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Identité culturelle des Tiéfo : Une communauté et une langue en voie d’extinction

Publié le mercredi 22 avril 2009 à 02h49min

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Le 19è “Gborotigui” de Noumoudara, chef suprême des Tiéfo a rendu visite, jeudi 16 avril 2009, à ses sujets installés à Pohine, commune rurale de Koumbia suite à la guerre contre Samory Touré en 1897 et à la révolte des Bwaba en 1916.

Les Tiéfo sont une ethnie du Burkina Faso dont le fief est Noumoudara situé sur l’axe Bobo-Banfora. Ce peuple, jadis composé de grands guerriers, est aujourd’hui dispersé suite à la guerre en 1897 contre l’Almamy Samory Touré. L’une des conséquences de cette dispersion est le coup porté à l’identité culturelle des Tiéfo dont la langue est aujourd’hui en voie de disparition. Toutes choses qui les motivent à entreprendre des initiatives à même de leur permettre de retrouver leurs repères.

La visite du chef suprême des Tiéfo à Pohine s’inscrit dans cette logique. C’est sous l’impulsion de Sory Ahmed Ouattara, secrétaire général de la région des Hauts-Bassins, originaire de Noumoudara que cet évènement “exceptionnel” a pu se dérouler. Pour la petite histoire, M. Ouattara a raconté qu’après l’attaque de Noumoudara, fief des Tiéfo en 1897 par Samory Touré, les Tiéfo se sont dispersés aux quatre coins du Burkina Faso et même au-delà des frontières. C’est ainsi que ses grands-parents se sont d’abord installés à Pê à une dizaine de kilomètres de Koumbia.

Mais à la révolte des Bwaba en 1916, de nombreux Tiéfo ont été exterminés et les rescapés, dont les aïeux de M. Ouattara, ont pu se réfugier un peu plus loin à Pohine, village Bwaba situé à une vingtaine de kilomètres de Koumbia. Ils y ont été acceptés grâce aux liens de mariage qui unissaient certains des leurs aux Bwaba de Pohine. Depuis lors, ils vivent en parfaite entente avec leurs hôtes.
“Les dernières volontés de mon grand-père ont été que son premier petit-fils soit inscrit à l’école afin qu’un jour, il puisse ramener ses frères et sœurs à Noumoudara, leur terre natale”, a expliqué M. Ouattara.

Et ce premier petit-fils n’est personne d’autre que lui. C’était donc un devoir moral pour Sory Ahmed Ouattara de réunir les Tiéfo installés à Pohine, avec ceux de Noumoudara. Pour cela, il y a d’abord fait un pèlerinage en 2004 afin de pouvoir se présenter aux anciens du village, leur expliquer sa démarche et mieux connaître son histoire et ses ascendants au-delà du grand-père.

La démarche du premier petit-fils

L’initiative est bien accueillie par le chef des Tiéfo dont le plus grand souhait est que tous les fils de Noumoudara se connaissent et se retrouvent ensemble un jour. En avril 2007, l’actuel chef des Tiéfo, le 19è “Gborotigui”, le choisit pour parrainer son intronisation à Noumoudara. Pour la circonstance, il fait le déplacement avec une forte délégation de son village d’adoption, “et lors de cette cérémonie d’intronisation, son vœu le plus ardent a été la réunification de tous les Tiéfo où qu’ils soient”. C’est dans cet esprit que le 19è “Gborotigui” a consenti à venir lui-même rendre visite à ses sujets.

Accompagné d’une délégation forte de plus de 60 personnes, le chef suprême des Tiéfo a foulé le sol de la commune rurale de Koumbia où l’attendaient, devant la brigade de gendarmerie de ladite localité, l’initiateur de l’évènement et quelques anciens. A sa descente du véhicule, le chef a été accueilli avec tous les honneurs dus à son rang. Ensuite, le convoi s’est ébranlé vers Pohine. A l’entrée du village, de nombreux hommes attendaient la délégation, heureux que le chef vienne vers ses sujets. Tous les hommes mettent pied à terre tandis que les femmes restent dans les véhicules, parce ne devant pas assister à la cérémonie annonçant l’entrée du chef dans le village.

Un accueil très enthousiaste

Le cérémonial a consisté à tirer d’abord quelques coups de fusil. Après, ce fut au tour des balafonistes de louer, à travers des chants de guerre Tiéfo Amoro Ouattara, héros tiéfo, grand guerrier et grand-père du 19è “Gborotigui”. Après, un bain de foule, le chef, sa délégation et les populations venues l’accueillir, se dirigent toujours au son des chants de guerre, vers le village de Pohine où vivent environ 1500 Tiéfo. Les Bwaba qui sont les autochtones, ont aussi tenu à être de la fête. L’entrée du chef fut un moment plein d’émotion et de fierté.

