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Lutte contre la vie chère : Le Nerica, le nouveau riz du Burkina Faso

Publié le jeudi 30 octobre 2008 à 02h44min

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Il a été de plus en plus question de pénurie de riz dans les pays africains et en particulier au Burkina Faso ; la spéculation bat son plein concourant à l’augmentation des prix et à la vie chère.

En effet, face à la poussée démographique, les pays asiatiques grands producteurs et exportateurs de riz, sont confrontés à des besoins de consommation locaux de plus en plus élevés, et ont été contraints à réduire leurs exportations vers nos pays. Cette situation explique des prix record de 400 F CFA le kilogramme de riz atteints sur le marché national. Trois types de riziculture sont pratiqués dans le pays : le pluvial, sur les mêmes terres que le sorgho et le maïs, dans les bas-fonds (traditionnels ou aménagés) et sur les périmètres irrigués (Vallée du Kou, Bagré, Sourou, etc…).

Malgré les efforts de l’Etat en faveur de la promotion de la Filière riz, la production nationale stagne autour des 100 000 tonnes de paddy soit 70 000 tonnes environ de riz usiné. Parmi les problèmes qui empêchent l’accroissement de la production nationale, on peut relever sa mévente face à une concurrence déloyale des importations de riz (305 000 tonnes en 2006). Cette situation n’encourage pas les producteurs à produire plus.
L’une des prouesses technologiques de la recherche rizicole conduite à l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA/CNRST) est d’avoir réussi la création d’un nouveau type de riz connu sous le nom de NERICA en collaboration avec l’Association pour le développement de la riziculture en Afrique de l’Ouest (ADRAO).

Qu’est-ce que le riz NERICA ?

Le terme NERICA est l’abréviation du terme anglais « New Rice for Africa », qui signifie Nouveau riz pour l’Afrique. Il s’agit des descendants de croisements réalisés entre les variétés de deux espèces de riz, l’une d’origine asiatique avec pour nom scientifique Oryza sativa et l’autre africaine, Oryza glaberrima. Ces descendants héritent des avantages de la productivité du parent asiatique et de l’adaptation au milieu de culture, la tolérance aux maladies et aux insectes, la teneur élevée en protéines et un meilleur goût du parent africain. Les premières variétés NERICA ont été créées par un chercheur de l’ADRAO, Dr Monty Jones dans les années 1995 et sont toutes adaptées à la riziculture pluviale. Celles adaptées à la riziculture de bas-fond et irriguée, ont été créées par un chercheur de l’INERA, Dr Moussa Sié à la station de recherches de Farako-bâ (Bobo-Dioulasso). Au total (7) variétés NERICA ont été mises au point par Dr Sié entre 1999 et 2005.

Quatre d’entre elles bien adaptées à la riziculture de bas-fond et irriguée ont été baptisées FKR 56 N, FKR 58 N, FKR 60 N et FKR 62 N. Les trois autres variétés, FKR 45 N, FKR 47 N et FKR 49 N sont adaptées à la riziculture pluviale stricte.
Comparées aux variétés actuellement cultivées sur nos plaines rizicoles appartenant toutes à l’espèce asiatique, les NERICA ont une taille plus courte. Ce caractère leur permet de mieux résister aux vents, elles mettent légèrement plus de temps à mûrir et produisent nettement mieux (7 tonnes à l’hectare en irrigué et bas-fond contre 5 tonnes aux variétés actuelles ).

La diffusion des NERICA au Burkina Faso.

Une vaste campagne de diffusion des sept variétés NERICA a été entreprise en 2006 et 2007 à travers des tests implantés chez les producteurs en riziculture pluviale, de bas-fond et irriguée et sur l’ensemble du territoire. Cette campagne a été conduite par l’INERA en étroite collaboration avec ses partenaires de recherche (ADRAO) et des services de développement, notamment la Direction générale de la production végétale (DGPV), les Directions régionales de l’agriculture, la Maîtrise d’ouvrage de Bagré (MOB), l’Autorité de mise en valeur de la vallée du Sourou (AMVS), le Comité inter-professionnel riz du Burkina (CIR-B), les Projets de développement (Plan d’action filière riz, Projet riz pluvial), les producteurs et leurs coopératives dans les sites de production.

