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Exécutifs locaux : Les amalgames sont les causes des violences

Publié le lundi 18 juillet 2016 à 05h52min

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Exécutifs locaux : Les amalgames sont les causes des violences

Les hommes et femmes de science nous enseignent que la principale caractéristique qui diffère l’Homme de l’animal, c’est la raison. L’Homme, dans son sens générique, est doué de raison, et donc de la faculté de réflexion pour opérer des choix avisés, penser, concevoir et mettre en œuvre des mécanismes et stratégies pour réguler sa vie, la vie en société, la vie en communauté.

Partant de ce principe, ne devrait-on pas être en droit de s’attendre à ce que tout ce qui sort de l’imagination de l’Homme ait pour finalité d’améliorer ses conditions d’existence, aussi bien en tant qu’individu ou ensemble d’individus constituant une communauté ? Comment donc comprendre que la politique, considérée comme ‘l’art de la gestion de la cité’ ou ‘ l’ensemble des options prises collectivement ou individuellement par un gouvernement ou une communauté’ pour réguler sa vie et les rapports entre ces différents membres’, soit in fine facteur de division, de fracture sociale, et même de conflits fratricides ?

Ce qu’il nous a été donné de constater dans certaines communes, dans le cadre de la mise en place des instances des exécutifs locaux suite aux élections municipales du 22 mai 2016, n’honore personne, surtout pas après que la communauté internationale, dans son ensemble, a félicité le Burkina Faso et le cite comme un modèle de transition réussie et une référence en matière de gestion endogène des contradictions.

Les prémisses de ces situations déplorables n’étaient-elles pas déjà perceptibles dès les campagnes pour les municipales et durant l’élection du 22 mai 2016 ? Le dimanche 22 mai 2016, le président Roch Marc Christian Kaboré déclarait : « Nous avons tout temps fait des élections, mais c’est la première fois que j’estime que nous avons franchi le Rubicon au niveau des partis politiques » ; et d’appeler ses concitoyens à « une introspection pour que nous ne nous comportons pas de cette manière demain ». Il avait dit en substance : « Il appartient aux partisans de chaque parti politique de réfléchir aux conséquences » parce que les violences « empêchent la population d’avoir un organe qui leur permet d’assumer leur développement »

Au cours du Conseil des ministres du 22 juin 2016, le Ministre d’Etat, Ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure a fait le point des dommages occasionnés au cours la mise en place des conseils municipaux dans certaines communes : à Kantchari, un militant est décédé suite à des altercations. A Karangasso-Vigué, ce sont deux militants qui y ont trouvé la mort. A Gombolo et Sourougui, deux mairies ont été incendiées. Ces violences ont fait de nombreux blessés, y compris par balles. A la date du 22 juin 2016, sur les 367 communes que compte le Burkina Faso, 330 avaient pu installer leur exécutif local. C’est dire que 37 communes n’étaient toujours pas au rendez-vous. Le mardi 28 juin 2016, le Ministre annonçait lors de l’ouverture d’un atelier d’évaluation des élections couplées présidentielle et législatives du 29 novembre 2015 et des municipales du 22 mai 2016, que « 342 communes sur 367 ont pu désigner leurs maires », et lançait un ultimatum de 24 heures (jusqu’au mercredi 29 juin 2016) a la vingtaine de communes restantes, pour se mettre en règle.

Le lundi 12 juillet dernier, c’est le parlement burkinabè qui, par la voix de son président, Son Excellence Dr Salifou DIALLO, condamnait les violences qui ont émaillé les élections municipales avec trois morts et bloquant l’élection dans 14 communes en ces termes : "Ces dérapages (...) sont inacceptables et inadmissibles dans une démocratie", et lançait un « appel au sens de la responsabilité de tous les acteurs politiques, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition pour un retour rapide d’un climat social apaisé après ces élections municipales dont le but est de renforcer la démocratie et non de la détruire".

L’on ne saurait passer sous silence les interpellations de toute la classe politique, de la société civile et de citoyens ordinaires, qui ont manqué de mots à la hauteur de leur déception pour s’offusquer de ces dérapages inédits.

