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Sofitex : Celestin Tiendrébéogo cède la place à Jean-Paul Sawadogo

Publié le mercredi 29 juin 2011 à 02h02min

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C’était pour les Burkinabè, ces derniers mois, un symbole. Celui d’un pays socialement figé au sein duquel ceux qui avaient conquis des places lors de la « Révolution » et de la « Rectification » n’étaient pas près de les céder aux nouvelles générations.

La Société burkinabé des fibres textiles (Sofitex), première entreprise industrielle du Burkina Faso, l’institution qui gère « l’or blanc » : le coton, n’a pas connu beaucoup de patrons depuis cette époque. Il se peut que je me trompe mais, à ma connaissance, ils n’ont été que trois. Mathieu B. Bayala, originaire de Réo, qui devrait avoir pas loin de 70 ans aujourd’hui, au temps de la « Révolution ». Guy Somé au début de la décennie 1990 et au lendemain de l’inauguration de l’usine d’égrenage Bobo III (22 juillet 1989). Enfin, Célestin Tiendrébéogo depuis… 1995. Autant dire, pour ceux qui ont aujourd’hui vingt ans, trente ou quarante ans, la nuit des temps !

J’avoue ne plus savoir qui était Bayala et d’où il venait. La Sofitex avait été créée le 1er octobre 1979 et était alors une société d’économie mixte qui avait repris les installations exploitées dans le cadre d’une association en participation conclue avec la Compagnie française pour le développement des fibres textiles (CFDT), soit cinq usines d’égrenage du coton déjà anciennes à Bobo I et II (1957 et 1970), Ouagadougou (1958), Koudougou (1969), Houndé (1978). Au total, une capacité d’égrenage de 72.500 tonnes par an.

Somé, quant à lui, issu de l’Ecole nationale des impôts de Clermont-Ferrand (France), avait une carrière mi-industrielle, mi-ministérielle : après des débuts au ministère des Finances, il avait rejoint Voltex (par la suite Faso Fani) où il occupera des fonctions de direction de 1977 à 1982. Dans le premier gouvernement de la « Rectification » (31 octobre 1987), il sera ministre des Finances tandis que le secrétaire d’Etat au Budget s’appellait… Tiraogo Célestin Tiendrébéogo. Bref passage au gouvernement : le 23 août 1988, Somé était remplacé par Bintou Sanogoh tandis que Tiendrébéogo allait perdurer au gouvernement - toujours au budget - jusqu’au remaniement du 11 juin 1995 ; il sera alors remplacé par… Tertius Zongo, futur premier ministre.

Mais revenons à Somé. Quand il a pris la direction générale de la Sofitex, le 26 octobre 1989, la société avait réalisé deux nouvelles unités d’égrenage : Dédougou (30.000 T/an) en 1981 et Bobo III (50.000 T/an) en 1989, ce qui permettait de doubler de la capacité de production. L’inauguration de Bobo III (22 juillet 1989) aura été, me semble-t-il, la dernière grande sortie en province du capitaine Henri Zongo, ministre de la Promotion économique. « Je ne doute pas un seul instant que face à une nature austère doublée d’un ordre économique international des plus injustes et des plus impitoyables, nous saurons faire preuve de cohésion et de détermination pour consolider les acquis et poser de nouveaux jalons pour les générations futures » avait-il déclaré ce jour-là. Deux mois plus tard, le 19 septembre 1989, de retour de Pékin où il avait accompagné le président du Faso, il sera exécuté avec le commandant Boukary Jean-Baptiste Ligani, ministre de la Défense populaire et de la Sécurité, pour comportement « militaro-fasciste, réactionnaire, antidémocratique, antipopulaire ». C’était une autre époque dont j’avais écrit alors qu’elle était celle de la « rectification sans état d’âme » (Jeune Afrique Économie - octobre 1989).

Je ne sais pas ce qu’est devenu Somé lorsqu’il a été remplacé à la tête de la Sofitex par Célestin Tiendrébéogo. Dont j’ai dit qu’il avait débuté au gouvernement en même temps que Somé mais avait, lui, perduré. Tiendrébéogo fait partie des proches de Blaise Compaoré depuis les événements de 1983 ; pas une tête d’affiche mais « l’homme de confiance » en un temps où la confiance était soumise à rude épreuve.

Au lendemain du 15 octobre 1987, en charge du budget, il va travailler à « l’auto-ajustement » de l’économie permettant, par la suite, la signature d’un Programme d’ajustement structurel avec les institutions de Bretton Woods. Tiendrébéogo, né en 1954, est un technicien de l’économie. Formé au sein de l’Ecole nationale du Trésor, en France, il avait débuté sa carrière, à l’instar de Somé, aux Finances et avait été promu directeur du budget au lendemain de la « Révolution », fonction qu’il assumera jusqu’à son entrée au gouvernement en 1987 (il va demeurer le patron du budget pendant près de huit ans !).

