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Abattage tardif des animaux à Titao : Une situation préoccupante

Publié le vendredi 20 octobre 2006 à 07h09min

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Malgré la position de Titao, chef-lieu de la province du Loroum, dans une zone à vocation pastorale, la question de la viande demeure une préoccupation capitale. Impossible de disposer de viande au bon moment. Constat.

8h00, vendredi 22 septembre 2006. Titao, localité située à 45 km de Ouahigouya, abrite un grand marché au secteur n°6 en bordure de l’axe Ouahigouya-Djibo. Les battants de la boucherie demeurent encore clos. Dehors, des femmes attendent impatiemment la viande en ce jour de vendredi, jour de marché. A l’intérieur des tables de bouchers non encore nettoyées. Aucun boucher n’est encore sur les lieux.

8h15, chez Dori, un grilleur bien connu de la place, même constat : plateaux de grillades vides. Pas de viande. D’autres grilleurs attendent la livraison des carcasses. Des femmes passent et repassent. « Cela relève du quotidien », fait remarquer une cliente visiblement pressée de se procurer sa ration journalière. Un peu plus loin, côté nord du marché, un autre point de vente. Le même scénario.

Mais ici des tables sont jetées pêle-mêle. Pas besoin de se presser peut-être. Des restauratrices attendent. Certaines se mettent à taquiner les jeunes affairés à nettoyer les plateaux et à fendre du bois pour le feu de grillade : « C’est jour de marché, il faut faire vite. Nous serons débordés d’un moment à l’autre ». D’autres à force d’attendre sont obligées de partir mécontents bien sûr : « Difficile de satisfaire nos maris dans de telles situations ».

Toutes les femmes rencontrées sont unanimes : « Si les bouchers ne veulent pas jouer leur rôle, qu’on ouvre le marché à ceux de Ouahigouya afin qu’ils viennent vendre à Titao. D’ailleurs, à Ouahigouya la viande est plus accessible et moins chère qu’à Titao. Et en plus c’est de la bonne viande. Qui plus est, les bouchers d’ici n’abattent que des animaux maigres ».

Une situation préoccupante et à juste raison quand on sait que l’évolution de la ville de Titao ces dernières années impose une demande de plus en plus importante. Les restaurants, les ménages, les points de grillade sont obligés de monter le pied de grue et cela pendant souvent des heures. Un secteur économique qui pouvait être rentable si un minimum d’organisation se mettait en place au regard de la vocation pastorale de la localité.

Les clients rencontrés ne semblaient nullement étonner de la situation : « Pour trouver de la viande à Titao, il faut attendre 10 heures ou 10h30. C’est une situation qui nous dérange beaucoup. On ne peut pas faire la cuisine tôt. Souvent on est obligé de se contenter du poisson. Et pire, la viande n’est pas de bonne qualité. Les bouchers ne tuent que des animaux souvent vieux ou chétifs », martèle madame Lankoandé, enseignante à l’école « C » de Titao.

Un constat largement partagé par les clientes qui s’impatientent de les attendre. Et souvent c’est avec colère que certains s’expriment : « Si l’on veut faire la cuisine tôt à Titao, mieux vaut se passer de la viande. Cela ne peut pas continuer comme ça il faut que ça change ». La situation crée tellement de désagréments que certaines femmes sont obligées de s’abonner au poisson.

Pas de bouchers professionnels à Titao

D’autres se font des histoires pour pouvoir s’en procurer : « La dernière fois, j’ai failli m’en prendre au boucher qui refusait de me livrer la quantité que je désirais sous prétexte qu’il devait ravitailler un kiosque », souligne Mme Taho, gérante de restaurant. Et de continuer : « Non seulement la viande ne vient pas tôt, mais aussi elle est insuffisante. Et pire les bouchers n’abattent pas des animaux gras. Maintenant c’est un peu mieux. Attendez la saison sèche, ce sera la merde ».

Pour comprendre les raisons des abattages tardifs et l’insuffisance de la viande dans la ville, nous avons tenté de suivre les bouchers dans leurs mouvements. En ce jour de vendredi, marché de Titao, nous nous sommes rendus au marché à bétail au secteur n°4 sur la route de Hargo. Déjà le marché grouillait de monde. Des vendeurs arrivent de différents points.

Beaucoup d’acheteurs sont venus de Ouagadougou. « J’ai déjà acheté 10 moutons », confie Robert, un acheteur venu de Ouagadougou. 8h45, quelques bouchers commencent à faire leur entrée sur le site. Après une longue période d’observation, des échanges sont enfin engagés avec les vendeurs. On tâte des bêtes par ci et par là, on discute des prix et on repart. « Tant que les gens de Ouagadougou ne finiront pas d’acheter, nous on ne peut rien payer », nous confie Garibou, un boucher bien connu de la localité.

Enfin ! 9h 15 on tente de négocier quelques prix. Entre 3 000, 5 000 et 6 000 F quelques animaux sont acquis. Direction, l’aire d’abattage de Titao sise route de Signoguin, à quelques encablures de la ville. Il est exactement 9 h 35, les premiers bouchers commencent à fouler le sol de l’aire d’abattage. Parmi eux Garibou.

9 caprins sont déchargés sur l’aire d’abattage. Activité pas du tout facile, il évoque, entre autres, le manque de moyens pour justifier cet état de fait. « Nous n’avons pas les moyens. Nous sommes obligés de payer les animaux chaque jour pour les abattre. Nous n’avons aucun soutien ». Pour Hamadou Tamboura, la commune doit leur venir en appui en leur octroyant des micros crédits. « Cela nous permettra de subvenir aux besoins en viande des populations qui ne cessent de se plaindre », a-t-il relevé.