Dans la rubrique « On murmure » du quotidien Sidwaya No 8202 du mercredi 13 juillet 2016, un article a fait allusion à la commune rurale de Ziga dans la province du Sanmatenga, avec en titre : « Commune rurale de Ziga : un candidat bloque l’élection du maire » En effet cette commune fait partie des dernières localités où l’on n’a pas encore réussi à mettre en place l’exécutif local. Les raisons de cette situation ne sont pas différentes de celles qui seront évoquées dans les lignes qui suivent. Les risques qu’encourent chacune des communes qui n’aura pas réussi à asseoir son exécutif local, à en croire l’Administration, sont, entre autres, la mise sous délégation spéciale, la délocalisation, etc. De toute évidence, aucune de ces options n’honore notre démocratie et à défaut de la détruire, elle ne la renforce pas, pour emprunter les termes du président de l’Assemblée nationale, par ailleurs président par intérim du parti au pouvoir.

S’offusquer face à une situation est une chose ; mener la réflexion et agir dans le sens de minimiser les conséquences néfastes de ladite situation, et même de prévenir sa survenue à l’avenir comme le souhaite le président du Faso, en est une autre. Cette réflexion interpelle tous les fils et toutes les filles de notre cher Faso, et elle ne saurait se faire sans un diagnostic franc et sans complaisance. Quand un diagnostic est mal posé, le remède sera sans effet car ce qui est soigné est autre chose que le mal qu’il est censé guérir. Quelles sont les principales causes de ce que nous déplorons tous aujourd’hui ? Quant aux solutions, il reviendra à qui de droit de faire appel à son ingéniosité et à son sens élevé de responsabilité.

L’instrumentalisation à outrance de nos notabilités coutumières et religieuses

En d’autres termes, c’est reposer la problématique de la place et du rôle de nos hauts responsables coutumiers et religieux dans un Etat multiethnique, moderne et laïque et qui, de surcroit, se veut une DEMOCRATIE. Depuis longtemps – particulièrement ces 30 dernières années - cette catégorie de personnes, notre richesse commune, nos derniers recours pour nous sortir des situations difficiles sans avoir à faire appel à des médiateurs extérieurs, est utilisée et instrumentalisée par des politiciens (je préfère ce terme à ‘politiques’), pour semer la discorde et la division. Malheureusement, les acteurs locaux qui paient toujours un lourd tribut de ces utilisations malsaines, se laissent entrainer dans ces amalgames et confusions de genres. On fait dire à ces notabilités ce qu’elles ne peuvent avoir pensé ni dit parce que contraire aux valeurs que leur ont léguées leurs ancêtres, ou alors on les induit en erreur car, généralement ces genres de personnes sortent peu sinon pas du tout, et c’est ce qui leur est rapporté qui constitue la base de leurs jugement et décisions.

Nous conviendrons tous que si certaines de nos plus hautes autorités coutumières s’étaient laissé instrumentaliser au point d’afficher publiquement un parti pris, elles n’auraient jamais été les derniers remparts pour sauver le Faso des zones de très hautes turbulence de ces 20 dernières années. Nous rendrons tous un grand service à la démocratie en évitant d’instrumentaliser notre richesse commune.

L’instrumentalisation malveillante de l’ethnie, de la religion, de la caste ou d’autres déterminants sociaux culturels

En panne d’arguments, le politicien utilise tous les moyens, même les plus abjects, pour atteindre son but. Si ce n’est pas l’ethnie qui est instrumentalisée (ce qu’Abou Bamba DOUKARE (ABD) a qualifié de « Ethno-démocratie au Burkina Faso et en Afrique » in lefaso.net du jeudi 30 juin 2016), c’est la religion ou d’autres déterminants de catégorisation sociale ou culturelle. A Karangasso-Vigué dans la Région des Hauts-Bassins par exemple, selon le ministre Simon Compaoré, « ce sont les populations autochtones et allogènes qui ont été instrumentalisées et qui se sont affrontées ».

Le Burkina Faso est une nation, du moins ce que je crois jusqu’à présent. Et notre constitution consacre l’égalité de tous les burkinabè en droit. Il n’y en a pas qui soient plus ou moins burkinabè que d’autres. Comment peut-on comprendre l’utilisation malheureuse de termes comme « quelqu’un ne peut pas quitter telle région, telle province, telle ville, tel village ou tel secteur et venir être ceci ou cela ici » ? Et le plus affligeant est que ces genres de propos rencontrent la complicité passive de certains politiciens, s’ils ne sont pas tout simplement suscités et alimentés par ces derniers. Ce sont des précédents dangereux et porteurs de germes de lendemains incertains pour un jeune Etat qui se veut Nation et Démocratie. Des arguments de cette nature ne produiront, à terme, rien d’autre que ce qu’ont vécu des voisins pas très loin de nous. N’avons-nous pas ‘sept milliards de voisins’ ?

