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Procès du putsch manqué : « J’ai l’impression que tous ceux qui viennent ici se sont concertés pour tout déverser sur moi », adjudant-chef major Eloi Badiel

Publié le lundi 9 juillet 2018 à 23h15min

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Procès du putsch manqué : « J’ai l’impression que tous ceux qui viennent ici se sont concertés pour tout déverser sur moi », adjudant-chef major Eloi Badiel

Depuis le début du procès du putsch manqué de septembre 2015, il y a un nom qui revient sur les lèvres de tous les accusés qui sont déjà passés à la barre du président Seidou Ouédraogo : celui de l’adjudant-chef major Eloi Badiel. Il est celui-là même qui aurait donné l’ordre à l’adjudant-chef Moussa Nébié dit « Rambo » et à l’adjudant Jean Florent Nion de procéder à l’arestation du président de la Transition, Michel Kafando ; du Premier ministre, Yacouba Isaac Zida ; et des ministres Augustin Loada et Réné Bagoro. Devant les juges ce lundi 9 juillet 2018, le major est revenu sur le film des évènements.

À la suite de l’adjudant Ouékouri Kossé dont l’interrogatoire a débuté le samedi 7 juillet et a pris fin ce 9 juillet 2018 (à 9h40), l’adjudant-chef major Eloi Badiel est appelé à la barre. Il est inculpé pour attentat à la sureté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires. Après avoir suivi la lecture des charges contre lui, l’accusé s’adresse à la juridiction en ces termes : « J’ai l’impression que tous ceux qui viennent ici se sont concertés pour tout déverser sur moi ». En effet, depuis le début du procès, son nom revient sur les lèvres de tous, sans exception. Si fait que le parquet militaire et la partie civile le taxent de « coordonnateur » du coup d’Etat manqué.

De ces trois charges, le client de Me Bali Baziemo plaide coupable pour l’attentat à la sureté de l’Etat, mais ne se sent pas concerné par les deux autres chefs d’accusation. Le major Badiel reconnait avoir donné l’ordre d’arrêter les autorités de la Transition. Il reconnait avoir agi sur instruction du général Gilbert Diendéré à travers un émissaire en la personne du sergent-chef Roger Koussoubé dit « Touareg ». Selon l’accusé, tout a débuté dans la matinée du 16 septembre 2015 vers 10h.

Après le rassemblement au carré d’armes, le sergent-chef Roger Koussoubé, qui l’avait joint au téléphone la veille pour lui dire qu’il voulait le voir, l’a approché et a demandé à le voir. Son message était que le général a instruit d’arrêter le président de la Transition, Michel Kafando ; le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida ; et les ministres Augustin Loada et Réné Bagoro.

Le major demande au sergent-chef, qui est son subordonné, si l’ordre venait réellement du général. « Affirmatif », répond « Touareg », le messager. Pour confirmer cette information, en lieu et place de joindre son chef d’unité, le capitaine Abdoulaye Dao, qui était en déplacement à Bobo, le major, en compagnie du messager, se dirige vers un autre subordonné, l’adjudant Jean Florent Nion, pour porter l’information et demander vérification.

Toute chose que le parquet militaire, la partie civile ainsi que certains avocats de la défense ne comprennent pas, en ce sens que dans l’armée, l’ordre se donne du plus gradé au subalterne. L’inverse n’est prévu nulle part. L’accusé s’en défend car il ne faisait plus confiance à certains de ses supérieurs qui travaillaient pour le camp Zida.

Pour vérifier l’information, Nion envoie donc un SMS au général qui répond qu’il était chez lui à la maison. Donc il fallait passer au domicile de ce dernier. C’est sur ces mots que le major quitte les deux et le palais présidentiel pour rentrer à la maison. Pendant qu’il mangeait tranquillement son repas entre 12h30-13h, le sergent-chef Roger Koussoubé l’appelle au téléphone, l’invitant à revenir au palais, sous prétexte que c’est urgent. Au palais, l’émissaire confirme le message donné le matin par le général.

C’est ainsi que le major fait appel à « Rambo », qui était de garde à la villa Kilo. Rambo rapplique, ainsi que l’adjudant Nion. L’adjudant Ouékouri Kossé (qui est venu en retard) a été envoyé en compagnie de l’adjudant Mohamed Laoko Zerbo, en observation dans une aile de la présidence du Faso, sans être mis au courant qu’il y avait l’arrestation des autorités en cours. Ce qui corrobore les dires de ces derniers lorsqu’ils étaient à la barre.

Alors que « Rambo » a bel et bien affirmé que c’est l’adjudant Ouékouri Kossé qui a ouvert la porte du Conseil des ministres pour que Nion et lui procèdent aux arrestations.

Le major Badiel confirme être allé en compagnie de l’adjudant Ouékouri Kossé chez le défunt Salifou Diallo, dont le domicile était en feu, pour éviter le pillage. Cela sur instruction du colonel Boureima Kéré. Il reconnait avoir envoyé une équipe porter secours à un des leurs en difficulté vers le SIAO, mais pas au studio Abazon.

Il réfute avoir envoyé des patrouilles en ville, encore moins à la radio Savane FM ou dans la ville de Zorgho. Le major nie avoir envoyé le sergent-chef Ali Sanou monter la garde au Conseil (derrière la primature), encore moins faire des patrouilles ou des interventions en ville.

Le major Badiel, qui fait toujours partie des effectifs de l’armée, totalise à ce jour 32 ans de carrière. Au départ, il ne savait pas que c’était un coup d’État, même s’il refuse de donner une définition à l’expression « coup d’État ». Il affirme regretter qu’il y ait eu des morts, même s’il dit n’avoir tué personne. Il ajoute que si cela était à refaire, il n’aurait jamais obéi à cet ordre (arrêter les autorités). L’accusé n’a pas fini de vider son sac car son interrogatoire a été suspendu à 17h et reprend le mardi 10 juillet 2018 à 9 h.

Marcus Kouaman
Lefaso.net

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