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François P. Kaboré, prêtre jésuite et enseignant-chercheur : « Un pays ne peut se développer sans innovation et création de valeur ajoutée »

Publié le vendredi 29 novembre 2013 à 00h54min

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François P. Kaboré, prêtre jésuite et enseignant-chercheur : « Un pays ne peut se développer sans innovation et création de valeur ajoutée »

Une tête bien faite et pleine. Il suffit de jeter un coup d’œil sur son CV pour s’en convaincre. A seulement 37 ans, il est bardé de diplômes. Théologie, philosophie, gestion, économie… tout y passe. Enseignant-chercheur à l’université Georgetown de Washington aux USA, Dr François Pazisnewendé Kaboré est aussi, et surtout, un homme de foi. Ce religieux jésuite est en mission d’études et d’enseignement au pays de l’oncle Sam depuis 2005. Interview-portrait d’un prêtre pas comme les autres.

Dites-nous, qui est François Pazisnewendé Kaboré ?

Je suis prêtre catholique, religieux Jésuite. Je suis professeur à Georgetown University, Washington DC. Voici chronologiquement mon parcours académique : 1988 : CEP (Nédogo, Ganzourgou), 1993 : BEPC (Petit séminaire de Baskouré), 1996 : Bac D (collège St Joseph Moukassa de Koudougou) , 1998 : noviciat jésuite (Bafoussam, Cameroun), 2001 : licence en Philosophie (option philosophie politique, Kinshasa, RDC), 2005 : licence en Economie et Gestion, option Mathématiques (Lyon 2, France) et DEUG en Théologie (Université Catholique de Lyon,France), 2006 : Master en économie (option Développement et économie politique, Georgetown University, Washington DC, USA), 2012 : PhD en Economie (American University, Washington DC, USA) et Diplôme Supérieur de Théologie (Washington Theological Union, Washington DC, USA).

Sur le plan professionnel, j’ai été consultant pour la Banque Mondiale à (2010, Washington DC), pour l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) basé à Genève en 2010 et 2012, et comme Directeur Académique au Centre de Recherche et d’Action pour la Paix (CERAP, 2012) à Abidjan (Côte-d’Ivoire). Avant de rejoindre Georgetown University depuis 2012 comme professeur, j’avais aussi enseigné diverses matières (économie de développement, macro-économie, Stata (un logiciel d’économétrie), Gouvernance, Economie Politique, etc. à American University (Washington DC) et à l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC, Yaoundé, Cameroun).

Dans quelles circonstances êtes-vous parti au pays de l’oncle Sam ?

J’y ai été envoyé en mission d’études puis d’enseignement par mes supérieurs hiérarchiques depuis 2005.

Quelles matières enseignez-vous à Georgetown University ?

En conformité avec les normes académiques en vigueur pour mon statut de professeur chercheur, j’enseigne deux cours par semestre, soit quatre cours par an, uniquement à Georgetown University : (i) Analyse Economique de l’Afrique Sub-Saharienne (en licence), Méthodes Quantitatives-Statistiques (en Master), Econométrie (en Master), Science Technologie et Développement (en Master).

En tant qu’enseignant-chercheur, vivant hors du Burkina, que pensez-vous de la recherche au Burkina ?

Premièrement, il y a des chercheurs et inventeurs Burkinabè qui cherchent et qui trouvent. Le dernier symposium international organisé par le Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation en septembre sur la valorisation des résultats de recherche et des innovations m’a permis de m’en rendre compte. C’est l’occasion pour moi de féliciter les différents acteurs de ce symposium (le Secrétariat Permanent du FRSIT, le Forum National pour la Recherche Scientifique et des Innovations Technologiques (SP-FRSIT), l’Agence Nationale de la Valorisation (ANVAR), et tout le Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MRSI)) pour l’excellent travail abattu. Avec deux assistants de recherche, j’ai aussi conduit une série d’interviews avec des inventeurs Burkinabè ayant déjà participé au FRSIT et j’ai été très impressionné par leurs innovations et leur abnégation.

Deuxièmement, comme vous-même l’aviez suggéré dans un de vos articles sur Lefaso.net, le travail de valorisation ne fait que commencer. Les chercheurs et innovateurs Burkinabè trouvent mais leurs résultats de recherche et leurs inventions ne sont pas transformés en produits ou services utiles aux consommateurs Burkinabè. Il s’agit là d’un paradoxe dans le processus de l’innovation que des chercheurs ont appelé « European Paradox » en comparaison avec les USA où la recherche est plus appliquée et aboutit plus facilement à une application concrète. Nous espérons donc qu’avec l’engagement aux plus hauts sommets de l’Etat, le « European Paradox » version Burkinabè sera vite résolu.

Troisièmement, d’aucuns s’accordent à dire qu’il faut former une relève pour la recherche au Burkina Faso. En tant qu’économiste, il me semble plutôt qu’il convient d’inciter les jeunes à s’intéresser à la recherche. Il est communément admis que c’est par la recherche et les innovations qu’un pays ou une société crée de la valeur ajoutée et se développe.

Menez-vous d’autres activités, en plus de l’enseignement et de la recherche ?

Outre l’enseignement et la recherche, je suis quelques fois sollicité pour apporter ma modeste contribution à des conférences. Comme prêtre, j’exerce aussi un ministère d’accompagnement spirituel, pour autant que ma mission de professeur chercheur le permette, au niveau du campus universitaire, à Georgetown University.

Quel est votre lien avec votre pays, le Burkina Faso ?

Vous connaissez sans doute cette composition de la célèbre chorale Naaba Sanem : « Teng n bi yaalga n yet ti a toog ka be ne a tenga…toog ka ye, toog ye ! », en d’autres termes, « C’est un vaurien sans honneur, celui qui dit qu’il ne se soucie guère de sa patrie ». Je garde et cultive notamment des relations avec mes amis d’enfance ou d’école, de séminaire ou de collège, notamment avec mes compagnons Jésuites et amis prêtres.

Quels sont vos rapports avec la diaspora burkinabè aux USA ?

A mon arrivée en 2005, je suis allé établir ma carte consulaire à l’Ambassade. Quelques fois, j’ai l’occasion de rencontrer des compatriotes dans le cadre de certaines activités de l’Association des Burkinabè de la Région de Washington DC (ABURWA).

Nourrissez-vous des projets pour le Burkina ?

Bien entendu, comme je le disais tantôt en rappelant ce refrain d’une composition de Naaba Sanem, je nourris quelques projets pour le Burkina et la Région ouest-africaine, parce que je pense qu’à l’heure de l’intégration croissante des économies et des sociétés, il convient de penser au moins Ouest-africain, même si comme on le dit si bien en anglais « think global but act local », i.e., pense globalement mais agis localement.

Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes burkinabè qui souhaitent s’exiler aux USA ?

Je ne suis certainement pas le mieux placé pour donner des conseils à mes compatriotes, mais pour honorer votre question, il me semble que si quelqu’un vient pour étudier, il est convenable qu’il fasse de son mieux pour terminer ses études. Si en effet, l’on n’a pas un niveau d’étude suffisant pour bien s’intégrer au système, il devient difficile dans le long terme de rebrousser chemin. Pour ceux qui veulent venir juste pour travailler ou pour y vivre, je pense qu’un séjour américain peut être une belle opportunité.

Merci à Lefaso.net et beaucoup de courage dans votre mission.

Entretien réalisé par Moussa Diallo

Lefaso.net

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