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Dr Salif Gandéma : « Notre pays ne compte que deux médecins rééducateurs »

Publié le samedi 14 octobre 2006 à 06h25min

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Dr Salif Gandéma

Le Centre national d’appareillage orthopédique du Burkina (CNAOB) est un service spécialisé du ministère de la Santé du Burkina Faso. Il est dirigé par Dr Salif Gandéma, diplômé de médecine physique et de réadaptation fonctionnelle. Dr Gandéma est l’un des deux spécialistes du domaine au Burkina.

Avec lui, il a été question de ce centre qui essaye de « ressusciter » les membres de la population civile handicapée, de sa spécialisation et de ces membres artificiels (prothèses, béquilles, cannes anglaises, embouts...).

Sidwaya Plus (S. P.) : Quel est votre parcours académique et professionnel ?

S. G. : J’ai fait un Bac D, et après l’Université de Ouagadougou, l’Ecole supérieure des sciences de la santé - Doctorat de médecine en 1991. J’ai travaillé au Centre régional hospitalier de Ouahigouya pendant 4 ans avant de venir au Centre d’appareillage orthopédique du Burkina pendant 4 ans avant de me spécialiser en médecine physique et de réadaptation à Lyon en France.

J’en ai profité pour me former en appareillage orthopédique, aptitude à l’expertise médicale, médecine en assurance - vie et je suis maître es science de la République française avec la mention médecine physique et réadaptation fonctionnelle.

S. P. : Vous dirigez actuellement le CNAOB, qu’est-ce que c’est ?

S. G. : C’est le Centre national d’appareillage orthopédique du Burkina. Il est une structure spécialisée du ministère de la Santé, chargée d’assurer les soins aux patients et de participer à la conception de la politique nationale pour la prise en charge des personnes handicapées.

S. P. : Quelle est la spécificité de ce centre ?

S. G. : Ce Centre est spécialisé dans la prise en charge de tout ce qui est déficience physique. Quand une personne subit un accident sur la voie publique qui aboutit à une amputation d’un de ses membres, il lui est toujours possible de vivre. On peut lui donner des moyens afin de retrouver des capacités physiques lui permettant de reprendre une vie normale. Le centre est chargé de fabriquer des pothèses pour suppléer le manque d’un membre qui a été amputé.

Le second volet dont s’occupe le centre est la rééducation fonctionnelle. Ce volet intervient dans le cas d’une hémiplégie. Nous mettons en place un processus de rééducation pour permettre au patient de reprendre la marche, de continuer une vie fonctionnelle convenable afin d’accomplir les gestes de la vie courante sans difficultés.

S. P. : Quelles sont les missions à vous assignées ?

S. G. : Nos principales missions sont de prodiguer des soins de médecine physique et de réadaptation, assurer la formation initiale et continue des professionnels de la réadaptation. Nous formons des stagiaires en aide-kinésithérapeute ou en aide-technicien d’appareillage. En formation continue, nous travaillons avec des partenaires dont Handicap international, pour permettre aux professionnels sur le terrain de réactualiser leurs connaissances à travers des séminaires de formation, des ateliers, des stages, des échanges avec des centres nationaux et internationaux.

S. P. : Arrivez-vous à assumer toutes vos missions ?

S. G. : Non. Il ne faut pas se voiler la face. La médecine physique et de réadaptation est une composante des soins de santé primaire. Elle n’est pas encore bien développée dans notre politique sanitaire nationale. Malgré les efforts fournis, il y a encore des insuffisances. Nous avons des insuffisances au niveau humain. Notre pays ne compte que deux médecins rééducateurs dont un exerce au privé. Cela est insuffisant pour tout un pays. En plus de l’insuffisance au niveau humain il y a celle des infrastructures. Le Burkina Faso compte 43 centres de rééducation fonctionnelle ou d’appareillage. Sur ces 43 centres, l’essentiel est privé. Il n’y en a que 4 qui relèvent du domaine public.

En plus, il n’y a pas de normes définies pour ces structures. Il y en a qui sont insuffisants sur le plan humain et logistique. Leur personnel a souvent des lacunes. Un aide- kinésithérapeute qui a le CEP plus un an de formation n’a pas plus les compétences surtout en médecine où la science est de plus en plus pointue.