Chaque test implanté dans les champs des producteurs est composé des nouvelles variétés comparées à une variété témoin que le producteur a l’habitude de cultiver. Des visites commentées des parcelles ont été organisées avec les producteurs pour les mettre en contact avec ces variétés et leur permettre de choisir les meilleures selon leurs propres critères. Des tests de dégustation ont été également conduits sur les sites de production en 2006 et étendus en 2007 à la ville de Ouagadougou en collaboration étroite avec le Département technologie alimentaire (DTA) de l’Institut de recherches et sciences appliquées (IRSAT/CNRST). Sur l’ensemble de ces tests, deux variétés NERICA FKR 45 N et FKR 49 N ont été choisies comme les meilleures en riziculture pluviale ; les trois meilleures variétés choisies en riziculture de bas-fond et irriguée ont été FKR 56 N, FKR 60 N et FKR 62 N.
Plus de 5 000 producteurs ont participé aux tests de diffusion des NERICA en 2006 et 2007.

Quelles tendances dans l’adoption des variétés NERICA au Burkina Faso ?

Les tests ont suscité un réel engouement pour les NERICA chez les producteurs. A titre d’exemple, en fin de campagne agricole 2007 à Bagré et à la vallée du Kou, plus de 350 sur un total de 2100 producteurs (soit 16,7%) ont cultivé du NERICA sur 116 ha pour plus de 550 tonnes de riz paddy. Pour soutenir l’adoption des NERICA, l’INERA a produit 780 kg de semences de base et encadré des paysans pour la production de 31 tonnes de semences certifiées (permettant d’emblaver plus de 500 ha). La situation se présente sous de meilleurs auspices en 2008 en raison d’une campagne agricole très favorable à la riziculture.

Conclusions et perspectives

Sur la base des caractéristiques et des performances connues des NERICA, leur adoption généralisée dans notre pays peut contribuer à une augmentation significative de la production rizicole et satisfaire les besoins des populations.

Le Burkina Faso pourrait être autosuffisant en riz à moyen terme et à long terme devenir pays exportateur.

Ainsi la situation actuelle de crise mondiale du riz peut être considérée comme une opportunité pour mieux valoriser la production locale dans notre pays. En effet, la réduction des stocks de riz sur le marché international va inciter les commerçants importateurs et les consommateurs à s’intéresser davantage au riz produit localement. Les autorités de notre pays déploient actuellement des efforts pour soutenir la production locale à travers la subvention des intrants (semences et engrais) tout en promettant de contribuer à l’écoulement des produits.

La recherche rizicole nationale, lauréate du Prix du Président du Faso au FRSIT 2006, mérite d’être soutenue sur le plan matériel, humain et financier pour accomplir pleinement sa mission en collaboration étroite avec la vulgarisation agricole qui a besoin également d’être soutenue pour un encadrement technique rapproché et effectif des producteurs sur le terrain. La conjugaison des efforts et des intérêts suscités va certainement encourager les producteurs à produire plus. Le riz local devrait être plus accessible grâce à une meilleure organisation de sa commercialisation et à la réduction des prix pratiqués. Ainsi consommer du NERICA, le riz de qualité produit sur nos plaines, c’est contribuer à la lutter contre la vie chère.

Dr Dakouo Dona, directeur de recherches, chef du Programme riz et riziculture de l’INERA/CNRST, Station de recherches de Farako-ba : 01 BP 910 Bobo-Dioulasso, Burkina Faso - Email : HYPERLINK "mailto:ddakouo@fasonet.bf" ddakouo@fasonet

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 7 juin 2016 à 00:08, par KIKI K. Célestin Pascal En réponse à : Le Nerica, le nouveau riz du Burkina Faso

    Bonjour,
    Nous avons bien compris les avantages du nérica, mais quelles sont ses qualités nutritives en préciser les teneurs en glucides, en lipides, protéines, en vitamines et oligo-éléments et toutes autres éléments pouvant justifier de ses qualités comparativement aux autres riz cultivés au Burkina, car les aspects que vous avez développé sont purement économiques et non sanitaires.
    De toutes les variétés de riz cultivés au Burkina , la quelles s’adapte le mieux aux besoins alimentaires des diabétiques ? précisez ses caractéristiques et ses valeurs nutritives si possibles qui justifient sa consommation sans risques pour les diabétiques ?

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