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Me Barthelémy Kéré, bâtonnier sortant : "C’est aux autres de faire mon bilan"

Publié le vendredi 16 juin 2006 à 08h28min

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Me Barthelémy Kéré

C’est en principe demain 17 juin qu’auront lieu les élections au niveau de l’Ordre des avocats du Burkina. Ces élections ordinales feront connaître le nouveau bâtonnier et les membres du Conseil de l’Ordre. Elles mettront du même coup fin au mandat unique de l’actuel bâtonnier, Me Barthélémy Kéré et de son conseil, en place depuis 2003.

Le mardi 13 juin 2006, nous avons rencontré le bâtonnier sortant histoire de faire avec lui le bilan, de son mandat. Bien qu’il ait déclaré d’entrée de jeu que ce sont les autres qui doivent faire son bilan, il a tout de même jeté un coup d’oeil dans le rétroviseur en recensant quelques points importants de son programme, qui en compte 21 (et sur la base duquel il avait été lu), et les actions correspondantes menées.

Actualité oblige, l’organisation du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) marquée cette année par des accusations d’irrégularités pour lesquelles les candidats ont saisi la justice, a été également évoquée au cours de l’entretien d’environ 2 heures d’horloge que le bâtonnier sortant nous a accordé.

C’est en principe demain 17 juin qu’auront lieu les élections au niveau de l’Ordre des avocats du Burkina. Ces élections ordinales feront connaître le nouveau bâtonnier et les membres du Conseil de l’Ordre. Elles mettront du même coup fin au mandat unique de l’actuel bâtonnier, Me Barthélémy Kéré et de son conseil, en place depuis 2003. Le mardi 13 juin 2006, nous avons rencontré le bâtonnier sortant histoire de faire avec lui le bilan, de son mandat.

Bien qu’il ait déclaré d’entrée de jeu que ce sont les autres qui doivent faire son bilan, il a tout de même jeté un coup d’oeil dans le rétroviseur en recensant quelques points importants de son programme, qui en compte 21 (et sur la base duquel il avait été lu), et les actions correspondantes menées. Actualité oblige, l’organisation du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) marquée cette année par des accusations d’irrégularités pour lesquelles les candidats ont saisi la justice, a été également évoquée au cours de l’entretien d’environ 2 heures d’horloge que le bâtonnier sortant nous a accordé.

"Le Pays" : Après 3 ans passés à la tête du barreau quel bilan en faites-vous ?

Me Barthélémy Kéré : Je parlerai beaucoup plus du barreau que de mon bilan. Ma finalité n’est pas de faire de bilan. Il y a un certain nombre d’actions qui ont été entreprises au profit du barreau, du justiciable et de la justice. C’est aux autres de voir qu’est-ce qui a été bien fait, qu’est-ce qui a été moins bien fait et qu’est-ce qui doit être amélioré. Ce que je peux évoquer c’est un certain nombre d’activités du barreau. Quant au bilan, c’est aux autres de le faire.

A propos de votre programme en 21 points sur la base duquel vous avez été élu en 2003, qu’est-ce qui a pu être réalisé ?

J’ai été élu sur la base d’une réflexion menée sur le barreau, la justice. J’avais synthétisé les problèmes du barreau et de la justice autour de ce que j’ai appelé 21 points de programme. Dans mon esprit, il n’est pas dit que tous les 21 points seront exécutés et que tous les problèmes du barreau et de la justice seront résolus. C’est un ensemble de réflexions et je pense que mes prédécesseurs ont travaillé sur certains de ces points. Mes successeurs sont tenus de travailler dessus. Il n’y en a pas d’autres. D’ailleurs, j’ai lu avec intérêt les programmes que des candidats au bâtonnat m’ont fait parvenir conformément au règlement intérieur.

Concernant mon programme, voyons rapidement quelques aspects. Le premier est la solidarité de corps. J’en ai fait mon arme essentielle à mon élection. Quelques exemples de mobilisation solidaire du mandat : la flotte Telmob entre les confrères. Cela facilite aujourd’hui la communication entre nous. On ne peut pas dire que c’est quelque chose de fondamental mais c’est quand même très important.