La politique du ‘deux poids deux mesures’

Les difficultés (le manque de volonté ?) des dirigeants à faire en sorte que la loi et les règles établies s’appliquent à tous et à toutes de la même manière, sans discrimination ni parti pris, ne sont pas de nature à instaurer un climat serein entre les acteurs quand les intérêts politiques commencent à s’exprimer. Lorsqu’il est établi qu’en démocratie c’est la loi de la majorité quand il n y a pas de consensus, et que cette loi de la majorité ne peut se matérialiser que par le vote, il faut qu’il en soit ainsi partout et pour tous. Si pour une raison ou une autre, une entité géographique devrait bénéficier d’un statut particulier et faire l’exception, il faut que cela soit consacré par la loi et diffusé afin que tous en prennent note et acte.

Une des principales raisons des frustrations lors des processus de mise en place des conseils municipaux, est la volonté affichée par certains hauts responsables de partis politiques ou chefs coutumiers d’abuser de leur influence et pouvoir pour imposer leur volonté, au mépris des règles convenues, en utilisant l’intimidation, le chantage et des menaces à peine voilées. Ainsi naissent les velléités de patrimonialisation du pouvoir. Si un système a été décrié et chassé par une insurrection, c’est pour qu’enfin la politique retrouve ses lettres de noblesse, et non pour continuer avec les mêmes pratiques qui ont rendu le terreau fertile pour la révolution.

Mamadou SAWADOGO Conseiller pédagogique de l’Enseignement secondaire (mamsawatt@yahoo.com / sawattmam@hotmail.com )

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Vos commentaires

  • Le 18 juillet 2016 à 06:34, par Tapsoba R(de H) En réponse à : Exécutifs locaux : Les amalgames sont les causes des violences

    Politiciens pompiers pyromanes.

  • Le 18 juillet 2016 à 15:17, par Kôrô Yamyélé En réponse à : Exécutifs locaux : Les amalgames sont les causes des violences

    ’’A Karangasso-Vigué dans la Région des Hauts-Bassins par exemple, selon le ministre Simon Compaoré, ce sont les populations autochtones et allogènes qui ont été instrumentalisées et qui se sont affrontées’’.

    - Mon cher ami SAWADOGO, la vérité c’est que les mossis pensent être les plus nombreux au Burkina alors ils se disent qu’ils ont le droit sur tout, même aller exercer le pouvoir loin de leurs origines. C’est ça la vérité ! Est-ce que tu as entendu les propos tenus par le leader des communautés mossis de Karankasse-Vigué ?

    Prenons le cas de Bobo-Dioulasso ! Il y a combien de Maires d’ethnies différentes que Bobo a connus depuis qu’elle est commune ? Il y en a plein d’ethnies et moi je peux compter les bobos depuis Sitafa Sanou, Salia alias ‘’Djamila’’, Alfred, etc. et des maires non bobo comme Vinama qui est un Nounouma de vers Boromo, un samo (Kousoubé Boyo) et des mossis. Ceci confirme que Bobo n’est pas ethniciste, ni sa population autochtone d’ailleurs, comme certains esprits malsains tendent à le dire.

    Mais comme le dit l’adage : ‘’Chat échaudé craint même au froide’’. Les gens de Bobo ont été rusés depuis longtemps par les mossis depuis le temps des années 70. Je vais citer seulement 3 cas pour l’histoire :

    1er Cas  : On a le cas de l’aménagement de la Vallée du Kou à Bama sur la route du Mali à 25 Km de Bobo ! Une fois l’aménagement terminé par les chinois de Mao, on devait répartir les parcelles et les gens attendaient. Mais voilà que nuitamment des camions chargés de mossis venant du Yatenga ont débarqué plein de mossis-colons pour occuper les places au grand dam des autochtones dont les terres de bas-fonds ont été aménagées. Et pour désorienter et intoxiquer l’opinion pour justifier cette forfaiture, les gens commis à cette tâche sordide se sont mis à rependre la rumeur que les autochtones sont des fainéants qui n’aiment le travail. Comme si quelqu’un les nourrissait auparavant ! Ils n’aiment pas le travail ? Alors pourquoi quand la famine vous a chauffé chez vous (Je ne suis pas mossi du Yatenga mais du Centre), vous avez fui pour y aller ? C’est pourquoi la Vallée du Kou est jusqu’aujourd’hui une poudrière !