S. P. : Comment le centre est-il organisé ?

S. G. : Notre philosophie est : toute personne qui frappe à la porte du CNAOB doit repartir avec le sourire. La médecine physique et de réadaptation est à la fin de la chaîne de prise en charge médicale. Pour bien fonctionner, on a défini un circuit fluide des patients. Le patient qui a une maladie va entrer dans un service de cour séjour.

Après nous l’accueillons en essayant de lui donner toute son autonomie. Quand les patients arrivent, ils sont reçus rapidement par le secrétariat avant d’être acheminer à la caisse pour ceux qui doivent s’acquitter de certains frais. Ils sont ensuite reçus par le médecin avant de faire une évaluation afin d’être orienté au niveau des sections d’appareillage ou de kinésithérapie ou vers une autre structure plus spécialisée que la nôtre. Dans cette organisation, tous les acteurs doivent pouvoir répondre à tout moment à la demande du patient. Nous avons mis en place un système assez fluide pour permettre une prise en charge rapide et efficace des malades au niveau du centre.

S. P. : Tous les handicapés-moteurs peuvent-ils avoir gain de cause dans votre centre ?

S. G. : Nous pouvons trouver des solutions pour chacun d’eux. Cependant, il nous arrive de travailler avec des médecins de la place dans le cas de certaines pathologies. Ces médecins sont généralement des chirurgiens orthopédistes, des médecins neurologues ou des médecins internistes. S’il s’agit du déficit physique uniquement, nous sommes en mesure de répondre à la demande des patients.

S. P. : Les prestations sont-elles à la portée des patients ?

S. G. : La santé en général a un coût. Il n’y a pas de gratuité de soins. On a assayé de mettre en place une tarification pour s’adapter aux revenus des patients. Lorsqu’un patient a une prise en charge, c’est-à-dire si un organisme social ou un organisme assure sa prise en charge, on lui fait le plein tarif. Pour les patients qui n’ont pas de prise en charge, le tarif est subventionné, vu qu’il y a une autre tarification pour les enfants de 0 à 15 ans. Par exemple, la rééducation d’un hémiplégique adulte coûte
5 000 F avec la prise en charge. Sans la prise en charge cela coûte 3 000 F. Pour un enfant, cela fait 1 000 F. On s’est adapté au niveau social des patients.

S. P. : Pouvez-vous nous définir la notion de réadaptation fonctionnelle ?

S. G. : La médecine physique et de réadaptation fonctionnelle est une spécialité médicale chargée de prodiguer des soins médicaux pour permettre à un patient qui présente un déficit fonctionnel de retrouver une autonomie dans la vie quotidienne. Cette médecine physique utilise des moyens tels la kinésithérapie, l’appareillage, l’ergothérapie, l’orthophonie ou les psychométriciens. C’est une médecine qui travaille essentiellement avec les mains, une médecine purement manuelle et permet à une personne ayant perdu son antonomie, de la retrouver.

S. P. : Parlez-nous des appareils que vous fabriquez ?

S. G. : Nous fabriquons quatre grandes catégories d’appareils. Il y a la grande game des prothèses. Ce sont des appareils destinés à remplacer des organes qui manquent. Au niveau des membres supérieurs, c’est la prothèse bratiale, antibratiale. Au niveau des membres inférieurs, on parle de la prothèse canadienne lorsqu’il s’agit d’une désarticulation de la hanche. On parle de la prothèse feinorale (ampution du fémur), tibiale (amputation du tibia)...

Même dans le cas d’une ablation du sein, on peut fabriquer une prothèse qui remplacera le sein. La deuxième game est celle des orthèses. Ce sont des appareils qui sont fabriqués pour suppléer un déficit moteur. Cela se passe dans le cas où le membre est paralysé ou fracturé et a besoin d’être immobilisé. Quant aux aides techniques de manche, elles regroupent les cannes, béquilles et les fauteuils roulants. On peut les fabriquer sur mesure.

