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Ce que je pense de la décentralisation du pouvoir en Afrique

Publié le mardi 9 avril 2013 à 15h20min

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Ce que je pense de la décentralisation du pouvoir en Afrique

Après la colonisation, il y a eu les indépendances en Afrique. Cela a donné un pouvoir central qui a gouverné nos pays alors que dans la tradition africaine les pouvoirs centraux n’étaient pas basés sur les pays, mais sur un rayon qui pouvait s’élargir.

Ces pouvoirs centraux étaient réservés aux chefs, aux rois ou aux chefs de guerre. Il y a même des régions qui n’avaient pas de pouvoir central. Mais le pouvoir par localité existait partout. Il pouvait être exercé par des chefs de village ou des chefs de clans. Les dirigeants étaient choisis soit par consensus, soit par désignation selon les sages ou par héritage. Des règles existaient et dans l’organisation on faisait de telle sorte que tout le monde maîtrise ces règles. Pour cela, les initiations étaient faites pour former les gens par générations. La violation de ces règles par un individu pouvait le conduire à des sanctions comme le paiement d’une amende, le bannissement ou la mort. Cette pratique s’apparentait à une grande rigueur pourtant comprise à l’époque par tout le monde.

Les erreurs étaient des grands événements pour la famille de celui qui a commis l’erreur et c’est toute la famille qui était déçue. Chaque membre de la communauté devait avoir le patriotisme dans ses actions. Il y avait des cérémonies pour rendre gloire à ceux qui avaient fait de grandes innovations pour l’avancée de leur communauté. Les griots qui étaient les communicateurs devaient le proclamer en public. Ces gloires étaient toujours chantées à la descendance de ces personnes leaders. Il y a eu donc une rupture après les indépendances qui n’a pas permis de moderniser cette discipline. Nos sociétés étaient donc déboussolées. C’est dans ce contexte que naît le vent de décentralisation. Je pense qu’il y a une grande dissemblance entre ce qui était le pouvoir dans les localités et ce qu’on appelle la décentralisation aujourd’hui. Dans cette décentralisation, on doit se faire élire dans sa localité en étant que membre d’un parti politique. C’est le parti qui vient expliquer sa philosophie au village. Du coup, la localité peut penser que sa destinée n’est que dans la main du parti.
Alors que dans ma compréhension de la décentralisation, votre destinée est dans vos mains. L’ayant vu par exemple dans la région de la Bretagne en France, où ce sont les ressortissants de la Bretagne travaillant hors de la Bretagne et ceux qui y vivent qui se sont donnés la main pour développer leur région. Ce qui a permis de créer une forte cohésion pour lutter contre la pauvreté et pour le développement. Or en Afrique, nous avons souvent vu dans cette décentralisation que l’opposition entre les partis crée de la mésentente au sein des populations dans la localité. Il arrive que cette mésentente soit entre des gens issus d’un même parti dans la localité. On me dira que c’est ça la démocratie. Mais cette démocratie, c’est pour quoi faire ? S’il y avait toujours les sanctions de nos ancêtres, est-ce que certains allaient finir leur mandat ?

Au Burkina Faso, en 2012, il y a eu des élections dans l’esprit de la décentralisation. En tant qu’agriculteurs, nous nos problèmes sont les mêmes : changement climatique, mauvaise pluviométrie, problèmes d’intrants et commercialisation. Notre développement n’est possible que dans l’esprit coopératif.

Hors les bonnes coopératives ne peuvent pas être créées et être fonctionnelles si des tensions existent dans notre environnement. Je lance un appel à tous les hommes politiques pour leur dire qu’ils ont un devoir vis-à-vis des populations à la base. Ils doivent développer des idées allant dans le sens de la consolidation de la cohésion. Cela veut dire « vouloir le pouvoir pour l’intérêt et l’épanouissement de ta localité ».

Ouagadougou, le 31 mars 2013
TRAORE B. François,
www.francoistraore.blogspot.com
Président d’honneur de l’AProCA,
Docteur honoris causa.
(+226) 70 95 34 45
(+226) 78 50 16 25

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Vos commentaires

  • Le 10 avril 2013 à 08:30, par wara En réponse à : Ce que je pense de la décentralisation du pouvoir en Afrique

    Bonjour M. le président TRAORE,rien n’a dire c’est du concret vous êtes réellement un homme de terrain.

  • Le 10 avril 2013 à 10:55, par Laraye En réponse à : Ce que je pense de la décentralisation du pouvoir en Afrique

    La décentralisation n’est qu’à ses débuts. Avec de la communication, on peut petit à petit amener les uns et les autres, en tant que fils du même terroir, à s’asseoir pour discuter sur le devenir de la commune, voire de la nation. Soyons optimistes et arrêtons de nous lamenter sur un passé mythique de royaumes enfouis dans les mémoires et bâtissons un monde meilleur pour nos enfants. Il est impossible de faire march-arrière, alors prenons nos dabas et au travail !

    • Le 10 avril 2013 à 15:19, par PAPUS RAM En réponse à : Ce que je pense de la décentralisation du pouvoir en Afrique

      Monsieur Laraye, suis désolé de vous dire que vous ne pouvez pas ignorer votre histoir,votre passé. Ils sont le miroire de notre devenir. J’ose espérer que vous ne faites parti des chefs de famille dont les enfants ignorent leur histoire familiale ? Car il est des enfants à qui on demande quel est le nom de leur village, ils vous disent Bobo-Dioulasso, Ouagadougou, etc. Réfléchissez sur cette maxime : " Nous sommes les héritiers de ceux qui sont morts, les associés de ceux qui vivent et la providence de ceux qui naîtront. Je vous concède votre avis mais laisser aussi des citoyens exprimer leur conception de la gournance locale. C’est un débat démocratique

  • Le 10 avril 2013 à 12:02, par BARABARA Diandé En réponse à : Ce que je pense de la décentralisation du pouvoir en Afrique

    Merci monsieur le Président. Vous êtes notre José Bové au Faso. Mais héla votre voix sera étouffé car elle dit tout haut ce que le citoyen lambda attend de nos dirrigeants en Afrique. L’Afrique a mal à ses politiciens qui "peau noire, masque blanc" ont succédé à nos colonisateurs, en oubliant leur identité réelle. Démocratie à l’Européenne, ne pourra jaimais développer l’Afrique. Elle ne fait que continuer de perpétuer la main mise du colonisateur. En religion on parlerait d’INCULTURATION pour dire qu’il faut recevoir la religion mais travailler à enraciner dans les valeurs qui constituent notre essence. Félicitation pour votre hauteur de vue. Votre réflexion est une sève inépuisable pour nous !

  • Le 10 avril 2013 à 17:23, par GIDALA En réponse à : Ce que je pense de la décentralisation du pouvoir en Afrique

    Voilà quelqu’un qui pense aux Burkinabés, les vrai Burkinabés. Dr, vous avez vu juste ! N’est-il pas possible de créer un cadre d’échanges sur ce thème très pertinent ?

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