LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

COMMUNE DE BOKIN : Des propriétaires terriens menacent de bloquer le lotissement

Publié le mercredi 13 avril 2011 à 02h56min

PARTAGER :                          

Par arrêté conjoint n° 2010-0029/MHU/MATD du 22 juin 2010, la commune de Bokin, à 55 km de Yako dans le Passoré, a été autorisée à lotir une aire de 400 hectares dans quatre quartiers. Alors que le maire et sa commission pensaient avoir pris toutes les dispositions pour un déroulement apaisé de l’opération, des propriétaires terriens se disent exclus de ce lotissement. Originaires de trois des quatre quartiers, ce groupe de protestataires menacent de s’opposer à la parcellisation de leurs terres si leurs préoccupations ne sont pas prises en compte par l’autorité communale. Entre menaces de mort, engagements à réveiller les démons des conflits et blocage du processus déjà en marche, nous avons effectué le déplacement de Bokin le mercredi 6 avril 2011 pour rencontrer les belligérants.

Lorsque nous arrivions sur les lieux de la rencontre avec les plaignants dans une des concessions aux abords du marché autour de 10 h du matin, c’est une foule hétérogène d’une cinquantaine de personnes qui nous accueille, visiblement satisfaite de pouvoir exposer ses préoccupations à la face du monde. Les patriarches et autres vieux d’un coté, les jeunes de l’autre, tous partagent la même conviction : défendre quoi qu’il en soit les terres qui leur ont été léguées par leurs ancêtres. Trois quartiers sont représentés dans ce groupe : Signoghin par Boukary Rasidgui Ouédraogo, Kounsi-Guéré par son responsable coutumier et Songnaba par El Hadj Tasséré Ouédraogo ; Salifou Ouédraogo est le porte-parole attitré du groupe.

L’imam du dernier quartier, El Hadj Idrissa Ouédraogo, était également présent à la rencontre. Selon les protestataires qui, d’emblée, disent ne pas être opposés au projet de lotissement, tout serait parti de leur rencontre avec la commission ad’ hoc mise en place par le maire en décembre 2010. Il en est ressorti que les conditions d’attributions des parcelles sont les suivantes : 33 200 F CFA pour les résidents, 63 200 F CFA pour les non résidents, 103 200 F CFA pour la zone résidentielle et enfin 203 200 F CFA pour la zone commerciale. Les modalités pratiques étant de se faire recenser d’abord, formuler ensuite une demande adressée au maire et, enfin et surtout, s’acquitter intégralement des frais selon sa catégorie dans un plus bref délai au regard de la disponibilité des lots.

Dès lors, et en fonction de leur pouvoir d’achat, les propriétaires terriens, devenus de fait résidents, vont entrer dans une logique de négociation autour de plusieurs points. Quatre propositions ont été faites au maire par les propriétaires terriens dans une correspondance datée du 4 février 2011 : ramener le coût du paiement pour les résidents à 25 000 F CFA, accorder un délai de paiement de l’intégralité des frais de lotissement de 6 mois, attribuer à chaque enfant majeur une parcelle au coût ci-dessus indiqué et élargir la commission d’attribution des parcelles à toutes les sensibilités. La seule réponse du maire a été, selon nos interlocuteurs, une invite à rencontrer la commission ad’ hoc pour ces propositions. Chose que les auteurs des propositions rejettent catégoriquement. "La commission est composée à 100% de militants du parti du maire (ndlr : UNIR/PS)" ; proteste Salifou Ouédraogo d’un ton subitement agressif.

Le maire doit être à l’écoute de ses administrés

Pour certains, il n’est pas question de perdre ses terres faute d’argent au profit des plus riches. "A défaut de réduire les montants, un délai plus long et un échelonnement doivent nous être accordés", rappelle l’imam. Pour d’autres encore, "le maire est un élu du peuple, il faut qu’il soit à l’écoute de ses concitoyens". Par moments, les jeunes se montrent plus menaçants : "Pour éviter le bain de sang, c’est mieux de suspendre les activités de la commission pour prendre en compte les préoccupations légitimes des populations autochtones", a lancé l’un d’entre eux, fougueux, qui n’avait pour mots tout au long de la rencontre que ceux relatifs à l’affrontement. Un sentiment partagé par nombre de nos interlocuteurs pour qui les divergences politiques ont débordé sur les questions sociales assez importantes comme le lotissement.