Pour lui, la commune ne fait rien pour eux alors qu’ils contribuent à l’assiette fiscale à travers la taxe d’abattage, la taxe de marché à bétail. « Même pour laver l’aire d’abattage nous sommes obligés d’aller chercher de l’eau jusqu’au barrage, à environ 1 km de là. Nous n’avons pas de l’eau sur place. Pourtant la commune perçoit des taxes. Nous pensons que les autorités communales doivent nous aider à trouver une solution à ce problème. On ne peut pas traîner la viande dans cette saleté pour la vendre. Nous exposons la santé des populations ».

De la saleté de l’aire d’abattage

L’insalubrité de l’aire d’abattage se passe de tout commentaire. Caillots de sang séchés par ci, excréments en voie de putréfaction par là, des carcasses baignant dans le sang, l’on est arrosé d’odeurs nauséabondes. Des vautours vous accostent à l’arrivée. Aucune structure régulière de nettoyage existe. Une fois par semaine, les bouchers s’organisent pour parer au plus urgent. Un nettoyage loin d’être suffisant.

Depuis que les panneaux solaires qui alimentent le château d’eau ont été volés, l’entretien est devenu de plus en plus difficile. Les bouchers se plaignent. « Il faut que la commune prenne ses responsabilités. Si d’ici la saison sèche, le problème d’eau n’est pas résolu, ça sera dur pour nous. C’est parce que l’eau du barrage est encore à côté que nous arrivons à nous débrouiller », fait remarquer Tamboura. La qualité de la viande laisse à désirer.

Au regard de l’abattage tardif, l’inspection de l’animal sur pied ne se fait quasiment pas. Il est rare que le vétérinaire se rende sur place pour inspecter la viande. « Nous avons convenu de 9 heures pour l’inspection. Mais c’est rare qu’ils viennent ici. Nous sommes obligés de nous rendre à la direction provinciale pour faire inspecter la viande. Cette situation nous fatigue beaucoup. Si l’inspection était effectuée sur place, chacun pouvait directement rejoindre son étal », dira Tamboura. Une préoccupation largement partagée par les bouchers présents sur l’aire d’abattage.

Sur place nous avons pu voir un animal dont la peau est couverte de bouton. Peut-être que l’inspection sur pied aurait amené le véterinaire à écarter cet animal du lot à abattre. Pas besoin pour autant de s’affoler. La viande peut être consommée en toute quiétude. « La qualité de la viande est bonne dans l’ensemble. Seulement les animaux abattus ne sont pas gras.

Cela est lié au pouvoir d’achat des bouchers. Ils préfèrent se contenter de quelques chèvres et moutons de 5000 à 6000 F ». A Titao, chaque boucher opère comme il entend. Il n’y a aucun cadre de concertation pour mieux aplanir les difficultés. Pas la moindre organisation. « Mon père était le chef des bouchers. Mais depuis sa mort il y a environ 5 mois nous n’avons aucune structure », confie Hamidou Tamboura.

Pourtant dans le monde paysan la production de la viande doit constituer une filière qui mérite d’être organisée et ceci au bonheur des producteurs mais aussi des consommateurs. L’on est en droit de se poser certaines questions. Quelle est la part de responsabilité de la commune de Titao dans l’approvisionnement régulier des populations de Titao en viande ?

Comment les autorités communales comptent-elles résoudre le problème d’eau sur l’aire d’abattage ? Quelles mesures les techniciens en charge des ressources animales comptent-ils prendre pour une meilleure organisation de la filière viande afin d’amener les bouchers à un respect des heures d’abattage et à une inspection de la viande sur place et à une bonne production ?

Ce sont là autant de questions qui appelleront dans le prochain numéro de « Constat », des éléments de réponses pour le bonheur des consommateurs de Titao.

Abdoul Salam OUARMA
AIB/Titao

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 21 octobre 2006 à 08:44, par josette En réponse à : > Abattage tardif des animaux à Titao : Une situation préoccupante

    Un article de plus qui prouve que les hommes n’ont pas besoin de lire Descartes pour être des robots sans sensibilité
    Ce qui manque cruellement dans ce genre de texte ; c’est qu’on peut vivre très bien et en ne mettant pas sa vie en danger en étant comme moi végétalienne(depuis que je me nourris sans produits animaux mes analyses médicales sont enfin parfaites,) et surtout ceci :
    que faites-vous de la souffrance des animaux en question dont vous ne parlez pas ?
    Vous en parlez comme si c’était de simples objets.
    On a plus besoin pour vivre dignement de compassion que de viande.
    .

  • Le 22 octobre 2006 à 11:20, par Coralie En réponse à : > Abattage tardif des animaux à Titao : Une situation préoccupante

    Bravo Josette, je suis d’accord !
    On n’a pas besoin de viande ni de poisson pour vivre, alors pourquoi continuer à massacrer des animaux ?

    A ceux qui regrettent les problèmes d’approvisionnement en viande : Avez-vous pensé à la terreur et à la souffrance des chèvres et autres animaux qui sont entravés, maltraités, tués sans même être étourdis ?
    Beaucoup de peuples, même dans des pays "non occidentaux" et pas toujours riches (les Indous par exemple) sont végétariens, par compassion envers les animaux essentiellement.

    Si les animaux dont il est question dans cet article sont trop maigres, cela signifie qu’ils doivent souffrir de la faim : et ça c’est une maltraitance grave ! Alors non seulement on les assassine, mais en plus ils ont une vie misérable. Pourquoi continuer à les élever dans ces conditions ? Il y a toujours d’autres solutions, il suffit de vouloir changer !

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