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Autant le dire… : Permettez aux paysans de dire ce qu’ils ont sur le cœur

Publié le jeudi 19 avril 2012 à 02h16min

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Les « braves paysans » du Burkina Faso seront une fois encore à l’honneur. Ce sera du 19 au 21 avril 2012. Et c’est Ouahigouya, la cité de Naba Kango qui a été choisie pour abriter ces journées dédiées à ceux qui « grattent » la terre pour que nous ayons à manger ; à tous ceux et à toutes celles qui se lèvent tôt, avec des moyens de production rudimentaires pour demander à la terre de sortir de ses entrailles ce qui leur permet de survivre. Ils le méritent cette journée. Car, la poule ne dit-elle pas qu’elle ne cessera jamais de remercier la femme au mortier qui pile le matin ou le soir et qui lui permet de becqueter et de survivre grâce aux quelques grains qui tombent au bas du mortier ?

Si nous devons donc rendre hommage aux paysans burkinabè à travers cette Journée, que cet hommage soit sincère, véritablement. Car, une fois de plus, ils le méritent, ces paysans. Pour cela, ne parlons pas à leur place. Laissons-les parler et dire ce qu’ils ont sur le cœur. Parce qu’ils ont des choses importantes et sérieuses à dire. Demandez-leur, ils vous le diront. Ils ne sont pas moins intelligents que nous. Ils ne sont pas non plus dupes. Ils savent bien ce qu’ils cherchent. Eux aussi ont besoin de mieux vivre : de construire des villas ou des duplex à Ouaga 2000 ou à Bobo 2010, de rouler en 4X4, de voyager dans des avions et de faire le tour du monde, de prendre le nombre de maîtresses que leurs moyens leur permettent de prendre, bref de vivre leur vie, la vraie vie. Ne parlons donc pas à leur place, laissons-les parler. Donnons-leur la parole, sincèrement sans les influencer.

En effet, il est de coutume qu’à l’occasion de ce genre de rencontres, qui sont devenues des occasions régulières donc de comportements de tout genre, qu’on conditionne les intervenants afin qu’ils parlent dans un sens bien donné. On refuse même souvent la parole à ceux qui ont effectivement des choses importantes à dire. C’est fort de cela que, pour qu’à l’issue de la rencontre, les vrais paysans qui sont venus pour parler de leurs préoccupations et entendre de vive voix celle de leurs dirigeants ne repartent mécontents, plus perdus qu’ils ne l’étaient avant de venir, il faut libérer la parole.

Non ; donnons-leur la parole, sincèrement et sans trop de protocole. Ils ont des choses à dire.
Pour cela, il faudra que le président du Faso joue le jeu, franchement. Mettez de côté tous ceux qui viendront manger, faire leurs affaires et vouloir parler au nom des paysans. Et permettez surtout à ceux d’entre ces paysans qui viendront vous écouter de dire ce qu’ils ont sur le cœur. En ce moment, ils écouteront et comprendront davantage le message. Pour ce faire, n’hésitez pas un seul instant à mettre de côté la liste des intervenants, généralement soigneusement choisis et briefés, conditionnés, qu’on aura dressée.

Pour choisir vous-même, dans la foule anonyme ceux qui ont des choses à dire. Ils viendront du Ioba, du Lorum, des Falaises, de Natitingou, de Balavé, de Nabadogo, de Wakuy, de Djikouéra, de Bandougou…où ils produisent du coton, des arachides, du sésame, du maïs, du mil, des patates, de l’igname, des pommes de terre, du haricot, des pois de terre, etc.

