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Revendications des cotonculteurs du Kénédougou-Nord : Les forces de l’ordre entrent en jeu

Publié le lundi 25 juillet 2011 à 02h44min

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De graves incidents entre des éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), la gendarmerie et des cotonculteurs ont eu lieu le 10 juillet 2011, dans deux communes rurales de N’Dorola et de Morolaba, dans l’extrême Nord de la province du Kénédougou. Les affrontements ont occasionné des déplacements de populations au Mali voisin et la destruction de deux véhicules des forces de l’ordre.

Dans l’extrême Nord du Kénédougou, les boycotteurs de la culture de l’or blanc, entendent empêcher les autres de produire le coton, et les accusent de ne pas suivre le mot d’ordre de l’UNPCB. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à détruire des champs de coton ou à menacer d’expulsion ceux qui cultivent le coton sur des terres dont ils ne sont pas propriétaires. Ce qui a abouti, en début juillet dernier, à la destruction de 52 hectares de cotonniers à Zanfara, 55 à Kodona, 40 à Deïna et le saccage du matériel de travail. Le chef de la région cotonnière de N’Dorola, Abdramane Thiombiano, dresse un bilan peu reluisant de la situation de boycott et se dit « obligé » de revoir ses prévisions de récoltes à la baisse pour la campagne 2011-2012 de 86 000 à 65 000 ou 70 000 tonnes de coton graine.

Ce qui représente une perte de 17 à 20 000 tonnes de la production dans sa région. M. Thiombiano avoue ne pas connaitre le mobile réel du comportement des producteurs frondeurs et croit même avoir affaire « à des drogués ou à des personnes jalouses des autres producteurs ». C’est suite à la multiplication des incidents, surtout ceux de Deïna, que des éléments du Bataillon mobile de gendarmerie de Bobo-Dioulasso et de la CRS se sont rendus le 10 juillet 2011 à Domberla (chef-lieu de la commune de Morolaba), et à Déina, un village de la commune de N’Dorola, pour rétablir l’ordre. C’est ainsi qu’à Domberla, le chef et l’imam du village, ont été arrêtés et emmenés avec 6 autres personnes. Si à Domberla, les forces de l’ordre ont pu emmener des gens, cela n’a pas été à Deïna où ils ont fait face à une résistance des chasseurs traditionnels « dozos », dans le champ de coton du président du GPC de Deïna, Abdoulaye Keita, que les frondeurs étaient allés détruire.

Les tirs de sommation et les jets des gaz lacrymogènes n’y ont rien pu. Ils ont tenu tête aux hommes de tenue, blessé certains, et détruit deux pick-up d’intervention, enlevés au moment du passage de notre équipe dans le champ dévasté. En effet, une source confirme ce bilan, précisant « que c’était bizarre sur le terrain, car les véhicules détruits refusaient de démarrer, les armes ne répondaient pas et même les menottes ne tenaient pas aux mains de certains ». Des renforts arrivent dans la soirée du 10 juillet 2011 et les policiers et gendarmes repartent à la charge sur les villages de Deïna et de Bangasso, à une dizaine de km de là où ils ont « détruit tout engin roulant », selon le chef du village fraichement rentré de la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso, où il a séjourné une semaine. Le village de Kalarla, comme d’autres, craignant à leur tour des représailles, sont déserts et les animaux laissés à eux-mêmes, ravagent les cultures.

« Nous ne sommes pas des bandits »

Nous avons pu nous rendre dans les villages dits « rebelles », non sans prendre quelques précautions à l’avance, car tout dialogue avec les autorités est rompu à tous les niveaux. En effet, chaque vrombissement de véhicule dans ces localités est assimilé systématiquement à une descente des forces de l’ordre et déclenche une attitude de défi ou des fuites. Le chef du village de Famberla et président du GPC dudit village, René Sessouma, a bien voulu nous recevoir, en s’assurant toutefois au préalable, que nous sommes bien des journalistes et pas des émissaires de la SOFITEX ou des forces de l’ordre. Il a tenu à préciser être de ceux qui ont participé à la phase expérimentale de la culture du coton en 1956 et qu’il n’a cessé cette activité que cette année. M. Sessouma regrette ces années fastes où Famberla était le village qui concentrait le plus grand nombre de tracteurs et de moulins au Burkina avec ses quelque 3 558 âmes.