Il y a eu également la mobilisation solidaire lorsqu’un de nos confrères a été poursuivi par le Tribunal militaire de Ouaga (NDLR : il s’agit de Me Prosper Farama accusé de divulgation du secret de l’instruction dans la tentative de putsch révélée en octobre 2003 et jugée en avril 2004). La constitution spontanée de certains avocats pour défendre leur confrère, nonobstant l’obligation pour certains d’entre eux de se constituer aux côtés de l’Etat, a permis que la question soit réglée dans la sérénité.

Je citerai aussi des mobilisations solidaires exemplaires lors des naissances, des décès, des mariages, etc. Je crois que les avocats ont été beaucoup plus solidaires au cours de ces 3 dernières années. Ce n’est pas un acquis du bâtonnier Kéré, c’est quelque chose de symptomatique que les avocats eux-mêmes ont grandi et j’espère qu’ils vont continuer sur ce point pour que l’on puisse gagner les nombreux autres combats.

Il y a aussi la CARPA (ndlr : Caisse autonome de règlements pécuniaires des avocats) dont vous avez fait de la mise en oeuvre un point d’honneur...

La CARPA était inscrite au point 4 du programme. Et j’avais dit qu’il fallait plaider partout pour le démarrage de cette caisse qui a été annoncée depuis 2000. En 2003, elle n’avait pas encore vu le jour. Nous avons, dès notre élection, avec le Conseil de l’Ordre, engagé des initiatives auprès de la chancellerie, du ministre de la Justice qui a été compréhensif. Par rapport à la mise en place de la caisse, je vais vous donner quelques grandes dates.

Dès juillet 2003, soit un mois après notre élection, le décret portant modalités, règles de fonctionnement de la CARPA a été adopté. En tant que bâtonnier nouvellement élu, j’ai participé à des rencontres avec le bâtonnier sortant, Me Harouna Sawadogo, autour du ministre de la Justice pour finaliser les dispositions pratiques. Muni de ce décret, j’ai pris contact en décembre 2003 avec la CARPA de Paris. Là-bas, on m’a orienté vers l’Union des CARPA de France. En janvier 2004, une mission de l’Union des CARPA de France est venue au Burkina et a fait un travail de fond sur l’environnement juridique, économique du pays pour nous proposer quelque chose de viable parce que la CARPA de Paris ne peut pas être directement transposée au Burkina.

Nous avons mis en place le 8 mai 2004 le Conseil d’administration de la CARPA au cours d’une Assemblée générale des avocats. Dès le 31 octobre 2004, nous avons, sur la base des recommandations de l’Union des CARPA de France, envisagé la désignation d’une banque partenaire. Les banques de la place nous ont fait des propositions et c’est celle de la BCB qui a été jugée meilleure par le Conseil d’administration. Avec cette banque et la Société d’informatique ZCP, nous avons entrepris l’élaboration d’un logiciel sur la base d’une étude réalisée toujours par l’Union des CARPA de France.

En avril 2005, nous avons signé une convention de partenariat avec la banque qui nous a permis de dégager les ressources financières nécessaires. Il y avait 31 millions de F CFA de crédits d’investissement et 2 millions de fonds de roulement par an. Cela nous a permis de faire des pas décisifs pour pouvoir démarrer l’élaboration du logiciel et la mise en place du matériel. En octobre 2005, nous avons, dans le cadre d’un projet global que nous avons créé, discuté avec le Fonds d’appui à l’Etat de droit qui a accepté de contribuer, en même temps que la BCB, à la mise en place de la CARPA. Le 8 août 2005, la banque a effectivement débloqué les sommes d’argent, ce qui a permis d’achever rapidement la conception du logiciel.

