans rappeler celle décrite par le journaliste sénégalais Abdoulatiff Coulibaly dans son ouvrage intitulé : « Wade, un opposant au pouvoir : l’alternance piégée ». Elle pose encore une fois le problème de l’alternance dans les pays africains. Si dans quelques cas trop rares le changement à la magistrature suprême s’est effectué sans susciter trop de déceptions, bien des peuples du continent ont vite déchanté après avoir offert les rênes du pouvoir à des personnalités censées porter tous leurs espoirs.

Au Bénin voisin, Nicéphore Soglo, après avoir écarté son prédécesseur Mathieu Kérékou, n’avait pas pu renouveler l’exploit cinq ans plus tard, handicapé qu’il était par les multiples casseroles que traînait son épouse Rosine. Plus loin, le Congolais Pascal Lissouba, chassé de son pays à la faveur de la guerre civile, dont il avait lui-même contribué à allumer le brasier. Mais alors faut-il pour autant redouter le changement sous le prétexte selon lequel « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » ? Sûrement pas !

Les Kenyans, comme d’autres avant eux, en votant pour l’alternance, ont mis un terme à une expérience qui menaçait de s’éterniser sans pour autant leur offrir de nouvelles perspectives. Si, à leurs yeux, le changement reste décevant, ils ont toujours la possibilité de changer encore et c’est ce qu’ils ont démontré par ce coup de semonce, que l’actuel locataire de la présidence a bien compris. Car s’il est vrai que l’alternance comporte certains risques, notamment sur les qualités substantielles de l’heureux élu et de son entourage, elle constitue sans aucun doute l’empreinte d’une démocratie bel et bien vivante et surtout la manifestation de la souveraineté du peuple.

H. Marie Ouédraogo

L’Observateur

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