Et cela grâce aux revenus de la culture du coton. Tout ce matériel a été revendu, ces dernières années, pour payer les crédits d’intrants, selon M. Sessouma, qui conclut qu’il n’a plus d’intérêt à produire du coton. Le vieux explique que l’augmentation des prix des intrants va encore alourdir les créances vis-à-vis de la SOFITEX. « Si on n’abandonne pas, on ne s’en sortira pas. Il fallait donc que nous retournions cette année aux cultures de nos grands parents à savoir, le mil, le sésame et le maïs », foi de René Sessouma. Dans ce village, le boycott a été suivi à la lettre et la SOFITEX a retiré sous bonne escorte, ses stocks d’intrants qu’elle avait déposés. Il n’excluait pas de faire du coton les prochaines années.

Mahamadi TIEGNA (camerlingue78@yahoo.fr)


Un climat de psychose dans le Kénédougou Nord

Après l’intervention des forces de l’ordre, des villages entiers se sont vidés de leurs populations, craignant des arrestations et autres représailles. Notre équipe a vécu des scènes pathétiques, des familles entières abandonner des champs, dans un sauve-qui-peut indescriptible, à la vue de notre véhicule. Il fallait que notre guide rassure en langue sénoufo qu’il ne s’agit pas de policiers ou de gendarmes, mais de journalistes, pour voir certains revenir sur leurs pas. Beaucoup ont tout simplement traversé la frontière pour se retrouver au Mali, dans les localités de Djermana et de Tibi. Les responsables de ces deux localités ont d’ailleurs demandé l’aide de l’Etat malien pour faire face à l’afflux des paysans burkinabé. Mais nous n’avons pu franchir la rivière Kouri, qui fait office de frontière entre les deux pays pour nous rendre à Djermana et Tibi.

M.T.

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 25 juillet 2011 à 07:35, par Argus En réponse à : Revendications des cotonculteurs du Kénédougou-Nord : Les forces de l’ordre entrent en jeu

    Messieurs de Sidwaya et du Faso.net, n’avez-vous pas de photo d’un champ de coton pour illustrer cet article ????

  • Le 25 juillet 2011 à 10:39, par Sonré En réponse à : Revendications des cotonculteurs du Kénédougou-Nord : Les forces de l’ordre entrent en jeu

    Je suis meurtri par les développements de cette crise dite de la "cotonculture" au Burkina Faso.? Cette crise vient une fois de plus poser le problème de la mauvaise gestion des "petites crises" qui deviennent de grandes crises nationales plus tard avec leurs très lourdes conséquences. Je suis réellement malheureux que des burkinabe fuient la répression des forces de sécurité burkinabe pour chercher refuge à l’étranger. ça me fait mal ! réellement. Les revenus du coton valent-ils plus que la paix ? Je dis, non et je propose comme solution que l’état suspende la culture du coton dans les zones conflictuelles pour cette année et poursuit le dialogue pour trouver un consensus.

  • Le 25 juillet 2011 à 11:47 En réponse à : Revendications des cotonculteurs du Kénédougou-Nord : Les forces de l’ordre entrent en jeu

    Merci monsieur le journaliste pour ce reportage qui éclaire nos lanternes sur une situation qu’on semble vouloir cacher au peuple !
    Ainsi il y a des réfugiés burkinabè dans un pays voisin (au Mali), tout comme les Ivoiriens réfugiés au Ghana, au Togo...
    Le gouvernement malien n’en fait pas un tapage, tout comme l’avait fait son homologue du Burkina, à travers les tapages d’un de ses ministres sur les antennes de rfi au sujet des vrais-faux réfugiés touareg maliens au Burkina ! Chose d’ailleurs que le gouvernement malien n’avait pas apprécié, car n’ayant jamais été informé de cette présence par le Burkina avant l’intervention sur rfi.
    Bref, voici une situation pitoyable, chaotique et tragique, mal gérée, qui rappelle une fois de plus la culture de violence, de barbarie, de nos force de l’ordre à l’endroit des civiles. Je suis sûr que si le gouvernement avait su discuter avec tact avec les paysans, on en serait pas arrivé là ! Quand on voit les propos on ne peut plus déplacés du chef de zone Thiombiano dans le reportage, à propos des cotonculteurs qu’il traite de drogués..., on se rend compte que c’est ce genre de faux rapports de ses représentants dans les différents confins du pays que le gouvernement écoute, au lieu de mener des enquêtes pour s’enquérir des réalités sur le terrain. Je déplore sincèrement la destruction des champs de certains paysans par d’autres ! Mais je pense que c’est un cri de détresse de paysans exploités, fatigués, appauvris par le culture du coton et les frais exorbitants des intrants, ... ; des larmes et des pleurs longtemps ignorés et négligés par les responsables de la sofitex !
    A présent, des réfugies en territoire malien, des champs abandonnés en période hivernale, des paysans divisés, etc. Le gouvernement n’a autre choix que de chercher à gérer une situation qui peut à tout moment se dégénérer en crise alimentaire, sociale et j’en passe !
    En avant pour la préservation, comme un oeuf, de la culture de paix que nous ont légué nos ancêtres, en vue de poursuivre le construction de la nation burkinabè ! Amicalement