Et au mois de février (ndlr 2006), nous avons demandé à l’Union des CARPA de France d’évaluer le logiciel. Celui-ci a été jugé bon à l’emploi. Avant le lancement de la CARPA (ndlr : le 28 avril 2006), j’ai tenu à ce qu’il y ait une formation spécifique individualisée des avocats pour que le démarrage puisse se faire sans accrocs. Il y a eu un taux de participation de 80% et je suis satisfait de l’attitude des confrères vis-à-vis de la CARPA.

J’ai dû également contacter nos partenaires institutionnels habituels que sont les banques, les assurances pour leur expliquer leurs obligations lorsque la CAPA sera effective. Cela nous a permis de lancer officiellement la caisse le 28 avril 2006. A la date d’aujourd’hui, il y a en gros 600 millions de F CFA qui sont passés au niveau de la CARPA. Cette caisse, je vous le rappelle, n’a pas vocation à garder de l’argent mais plutôt à sécuriser les transactions.

Quels autres points du programme ont-ils pu être exécutés ?

Il y a la mise en place d’une mutuelle des avocats, d’un système de prévoyance sociale au profit des avocats. Imaginez un avocat qui est frappé d’incapacité à la suite d’un accident. Il n’y a aucun dispositif prévu pour l’indemniser parce qu’il ne peut plus travailler. Pourtant, il doit subvenir à ses besoins, son cabinet doit fonctionner. Dans mon programme, j’ai envisagé une étude sur la base du nombre des avocats, de leurs revenus, des discussions avec les assureurs pour qu’ils nous proposent des produits de groupe pour la maladie, l’incapacité et éventuellement pour la retraite. L’étude a été réalisée et nous avons entre les mains les propositions des assureurs. Mais elles ne sont pas à la portée de tous les avocats.

C’est la raison pour laquelle, dans l’analyse du programme, je vous ai dit qu’il faut que la CARPA soit fonctionnelle pour pouvoir générer des produits devant permettre au barreau de faciliter la mise en place d’un système de prévoyance sociale. La CARPA a 2 objectifs qui sont, d’une part, de contribuer aux côtés de l’Etat à financer l’assistance judiciaire du barreau et, d’autre part, contribuer au financement de la politique sociale du barreau. La CARPA étant en place, mes successeurs pourront, en actualisant l’étude réalisée, proposer des produits aux avocats, et je crois que ce pourrait être le début d’une prévoyance sociale.

Concernant le point sur le recrutement et la formation professionnelle des avocats, nous avons souhaité une discussion de fond entre confrères. Sur le recrutement, nous sommes régis par un arrêté interministériel qui fixe l’organisation chaque année du CAPA (ndlr : Certificat d’aptitude à la profession d’avocat). La question qui se pose est de savoir si à ce rythme nous n’allons pas aboutir à terme à une forme de saturation de notre corps. La réflexion a été menée et nous sommes parvenus au fait qu’il faut revoir l’arrêté en question. Je pense qu’une gestion responsable de l’accès à la profession permettrait de mieux régler les questions de formation et d’intégration.

Il y a une autre question de mon programme qui est celle des honoraires. Sur cette question fondamentale, il est fallait que les avocats discutent . Nous avions un barème indicatif d’honoraires qui était vieux de plusieurs années. La discussion que j’ai souhaitée sur ce point a été la première activité de mon mandat. Dès décembre 2003, nous nous sommes retrouvés et nos réflexions ont abouti à la mise en place d’un nouveau barème indicatif des honoraires.

Mais entendons-nous bien : quand on dit barème indicatif, on ne dit pas que c’est un tarif des avocats. Malheureusement, il y en a qui le comprennent ainsi. Le barème est juste un instrument entre les mains du bâtonnier pour apprécier les dossiers de contestation d’honoraires lorsqu’une convention n’a pas été préalablement arrêtée entre l’avocat et son client.

Est-ce la raison de tous ces débats sur les honoraires ?