La quatrième game est le système de chaussage. Un patient ayant un pied déformé a besoin d’une chaussure adaptée à la déformation de son pied. Lorsqu’un patient a un raccourcissement d’un membre, on lui trouve un système de chaussage afin de lui permettre de rattraper son raccourcissement.

S. P. : Qu’est-ce que la prothèse totale de hanche ?

S. G. : Le CNOAB a cessé la fabrication de la prothèse de hanche car on s’est rendu compte que dans notre environnement, il y a une grosse part de consultations qui s’adressent à des patients qui présentent des orçones, nécroses à tête fémorale. Ces pathologies qui surviennent chez les enfants de 3 ans ont une évolution qui conduit à la raideur de la hanche. Il y a une destruction de la tête du fémur et de l’articulation de la hanche. La solution définitive dans ce cas est d’enlever la tête nécrosée et de la remplacer par une prothèse céphalique avec une cupule. Ce sont ces deux composantes qui lui donnent la dénomination de prothèse de hanche. Les jeunes patients sont gérés jusqu’à la fin de leur croissance autour de 21 et 25 ans. Après, on les confie aux chirurgiens pour les opérer et mettre la prothèse totale de hanche. Après l’intervention, ils reviennent ici pour leur rééducation et leur autonomisation et insertion socioprofessionnelle.

S. P. : Les Burkinabè connaissent-ils suffisamment le Centre ?

S. G. : Malheureusement non. Selon les statistiques de l’OMS, on recense entre 7% et 10% de personnes handicapées au sein de la population burkinabè. Actuellement, nous tournons autour de 1 000 nouveaux patients par an. Nous ne sommes pas bien connus. Ce n’est pas encore du quotidien des médecins de référer un patient en médecine physique. Cette lacune est due au fait que dans la formation initiale des médecins, la médecine physique n’a pas de place. Il n’y a pas de module sur la médecine physique et de réadaptation. De même chez les infirmiers, c’est la même chose. Cela fait que les médecins et les prescripteurs ne savent pas ce que c’est que la médecine physique. Nos structures sont sous-utilisées. Heureusement, la jeune génération qui s’est frottées à la médecine physique nous réfèrent pas mal de patients.

S. P. : Etes-vous le seul centre national de référence dans ce domaine ?

S. G. : Sur le plan structure publique, c’est le seul centre national de référence. Notre statut nous confère ce rôle. Nous travaillons à fédérer tous les 43 centres pour essayer de faire des consensus pour que la prise en charge des différentes pathologies puissent nous permettre de faire une remise à niveau.

S. P. : Quelles sont vos perspectives ?

S. G. : Nous essayons déjà de faire implanter la médecine physique au Burkina de façon efficace. Les CHU ont des unités de rééducation qui ne sont pas bien organisées. Notre souci est de permettre à ces structures hospitalières, abritant les services de court séjour de pouvoir avoir des plateaux techniques de rééducation dignes de ce nom, à même de répondre à la demande des prescripteurs. Deuxièmement, les centres hospitaliers régionaux doivent avoir des unités de rééducation pour répondre à la demande. Après, il faudra développer les centres autonomes de rééducation (privées, associations...,) pour répondre à la demande des patients ambulants.

S. P. : Avez-vous un message particulier ?

S. G. : Nous demandons à notre ministère de tutelle de travailler à ce que la médecine physique s’implante réellement dans notre décor médical. Quant au grand public, nous leur disons de venir à nous dès qu’ils ont un problème de handicap.

Entretien réalisé par Ismaël BICABA (bicabai@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 28 août 2016 à 11:28, par ZONGO En réponse à : Dr Salif Gandéma : « Notre pays ne compte que deux médecins rééducateurs »

    Bonjour,
    J’ai lu l’article avec grand interet l’article et souhaite avoir un RDV avec DR GANDEMA.
    J’ai en une petite fille de 24 mois qui a une deformation des deux chevilles. A ce jour elle ne marche toujours pas et je pense cette deformation pourrai expliquer ce retard.
    Je sollicite votre assistance pour rencontrer DR GANDEMA pour ma petite fille Chloé.

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