  • Le 25 juillet 2011 à 11:52 En réponse à : Revendications des cotonculteurs du Kénédougou-Nord : Les forces de l’ordre entrent en jeu

    Je suis meurtri par les développements de cette crise dite de la "cotonculture" au Burkina Faso.? Cette crise vient une fois de plus poser le problème de la mauvaise gestion des "petites crises" qui deviennent de grandes crises nationales plus tard avec leurs très lourdes conséquences. Je suis réellement malheureux que des burkinabe fuient la répression des forces de sécurité burkinabe pour chercher refuge à l’étranger. ça me fait mal ! réellement. Les revenus du coton valent-ils plus que la paix ? Je dis, non et je propose comme solution que l’état suspende la culture du coton dans les zones conflictuelles pour cette année et poursuit le dialogue pour trouver un consensus.

  • Le 25 juillet 2011 à 13:18, par Le Porte Parole du Peuple (PPP) En réponse à : Revendications des cotonculteurs du Kénédougou-Nord : Les forces de l’ordre entrent en jeu

    Si le gouvernement ne prends pas cette "affaire" au sérieux et ne cherche avec les différents acteurs un terrain d’entente, la paix sociale déjà fragile va encore prendre un coup.
    Des burkinabè qui sont obligés de se réfugier au Mali voisin du fait de leurs propres autorités (décisions des autorités de faire intervenir "violemment" les forces de sécurité) : cette situation est plus que sérieuse.
    Le Gouvernement a tendance à ignorer le problème. Espérons qu’il ne se comportera pas en "médecin après la mort" après que la situation ne soit pourrie davantage. Où est passé donc le "dialogue" tant chanté par le Gouvernement ?

    Le Porte Parole du Peuple (PPP)

  • Le 25 juillet 2011 à 13:22, par Justice En réponse à : Revendications des cotonculteurs du Kénédougou-Nord : Les forces de l’ordre entrent en jeu

    C’était prévisible. L’Etat, après avoir divisé l’opposition politique, ce fut le tour de l’armée et maintenant nos braves cotonculteurs. Et cela n’est pas bien dans un pays ; diviser pour règner. Voilà les consequences maintenant.
    Les pauvres paysans (Cotonculteurs)ne vont plus se faire exploiter. On connait le cours mondial du prix du coton et l’Etat veut payer le kilogramme du coton à un prix très bas. Cela ne peut plus continuer.
    Cotonculteurs du Faso, unissez vous ! Plus questions de vous faire exploiter. Je suis un fonctionnaire producteur de coton mais cette année, j’ai decidé de produire du maïs, du sorgho et des arachides. Fini le coton tant que l’Etat ne se decide pas à acheter le coton à un prix acceptable.

  • Le 25 juillet 2011 à 15:13, par le bon citoyen En réponse à : Revendications des cotonculteurs du Kénédougou-Nord : Les forces de l’ordre entrent en jeu

    S’il y a aussi un élément qui a été mal géré, c’est belle et bien cette affaire de cotonculteur.

    Il faut que nos dirigeants comprennent qu’on ne plus continuer avec cette politique de diviser pour régner.
    C’est groupe qui lutte. soit vous négociez avec tout le monde, soit vous décidez de ne pas négocier. Mais dire à ceux qui veulent d’aller contre les autres. Voilà les conséquences.

    1) vous n’allez pas atteindre votre objectif car les gens ne se laisseront pas faire. donc vous comprenez maintenant pour c’est la mauvaise plus option.

    2) vous avez divisé des villages pour rien. Car cela sera visible des années après.

    Il faut qu’on arrête cette mascarade là.

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