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M. Valentin AGON, spécialiste en médecine verte : « ... Pendant que l’Europe retourne aux plantes, l’Afrique s’éloigne des plantes »

Publié le vendredi 23 juin 2006 à 07h54min

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Le dernier Salon international des remèdes naturels (SIRENA-2006) organisé à Ouagadougou du 29 avril au 6 mai avait pour thème : « Implication des tradipraticiens de santé dans la lutte contre le VIH/SIDA : sensibilisation, prévention et prise en charge ». Un thème qui n’est rien d’autre que la reconnaissance du travail que mènent les acteurs des remèdes naturels.

Pouvait-il en être autrement quand on sait qu’au Burkina Faso, ces acteurs drainent vers eux 80% des malades en consultation de première intention ? La médecine moderne et la médecine naturelle, certains diront la médecine verte, doivent travailler de concert.

C’est aussi la conviction de M. Valentin AGON, spécialiste en médecine verte et responsable de l’ONG API-Bénin international. Une ONG qui œuvre pour la promotion et la valorisation des remèdes naturels.
De passage à Ouagadougou, nous l’avons rencontré à la représentation nationale de son ONG. Une interview qui ne manque pas d’intérêt.

Valentin AGON (VA) : je suis donc Valentin AGON. Je viens du Bénin, je me suis spécialisé en médecine verte. Je précise que je rejette la connotation de médecine traditionnelle. Il faut savoir qu’il y a une très grande différence entre ce que vous appelez médecine traditionnelle et la médecine verte.

La médecine traditionnelle relève de l’utilisation brute des plantes sans dosage, sans repère et sans une connaissance vraiment scientifique des choses... Il n’y a pas un savoir relatif à la qualité de principe, à la nature de principe. Ça n’existe pas. Cela dit, moi j’ai fait la faculté de médecine « Calicio Gracia » de Cuba avant de continuer mes études au Canada. Des études consacrées uniquement à la médecine verte, c’est-à-dire la médecine avec les plantes.

Sous d’autres cieux, la médecine avec les plantes ne s’appelle pas médecine traditionnelle.
C’est en Afrique que le terme traditionnel est collé à cette médecine. Et c’est grave ! Parce que ce qui est traditionnel, c’est ce qui est vétuste, relégué au passé, ce qui n’a pas de valeur scientifique. Non ! ce que nous faisons a une valeur scientifique. D’abord, de par ses preuves scientifiques et ensuite de par les brevets que nous avons obtenus...

Alors, je pense qu’en Afrique, nous devons mettre en valeur nos plantes, ce que j’appelle l’or vert d’Afrique. Le capital végétal de l’Afrique est une ressource insondable, un potentiel qu’on n’exploite pas alors que nous avons besoin d’être indépendant au plan médicamenteux. Tout un continent qui dépend de l’Occident pour sa santé !

Alors moi, je lutte pour l’indépendance médicamenteuse de l’Afrique ; c’est pour cela que nous nous sommes consacrés entièrement à l’extraction des principes actifs des plantes pour la préparation de ce que nous appelons phytomédicaments, des médicaments issus des plantes et non des médicaments traditionnels.
C’est le travail que mène l’ONG API-Bénin. Nous associons les plantes et les abeilles parce que les abeilles aussi fréquentent trop de plantes.

L’abeille fréquente les plantes pour extraire leurs nectars et ensuite prendre le pollen. Nous utilisons aussi le miel... C’est ce que nous faisons et nous sommes installés au Bénin. On a un laboratoire d’extration, de transformation et de fabrication des médicaments par les plantes et les abeilles. Nous avons 67 boutiques au total au Bénin. On est représenté au Togo, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Niger, au Burkina Faso et en France. Nous sommes au Burkina depuis 2 ans.

Quelles sont les activités que vous menez et les produits que vous avez sur le marché ?

(V.A) : Comme je l’ai dit comme activités, c’est la transformation et la comercialisation des médicaments issus des ressources végéales.