    2ème Cas  : Le Marché Central de Bobo ! à l’attribution des box, la majeure partie a été attribuée aux mossis encore du Yatenga sous l’impulsion des politiques depuis Ouagadougou avec cette fois le prétexte grossier de ‘’les bobo ne connaissent pas le commerce !’’.

    Toutes ces 2 premières forfaitures étaient guidées de Ouagadougou avec le soutien et la bénédiction d’un Ex-Président de l’AN Gérard !!! Et vous voulez que les gens de Bobo vous laissent faire encore ? Quand-même !

    3ème Cas  : Observez ! Depuis Houndé jusqu’à Koumbia en passant par Kari sur la route Ouaga-Bobo, il n’y a pas de place ! Tout a été occupé par les mossis et on voit des cases mossis pointer leurs uniques tresses vers le ciel à perte de vue depuis les abords du goudron ! Cette invasion a été occasionnée et organisée par le richissime OK qui a goudronné la route Ouaga-Bobo. Tous les mossis qui y sont aujourd’hui lui doivent une fière chandelle et devraient priser pour le repos de son âme. Et je vais vous dire comment ça s’est passé : C’est au moment de goudronner la route Ouaga-Bobo dans les années 70 (1973 je n’en sais plus rien !). Le ‘’vieux’’ faisait venir des colonies de mossis du Passoré comme ouvriers et manouvres sur le chantier du goudron et à l’époque il avait même construit au bord de la route à goudronner, juste entre Kari et Koumbia un campement en dur genre célibatorium où les ouvriers dormaient. Le goudron étant fini, au lieu de s’en aller, beaucoup sont restés, on enceinté des filles de la région et ont profité demandé la terre à leurs ‘’beaux-parents’’ car ils ont fini par épouser ces filles. Voilà ce que OK aussi a organisé pour l’Ouest avant de s’en aller comme Gérard ! Ils ont décongestionné le pays mossi pour déverser le surplus dans l’Ouest qui était si paisible en son temps !

    - Mais pendant qu’on y est citez-moi ne serait-ce que 2 non-mossis qui ont déjà été Maires de Ouagadougou (Capitale des mossis) ! Plus ethniciste que le mossi ça n’existe pas ! Mais si les gens en parlent, nous montons sur nos ergots comme des coqs pour avoir toujours raison ! C’est le seul point sur lequel nous les mossis nous avons un consensus : Refuser notre ethiniciste et chercher à toujours avoir raisons quand les autres nous le disent en face. D’ailleurs entre nous, n’utilisons-nous pas le terme exclusif de ‘’gag-nanga’’ pour désigner les non-mossis ne faisant pas partie de ‘’nous’’ ? Et si eux parlent, nous sommes prompts à crier alors qu’ils ne font que nous dire ce que nous sommes !

    Certains WEBMASTER du faso.net sont ainsi ! Dès qu’ils lisent un écrit de Yamyélé dénonçant l’ethnicisme mossi, ils le censurent ou le mettent pour faire disparaitre l’article entier dès les minutes qui suivent ainsi que toutes les autres réactions avec. Je l’ai remarqué plusieurs fois !

    Par Kôrô Yamyélé

  • Le 18 juillet 2016 à 17:14, par SID PAWALEMDE En réponse à : Exécutifs locaux : Les amalgames sont les causes des violences

    Salif Diallo n’a qu’à corriger Tangaye et Namissiguima dans la Province du Yatenga qui couvent comme du feu dans la cendre avant de condamner toute violence. Si les votes des Maires de Tangaye et de Namissiguima avaient eu lieu deux jours après Karankasso vigué, il y allait avoir plus de morts dans ces deux départements du Yatenga. les populations de Tangaye et de Namissiguima ont cru à la directive du Parti sur les PRIMAIRES. Elles ont eu foi en la personne de Salif Diallo qui a signé la directive. Je me demande qui peut faire respecter des résultats des primaires encore au Yatenga !!!

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