C’est sous des cris de joie et des applaudissements que l’hôte exceptionnel fut installé dans un grand fauteuil prévu pour la circonstance. Après l’eau de l’étranger et les salutations d’usage, l’ancien des Tiéfo, Bakari Ouattara de Pohine, au nom de ses frères, a dit toute la joie qu’ils ressentent en recevant leur chef suprême. “Nous n’osions même pas rêver de vous accueillir ici un jour, mais vous êtes là aujourd’hui avec nous et nous sommes très heureux d’appartenir à un peuple aussi humble”, a-t-il déclaré. Intervenant à son tour, le porte-parole du chef, Badiory Ouattara, a laissé entendre que celui-ci est très heureux et très ému de se retrouver au milieu de ses fils qu’il n’espérait plus retrouver un jour. Il a exprimé toute sa gratitude à Sory Ahmed Ouattara qui a tenu à concrétiser les dernières volontés de ses grands-parents. Pour lui, ce dernier est un digne fils de Noumoudara qui devrait être imité pour la réunification des Tiéfo dispersés un peu partout.

Resserrer les liens familiaux

Le “Gborotigui”, par la voix de son porte-parole, a invité tous les siens où qu’ils se trouvent, à faire le retour aux sources. “Je ne vous demande pas de venir vous installer à Noumoudara. Seulement je voudrais que vous vous sentiez désormais concernés par tout ce qui touche aux Tiéfo”. Au nom de tous, Sory Ahmed Ouattara a rassuré le chef, que cette visite est le début du resserrement des liens de famille et qu’il ne s’arrêtera pas seulement à Pohine. Il a promis de tout mettre en œuvre afin que tous les Tiéfo connaissent bien leur terre natale, Noumoudara, leur histoire et leurs familles. Pour lui, cela est impératif pour la sauvegarde et la préservation de la langue tiéfo qui est en voie de disparition.

Les coutumes ont pu être sauvegardées partout où sont les Tiéfo, mais la langue, elle, est sérieusement menacée. Elle n’est plus parlée que par quelques anciens de Noumoudara et de Dramanedougou dans la Comoé. M. Ouattara a laissé entendre que l’Association de développement Tiéfo Amoro a en projet, la construction d’un centre d’alphabétisation pour la reconstitution de la langue. Afin de mieux se connaître, le chef et sa délégation et les Tiéfo de Pohine ont convenu d’un séjour de 3 jours qui permettra sûrement au Gborotigui de mieux leur conter leur histoire, de les aider à mieux se connaître afin de faire des projets pour la promotion de ce grand peuple guerrier que sont les Tiéfo.

Clarisse HEMA

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 22 avril 2009 à 13:10, par Malamine Saganogo En réponse à : Identité culturelle des Tiéfo : Une communauté et une langue en voie d’extinction

    Merci pour cette initiative combien louable. Les Tiéfo ne doivent pas mourir car c’est un pan de l’histoire de l’humanité. Ils sont une partie de la mémoire collective du monde, un maillon de la civilisation universelle.
    Cependant, pour que cette langue survive (on ne parle plus de revivre) car cela serait presque à la dimension de ce que l’Etat d’Israël aurait fait pour l’hébreux et je ne vois pas un chantier comme ça au pays des hommes intègres. Il faut sans doute ouvrir un centre d’alphabétisation mais en amont, cela impose que l’on équipe la langue des tiéfo afin qu’elle soit utilisable comme matière (langue enseignée) puis comme médium (langue d’enseignement). Des travx de dictionnaire, de règles d’écritures orthographiques ainsi que de motivation des Tiefo à utiliser leur langue sont indispensables à cet effet.
    Et pour terminer, la communauté doit s’impliquer à toutes les étapes de cette démarche. Il ne s’agit pas d’engager des spécialistes et attendre qu’ils vous proposent des résultats de travaux d’experts. Le caractère participatif est sans aucun doute la condition de succès.
    Les ressources sont disponibles et il faut aller les chercher où elles sont.
    Mes hommages au 19è golotigi
    De la part du représentant d’un descendant de ceux qui ont enlevé et élevé Boua Ouattara

  • Le 23 avril 2009 à 16:22, par Srgio Leone En réponse à : Identité culturelle des Tiéfo : Une communauté et une langue en voie d’extinction

    Merci pour le Papier...lorsqu’une langue leurt c’esst une partie de l’humanité qui disparait...J’invite M Ouattara et les autres à entrer en contact avec l’institut des sciences des sociétés du CNRST et à a voir le programme UNESCO qui s’occupe de rehabiliter les langue en voie de le disparition...Mais le plus important c’est d’insiter les Tiefo et les nom TIEFO a parler leur langue pour cela il faut l’etudier scentifiquement d’abord, le gouvernement doit donner les moyen aux chercheur pour le faire
    courage !

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