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Burkinabè immigrés clandestins : Quelles leçons pour nos dirigeants ?

Publié le mercredi 14 septembre 2005 à 08h11min

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C’est un parfait reflet des échecs des politiques africaines en matière d’emploi. A force d’attendre, en vain, que l’horizon soit moins assombri, le quotidien moins ennuyeux et moins pesant, et que la vie se présente à leurs yeux plus en termes de roses que d’épines, bon nombre de jeunes Africains désoeuvrés n’ont plus d’autre choix que l’exil.

Oui, partir ailleurs, loin de son pays natal, peu importe la destination, peu importent les océans et les sables de lamentations et d’humiliations qu’il faudra braver.

Peu importent aussi les risques que présentent de telles odyssées, l’essentiel étant de trouver une terre d’acceuil où il fasse mieux vivre. L’Occident ? Généralement trop inhospitalier pour souhaiter y déposer ses baluchons. Les conditions d’immigration devenues plus renforcées, l’entrée dans ces pays passe pour un parcours du combattant.

A défaut de mieux, les espoirs sont tournés vers d’autres cieux, en terre africaine. On croit certainement que le poids de la vie sera moins lourd à porter, une fois établi par exemple en Libye, au Gabon et dans bien d’autres capitales du continent.

Mais au-delà de ces échecs imputables, pour l’essentiel, aux dirigeants africains, ces départs massifs des populations vers d’autres horizons, remettent en cause l’efficacité même de l’aide internationale destinée à la lutte contre le chômage, singulièrement, et la lutte contre la pauvreté en Afrique en général.

Non contents de barricader leurs frontières face à la "menace" démographique extérieure, bon nombre d’Etats occidentaux ont ajouté à leur politique très sélective, l’érection de barrières à l’entrée de marchandises du Sud. Seuls produits pour lesquels ils adoptent, sans gêne, un autre ton : ceux qui participent à la vitalité et à la viabilité de leur économie.

Que gagnent nos Etats africains dans ce type d’échanges qui, visiblement, tourne plus à l’avantage des pays occidentaux ? Peut-être beaucoup, mais pas assez. Certes, les Etats-Unis ont tendu une perche à quelques pays africains éligibles à l’AGOA, par l’ouverture de leurs marchés à certains produits. Mais il reste que ce sont, avant tout, eux qui déterminent les produits à échanger, ce qui dénote d’un rapport de forces inégal.

Ce ne sont pas en tout cas des ressources humaines qui manquent en Afrique, et particulièrement au Burkina Faso dont la réputation de pays travailleur a franchi les limites de ses frontières. Ce n’est pas non plus des filières agricoles qui font défaut. Reste que l’exploitation de ces filières n’aura d’ impact qualitatif sur le quotidien des populations contraintes de fuir la misère pour un sort plus clément, que si les producteurs de ces filières sont mieux structurés et plus organisés. Inorganisées, ces filières ne peuvent pas s’ intégrer dans les échanges commerciaux Nord-Sud.

Il est aujourd’hui reconnu que l’exploitation des cultures de rente soumises à l’exportation ne font pas forcément l’affaire des braves et pauvres paysans, et que la meilleure alternative, pour les décharger du fardeau de la pauvreté, consiste plutôt à miser sur des cultures vivrières suffisantes, afin de tendre vers une autosuffisance alimentaire réelle et permanente.
En expérimentant les cultures de contre-saison et en les encourageant, en mettant à exécution un vaste projet visant à doter le pays d’une centaine de barrages de grande envergure, les autorités burkinabè ont certainement vu juste.

L’eau étant la vie, on peut certainement arriver à fixer les jeunes dans leur terroir, et ainsi leur éviter les aventures incertaines, voire périlleuses. Toutefois, il est curieux de constater que c’est après plus de 45 ans d’indépendance que les dirigeants se sont résolus à jouer à fond la carte de l’implantation des barrages. Il n ’y aurait sans doute pas de faim dans les campagnes et les populations se sentiraient en pays de Cocagne si l’eau avait coulé à flots et les produits écoulés sans difficulté, par la mise en place de mécanismes efficaces.

En tout cas, il est évident que ce n’est pas de gaieté de coeur que beaucoup de jeunes Africains prennent les durs, incertains et dangereux chemins de l’exil . Si certains d’entre eux tiennent encore, malgré les tracasseries, les brimades, les humiliations, les sévices, etc., à se rendre dans un pays voisin comme la Côte d’Ivoire, malgré les dangers qui les guettent, c’est sans nul doute en désespoir de cause.

Il appartient donc aux dirigeants africains de créer des mécanismes qui génèrent suffisamment d’ emplois afin d’occuper leurs peuples qui, ce n’est pas exagéré de le dire, donnent l’impression de s’ennuyer à en mourir. Ces peuples doivent être en mesure de mener des activités de leur choix, qui puissent favoriser des emplois et une vie décente. Les sommets (sur l’emploi) succèdent aux sommets, et les chômeurs en sont toujours à scruter l’horizon.

Si ailleurs, la question de l’emploi est une préoccupation majeure et une bataille au quotidien, et que ce sujet est très sensible au point de faire et défaire un régime, en Afrique, malheureusement, la persistance de ce fléau n’est pas étrangère à un manque de réelle volonté politique ; cette persistance est même parfois la résultante d’une démission totale de la majeure partie des classes politiques africaines. Conséquence : des bras valides, mais devenus "amorphes" parce qu’inexploités, tentent d’aller voir ailleurs.

Pour ce qui est du Burkina, certains avanceront que la mise en place prochaine des communes rurales permettra aux nouveaux maires d’être très proches des problèmes et préoccupations de leurs populations. Si l’Etat ne peut, jusque-là, donner une idée des demandeurs d’emplois, comme cela se fait en Occident, ce sera sans doute plus facile pour ces mairies qui disposeront de données précises, de proposer des solutions locales. Cette idée de commune rurale est bonne, certes. Mais encore faut-il que ces maires soient des personnes représentatives de ces populations, aimés d’elles.

Assurément, rien ne sert de les imposer, sous la bannière d’un parti politique. Car, si la politique prend le pas sur les problèmes des populations, l’on risque de courrir vers une expérience ratée d’avance. Pour donner aussi des chances de réussite à cette expérience, ces futurs maires doivent avoir les coudées franches. L’ingérence, à la limite, parfois outrancière du pouvoir central, doit cesser. Tout comme doivent cesser les considérations politiques qui priment sur la compétence et la bonne moralité.

Mais dans un pays où tout ou presque est politisé, c’est à se demander si, finalement, on ne refuse pas notre propre développement, pour ne s’intéresser qu’à la politique politicienne.

Le Pays

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