Comme produits, nous en avons plusieurs. Notre objectif au départ était de trouver des alternatives aux produits importés du Nord contre le SIDA, contre le paludisme. En 2000, nous avons pu mettre au point un produit extrait de plantes que nous appelons API-Viral ou API-SIDA. C’est un produit efficace sur le VIH/SIDA. Je ne dis pas qu’il traite les maladies opportunistes, parce qu’en Afrique, on ne veut pas reconnaître qu’on peut trouver un produit contre le VIH/SIDA...

Ce n’est que l’Europe, l’Amérique... bref on pense que ce ne sont que les Blancs qui peuvent trouver un produit contre le VIH/SIDA. Je vous dis le contraire. Depuis 2000 nous avons réalisé des essais. Moi j’ai rencontré plus de 3 500 malades du SIDA, depuis octobre 2000. Donc notre produit agit sur le virus circulant dans le sang.

Quelqu’un qui est malade du SIDA et qui prend le produit API-SIDA en question, on mesure sa charge virale, c’est-à-dire le nombre de virus, qu’il a par millilitre de sanq au départ, ensuite on lui donne le produit, il le boit pendant disons un mois ou 2 semaines, on reprend encore la mesure de la charge virale, si le produit est efficace, cette charge doit baisser de façon sensible.

D’un autre côté, puisque le virus du SIDA détruit la défense immunitaire de l’homme, en baissant la charge virale, la restauration immunitaire s’effectue aussi et l’on voit les CD4 se rétablir.

J’ai fait étudier mon produit à l’Institut Pasteur à Strasbourg en France sous la direction du Dr AUBERTIN.
Nous avons fait des essais in vivo... C’était en 2002... je n’ai pas achevé l’étude parce que je n’avais pas encore déposé ma demande de brevet. J’ai peur parce que les gens pourront me prendre ce que j’ai sous la main.

Mais j’ai pris des précautions parce que l’Agence française de recherche sur le SIDA qui est à Paris XIIIe est avec moi, avec Mme Elisabeth FISHER resposnable au niveau de l’agence. J’ai aussi le soutien de Mme ROSSIOU de l’hôpital NEKER à Paris, elle est Virologue. C’est avec eux que nous avons mené les essais... Allez sur notre site vous verrez les photos avant et après le traitement par API-SIDA.

C’est vraiment extraordinaire et il faut que l’Afrique croit en elle-même.
Nous avons tout en Afrique pour resoudre nos problèmes de santé. Notre second objectif était de trouver un produit contre le paludisme. Nous avons commencé il y a de cela un an et nous avons fini en octobre passé. Nous avons mis au point le produit qui est très efficace. Le produit, c’est API-PALU. Pour l’évaluer, il faut faire ce qu’on apelle la densité parasitaire : c’est compter le nombre de plasmodium dans le sang et boire 2 ou 3 cuillérées du produit et 3 heures après reprendre la mesure de cette densité. Vous verrez le reste. Moi je parle avec des preuves scientifiques.

Comme je l’ai dit hier (l‘interview a été réalisée le 3 juin) à votre ministère de la santé, j’y étais pour l’autorisation de mise sur le marché, il faudrait que l’Afrique fasse recours à elle-même et, cesse d’attendre tout de l’extérieur.
L’Afrique resemble à un fils dont le père très riche décède après avoir enterré tout un trésor dans la maison et le fils dort dessus et tend la main. Il mendie alors que sa maison est un trésor, il dort sur un trésor. C‘est ça l’Afrique.

Les enfants tendent la main aux pères. Les pères tendant la main à l’Etat et l’Etat tend la main à l’extérieur. L’Afrique est donc une chaine de mains tendues. Il faut que cela cesse. Pour moi, c’est une honte et je ne supporte pas cela.

Quels doivent être les rapports entre la médecine moderne et la médecine naturelle, la médecine verte ?

(V.A) : Je vais répondre à travers 3 aspects.
Premièrement, nos parents existaient avant que les Blancs n’arrivent. Nous avons abandonné toutes les pratiques anciennes, parce que celles modernes sont arrivées. C’est très bien ! Je salue la médecine classique, moderne et tous les exploits réalisés.

Mais, deuxièmement, aujourd’hui en Europe, les gens font recours aux plantes parce que les produits classiques, modernes ont échoué et échouent davantage. Je prends la pénicelline qui au départ était 100% efficace, ensuite 50%, 30% et maintenant efficace sur moins de 10%.