Ils suivent les informations à la télévision et à la radio, souvent plus que nous. Puisqu’ils se donnent les moyens pour cela, quand arrive le soir. Ils n’ont pas un langage spécifique à eux. Seulement, ils aiment qu’on leur dise la vérité. Comme la terre le leur dit très souvent. C’est cela, et seulement cela qui leur permet chaque année d’y retourner pour la gratter afin qu’elle leur donne à manger, à survivre. Mais, ils veulent dépasser cela, la survivance. Ils connaissent les fosses fumières et les avantages de la fumure organique ; ils savent déjà qu’il faut passer des moyens de production rudimentaires à la production attelée ou mécanique. Ils ne veulent plus qu’on les considère comme des paysans, encore moins des cultivateurs. Mais des producteurs. Donnez-leur les moyens, sincèrement, sans intermédiaire. Ils aiment ça. Et vous verrez les résultats la saison prochaine.

Dabaoué Audrianne KANI

L’Express du Faso

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Vos commentaires

  • Le 19 avril 2012 à 13:42, par SAM En réponse à : Autant le dire… : Permettez aux paysans de dire ce qu’ils ont sur le cœur

    Voici une tribune qui devrait donner la parole aux vrais paysans-agriculteurs-producteurs de poser avec les 1ers responsables du pays, les jallons d’un vrai décollage dans la quête de l’auto-suffisance alimentaire. Mais mille fois hélas. On assiste bien souvent à une théâtralisation des plus honteuses : des intervenants choisis d’avance, des questions (télé)guidées, bref une canalisation de la prise de parole à telle enseigne que le protocole prime sur le naturel et la spontanéité. Résultat, chaque année, c’est le même cinéma, une rencontre de plus. Le débat est stérile et sans saveur. Certes, devant le chef de l’Etat, il y a des conduites à tenir, mais de grâce, laissez s’exprimer franchement ceux qui ont quelque chose à dire, fussent-ils des agriculteurs qui n’ont pas leur langue dans la poche.

  • Le 19 avril 2012 à 15:00, par Aliende En réponse à : Autant le dire… : Permettez aux paysans de dire ce qu’ils ont sur le cœur

    Ce vous dites, c’est l’idéal.
    Mais combien de dirigeants en ont cure !!!
    Ces fora, c’est juste pour les médias et l’international.
    Comme vous dites, les producteurs ont beaucoup à dire. Chaque année ils tentent de le dire, mais leurs voix sont étouffées par les profiteurs des filières agricoles, ces parasites égoïstes.
    Toutes ces gens (les dirigeants of course) connaissent les problèmes de fond, ils font semblant de les résoudre chaque année après chaque forum ; l’année suivante les mêmes problèmes reviennent. Cercle vicieux de pauvre "intello".

  • Le 19 avril 2012 à 15:09 En réponse à : Autant le dire… : Permettez aux paysans de dire ce qu’ils ont sur le cœur

    « Eux aussi ont besoin de mieux vivre : de construire des villas ou des duplex à Ouaga 2000 ou à Bobo 2010, de rouler en 4X4, de voyager dans des avions et de faire le tour du monde, de prendre le nombre de maîtresses que leurs moyens leur permettent de prendre, bref de vivre leur vie, la vraie vie. »

    Donc la vraie vie selon vous, c’est de prendre des maîtresses, construire des duplex...

    SVP arrêtez ces genres de propos qui peuvent encourager, la dépravation, les détournements et la corruption

  • Le 19 avril 2012 à 22:00, par SOMDA-IMAN En réponse à : Autant le dire… : Permettez aux paysans de dire ce qu’ils ont sur le cœur

    Message de belle facture, profondément de vraie vie, car vivre vraie vie, ce n’est nullement encore porter en nous, telle la chemisette récupérée avec le commerç, il y a dix ans, mais c’est en toute évidence, être toujours une joie, la joie prévalant des mêmes conditions qu"à Ouaga2000 et ailleurs...un paysan à Walkuy est-il deméritant qu’un autre, pas paysan à Ouaga2000...tous deux méritent une vraie vie, pas encore celle moyennageuse...En tous les cas, nous connaîtrons tous cette vie si chacun de nous en ce qu’il fait est compris, reconnu et respecté, et inversément. La vraie vie existe. Au travail dans les champs comme ailleurs, et vivons-la !

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