A la tête de la Sofitex depuis octobre 1995, Tiendrébéogo va contribuer à imposer le coton burkinabè sur le marché mondial, refusant de privatiser la société cotonnière afin de préserver une filière qui est la colonne vertébrale de l’économie nationale (il faut relire, à ce sujet, et au sujet de François Traoré, figure de proue de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina, les quelques pages que leur consacre Erik Orsenna dans son Voyage aux pays du coton. Petit précis de mondialisation - éditions Fayard, Paris 2006*).

La dévaluation du franc CFA, le 11 janvier 1994, va permettre à Tiendrébéogo de mettre en place un plan de relance de l’activité cotonnière sur l’ensemble du territoire national et pas seulement dans les cinq provinces de l’Ouest. Ainsi, en 2005, le Burkina Faso deviendra le premier producteur de coton africain ; en dix ans, la production aura été multipliée par cinq. Mais, dans le même temps, la Sofitex aura perdu son monopole d‘achat intégral des récoltes. En 2004, la filière a été libéralisée et des privés (Socoma, Faso Coton) auront été autorisés à intervenir sur le marché, d’abord dans les zones Centre et Est, traduisant la fin définitive du dimorphisme Est-Ouest qui avait caractérisé, dans les années 1970, la production de coton (l’Ouest représentait alors près de 90 % de la production cotonnière du pays).

La gestion de la Sofitex, tout au long de la période, n’a pas été un long fleuve tranquille. Il a fallu recapitaliser l’entreprise à la suite de la crise de la filière, mener une rude bataille (qui ne sera jamais gagnée) contre la déstabilisation du marché par quelques producteurs historiques (USA) ou émergents (Chine) adeptes de la subvention, engager les producteurs dans l’expérimentation en vraie grandeur du coton transgénique, professionnaliser la filière, mobiliser les partenaires techniques et financiers, construire de nouvelles usines (17 sont actuellement en activité dont 15 pour l’égrenage et 2 pour le délintage), former du personnel et créer des emplois…

On peut trouver que Tiendrébéogo a trop longtemps tenu la barre de la Sofitex ; on ne peut pas nier qu’il a su éviter - pour l’essentiel - les écueils et tenu un cap qui donne satisfaction non seulement au pays mais aussi aux producteurs. L’activité cotonnière est sinistrée en Afrique de l’Ouest, sauf au Burkina Faso qui a adopté le coton transgénique dès 2008 et développé son activité industrielle. La première place continentale (disputée encore et toujours par l’Egypte) qu’occupe le pays dans la production de coton est donc, aussi, l’expression d’une vulnérabilité économique et sociale : il suffirait d’un rien pour que le marché s’effondre face aux mastodontes que sont la Chine et l’Inde (qui, à eux deux, produisent plus que tous les autres producteurs dans le monde, Etats-Unis, Pakistan, Brésil - membres du Top 5 - compris).

Jean-Paul Gombaogo Sawadogo, qui prend la suite de Tiendrébéogo, va donc avoir la rude tâche de sécuriser l’activité de ce secteur de production et de le valoriser. Ingénieur agronome, il n’est pas une figure majeure de la vie politique burkinabè bien qu’ayant été ministre de l’Agriculture et des Ressources animales du 20 juin 1992 au 9 février 1996. C’était il y a une éternité… !

* Je conseille à ceux qui s’intéressent à l’histoire du coton la lecture d’un livre ancien mais fondamental : Les Routes du coton. L’épopée de l’or blanc des origines à nos jours, écrit par Jacques Anquetil et publié par les éditions JC Lattès, Paris 1999.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche DIplomatique

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Vos commentaires

  • Le 29 juin 2011 à 13:03, par GFT En réponse à : Sofitex : Celestin Tiendrébéogo cède la place à Jean-Paul Sawadogo

    Mr BEJOT,

    En général vos articles sont issus de recherches très poussées sur les événements ou l’histoire des sociétés. Aussi, pour votre information, sachez que le tout premier DG de la SOFITEX se nomme Fulgence TOE, originaire de TOMA (Nayala).

  • Le 29 juin 2011 à 13:24, par Alexio En réponse à : Sofitex : Celestin Tiendrébéogo cède la place à Jean-Paul Sawadogo

    La sofitex empeche le FASO l autosuffisance alimentaire.Elle exploite des grandes surfaces et sa politique expansion aura des retombees nefastes.Depuis la CFDT a nos jours cette polique er persistante,malgre son apport en devise etrangere elle s est pas innovee dans transformation du coton sur place.Elle cree des emplois en dehors du pays comme founisseur de matiere premiere.

    • Le 29 juin 2011 à 14:24, par bennsone En réponse à : Sofitex : Celestin Tiendrébéogo cède la place à Jean-Paul Sawadogo

      Apparemment tu confonds tout. La sofitex n’a pas été créée pour transformer le coton sur place et puis la culture du coton n’est forcée , les paysans s’y adonnent de plein gré ; en somme la sofitex n’est pas le ministère de l’action sociale c’est avant tout une entreprise.

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