En définitive, pour les protestataires, "pas de lotissement dans leurs quartiers si les critères et conditions ne sont pas modifiés". Clôturant notre entretien, le chef coutumier de Signoghin, beaucoup plus mesuré dans ses propos, croit "toujours à l’esprit de concorde et à la sagesse du maire pour une issue heureuse, un compromis qui sauvera la stabilité et la tranquillité des populations, par ailleurs électrices des élus". Leur dernier acte, preuve selon eux que "force doit rester au dialogue, à la concorde et à la paix", a été de se rendre à Yako le lundi 4 avril pour y rencontrer le haut-commissaire de la province avec, en mains, une lettre du 31 mars détaillant les griefs faits au maire : "un manque de concertation avec les populations concernées, la non prise en compte des préoccupations des résidents, le manque de réalisme dans la fixation du taux de la contribution des populations et la création de la commission attribution créée sans une implication des habitants des quartiers concernés". Ampliation en a été faite au maire, au préfet, à la police et à la gendarmerie de Bokin.

Des manoeuvres politiques pour saboter le lotissement ?

Face à de tels propos qui menacent la cohabitation dans cette commune, nous avons voulu en savoir davantage en nous déportant à la mairie pour entendre la version du premier responsable. Trois membres de la commission récusée ne tarderont pas à nous rejoindre. Le discours, comme il fallait s’y attendre, est tout autre. La commission reprendra toutes les démarches effectuées pour impliquer les propriétaires terriens en question. Et le maire de se demander s’"il est interdit que les membres de la dite commission lui soient politiquement proches ?" Du reste, précise t-il, la commission a pu recenser 2 300 résidents, un recensement fait par les responsables de quartiers eux-mêmes, question de ne laisser personne en marge.

Quant aux propositions des protestataires, le maire confirme là aussi, avoir rejeté leur intention de le rencontrer. "La commission est la seule structure habilitée à recevoir quiconque veut discuter du lotissement. Les coûts des parcelles ont été l’objet d’une délibération du conseil municipal. Les protestataires, ayant refusé de rencontrer cette structure que j’ai personnellement mise en place, se sont mis de fait dans une position inconfortable et de défiance de l’administration locale ; ce qui est inadmissible pour moi", se défend le maire.

La seule issue, a indiqué Ernest Nongma Ouédraogo, c’est que les protestataires exposent leurs difficultés devant la commission. Le maire qu’il est "pourrait alors faire adopter les résolutions qui s’imposent dans le sens de l’apaisement" même s’il reconnaît lui aussi que les rivalités politiques se sont un peu exacerbées ces derniers temps, "l’objectif du camp adverse, le CDP, étant d’empêcher par tous les moyens le lotissement sous mon mandat, avant les élections couplées de 2012". D’ailleurs, précise l’édile, les chiffres relevés auprès de la perception montrent un certain engouement pour l’opération. Sur 2501 souscriptions à la date du jeudi 7 avril 2011, 1 222 proviennent de résidents sur un total attendu de plus de 4 000 parcelles à dégager.

Comme on le voit, malgré la radicalisation des positions, une ultime solution est envisageable. Encore faut-il que les uns et les autres sachent raison garder et traitent avec respect leur ego dans cette crise aux relents politiques. La commune semble calme en apparence mais à entendre les protestataires, la situation peut basculer à tout moment surtout avec l’arrivée très prochaine des topographes et autres techniciens. Quelque chose doit donc être fait afin d’apaiser les cœurs dans un contexte national marqué par des soubresauts de toute nature.

Abdoulaye DIANDA (Collaborateur)

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 13 avril 2011 à 11:34, par Bénéwindé En réponse à : COMMUNE DE BOKIN : Des propriétaires terriens menacent de bloquer le lotissement

    Triste cette histoire ; je me plaisais à prendre l’exemple de cette commune rurale comme la seule à être ténue par l’opposition au Burkina, surtout par un parti Sankariste (Thomas SANKARA étant originaire de ce village, mais cette situation ne plait pas au camp d’en face avec le TOUK GUILI. Quel honneur a t-on rafler toutes les communes du Burkina et parler de démocratie. Ce qui se passe dans les autres pays de dictature ne sert pas de leçon ici.

    Je parle parce que je connais la mentalité des politiciens de cette province et de ce village.

  • Le 13 avril 2011 à 12:32, par Ousmane SAWADOGO En réponse à : COMMUNE DE BOKIN : Des propriétaires terriens menacent de bloquer le lotissement

    Je demande au Maire de Bokin, dont la parole est une parole de pouvoir, de manoeuvrer avec beaucoup de tact dans cette affaire. L’aversion de la dépossession, ce biais cognitif et émotionnel bien connu en finance comportementale, peut en la circonstance pousser au drame, ce qu’il faut absolument éviter. Apparemment, les uns et les autres ne sont pas fermés à la négociation et au compromis. Une solution apaisante et rassurante pour tous peut donc être trouvée, pour peu qu’on s’en donne la peine de la rechercher sincèrement. Les fins mots de la bonne gouvernance locale aujourd’hui s’appellent participation et implication.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Route Didyr-Toma : 12 mois de retard, 7 km de bitume sur 43 km