Prenez la nivaquine ; dans les années 75, 76, si nous avions un palu automatiquement on prend la nivaquine. Aujourd’hui, tu prends la nivaquine contre le palu, c’est comme si tu n’as rien pris. La nivaquine est devenue le « bonbon » du paludisme.

Quand vous êtes malades et vous prenez la nivaquine, les plasmodiums sont heureux de patauger dans votre sang... Pendant que l’Europe retourne aux plantes, l’Afrique s’éloigne des plantes. Les plantes sont des produits naturellement déjà préparés.

Enfin, ce que je vais dire est très fondamental. L’extraction du produit d’une plante avec laquelle on fait un médicament reste toujours efficace. Le médicament ne connaîtra jamais de résistance. Mais tous les produits synthétiques, je prends par exemple les ARV, en six (6) mois, si on est en mono-thérapie, on doit changer l’ARV qu’on utilise.

Avec les plantes, c’est toujours efficace parce que la plante varie en composition moléculaire à tout moment. Le matin, elle a une composition, à 10h une autre, à 12h une autre encore, etc. Il y a tellement de variations qu’aucun microbe ne peut reconnaître à plus forte raison résister. Nous avons en Afrique une richesse, ce sont les plantes. Nous devons à cause de cette spécialité faire recours aux plantes.

Pour moi, il faut conjuguer médecine naturelle et médecine moderne. Par exemple si je suis une autorité dans mon pays, toutes les écoles de pharmacies auront 50% d’activités liées à la médecine naturelle... Nous devons produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons. C’est d’ailleurs dans cette logique que l’Europe a tellement produit et déverse sur nous le surplus.
Si les pharmaciens s’organisent, ils peuvent fabriquer tous les médicaments dont l’Afrique a besoin.

Parlez-nous de votre représentation au Burkina.

(V.A) : D’abord nous sommes présents au Burkina parce que nous avons appris que le Burkina aime et organise des recherches sur les produits phyto, pour lutter contre le SIDA. Nous avons appris qu’il y a beaucoup de recherches, des essais et des analyses qui sont faits au niveau de l’hôpital Saint-Camille. Nous avons pris des contacts à ce niveau. Au départ, les premiers contacts ne nous ont pas été utiles.

C’est dans le cadre de mes recherches au niveau de l’université de Ouagadougou que j’ai rencontré M. KARAMA qui est le représentant ici. On a demandé l’autorisation à la mairie et on s’est installé. On a approché le Pr NIKIEMA qui est responsable au niveau de la santé de la médecine naturelle.

Avez-vous un appel par rapport à la perception que les gens ont de la médecine naturelle ou médecine verte ?

(V.A) : La peur souvent évoquée face à la médecine naturelle, c’est le problème de dosage. Les gens ont peur de boire n’importe quoi. Ce qui est tout à fait normal dans la mesure où ceux qu’on appelle les tradipraticiens n’ont souvent pas une certaine connaissance scientifique pouvant les aider à fabriquer les médicaments.
Ils ont, par exemple, appris qu’il faut faire telle ou telle décoction pour soigner telle ou telle maladie. Et cela sans dosage, sans repère scientifique. Mais nous, nous faisons des choses standardisées, bien organisées.

Par exemple, le PH de nos produits ne varie pas... Nous respectons toujours la concentration moléculaire qu’il faut. Nous, nous ne sommes pas des traditérapeutes. Nous sommes diplômés d’écoles reconnues de médecine. Mon adjoint a été formé à Montpellier en France. Il a fait une formation : « De la plante au médicament » ; c’est-à-dire comment évoluer de la plante pour aboutir au médicament. C’est lui le chef de notre laboratoire... Nous ne faisons rien au hasard.

Il faut donc faire confiance à la médecine verte, à nos plantes. Les produits de ces plantes sont des produits organiques, sortis d’un être vivant, la plante... Les produits issus de plantes n’agressent pas le corps comme ceux qui sont synthétiques. Je dis aux Africains que nous devons évoluer vers l’indépendance médicamenteuse. Il faut mettre en valeur notre or vert, les plantes.

Interview réalisée par Idrissa Birba

L’Opinion

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