Effectivement, il y a eu à un moment donné des gorges chaudes sur la question. Je rappelle que lors de l’Assemblée générale des avocats à Bobo, des confrères nous avaient informé qu’un CASEM (ndlr : Conseil d’administration du secteur ministériel) du département de la Justice tenu à Ouahigouya avait recommandé, semble-t-il, la suppression pure et simple de l’article 6 (ndlr : de la loi sur l’organisation judiciaire) au regard de la manière dont les avocats pratiquaient les honoraires. Il est vrai que les avocats, à commencer par moi-même, avaient pris l’habitude de faire commandement à la partie adverse qui a perdu le procès pour qu’elle paie les honoraires.

A l’analyse, l’on a constaté que, parce l’adversaire est débiteur des honoraires et pas le client, les montants facturés sont parfois sans commune mesure avec ce que l’avocat aurait normalement demandé à son client de payer. Un principe cardinal voudrait que l’avocat fasse preuve de modération dans sa demande d’honoraires à son client. A partir du moment où ce n’est pas le client qui paie, l’application de ce principe devient complexe. Et certains confrères l’avaient perdu de vue.

Dans certains dossiers, il peut y avoir plusieurs avocats qui sont constitués et chacun d’eux facture à l’adversaire le montant des honoraires. A un moment donné, la partie qui a succombé au procès se retrouve à payer les honoraires de son avocat et ceux de 4 ou 5 autres avocats. La question me semble encore plus dramatique parce qu’il n’y pas de contrôle du juge ; c’est l’avocat qui fixe le montant de ses honoraires. Il y a normalement un contrôle du bâtonnier sur les honoraires mais ce dernier n’est compétent que pour arbitrer les litiges portant sur les honoraires entre l’avocat et son client mais pas entre lui et son adversaire.

En tenant compte de l’ensemble des situations et du péril qui pourrait résulter de la suppression de l’article 6, j’ai pris la responsabilité, après avoir discuté avec certains confrères et sur la base des concertations de Bobo, de tirer la sonnette d’alarme.

J’ai pris une circulaire dans laquelle je rappelais aux avocats que le principe universel de notre profession est que l’honoraire de l’avocat est à la charge de son client. Je leur ai aussi rappelé que l’éventuel préjudice financier imputable à l’adversaire et justiciable, s’il est effectivement constitué, il appartient à ce dernier d’en demander réparation au juge.

Vous avez vous-même suivi les réactions par rapport à cette circulaire et l’exploitation qui en a été faite. Votre organe a également publié le texte de la pétition revendiquant l’ancien régime. Mon analyse de la situation a été très claire : il y a des confrères qui sont légitimement préoccupés par les conditions d’exercice et pensent qu’elles doivent être améliorées. J’en suis d’accord. Les avocats, de mon point de vue, ont acquis une certaine culture démocratique et c’est tout à fait normal qu’ils discutent et fassent une proposition démocratique au bâtonnier.

A côté de ces questions somme toutes légitimes, je sais qu’il y a une partie des avocats qui a essayé d’exploiter, d’une manière que je ne qualifierai pas, le sentiment légitime des confrères préoccupés par les conditions d’exercice de la profession. Après la circulaire, le ministère de la Justice a sorti son projet de suppression de l’article 6. J’ai immédiatement réagi en faisant savoir au ministre que nous avons pris la responsabilité de moraliser à l’intérieur de notre profession et il n’est pas souhaitable qu’il y ait la suppression parce que l’on porterait atteinte au principe de réclamation de réparation. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau de bain.

J’ai écris aux confrères pour leur faire part d’une proposition de formulation sur la base de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile français. Dans l’écrit, je demandais également aux avocats d’examiner la proposition et de faire des contre-propositions de manière à ce qu’une commission au niveau du barreau se réunisse rapidement et ait une proposition à opposer à la suppression de l’article du ministère.

Nous avons donc proposé quelque chose que nous sommes allés même l’Assemblée nationale à l’Assemblée a adopté une formule, qui n’est pas parfaite, et peut être toujours améliorée du point de vue de l’intérêt du justiciable. Mais les députés n’ont pas supprimé les dispositions de l’article 6. Maintenant que nous avons un texte plus ou moins fondé sur l’article 700 du Code de procédure civile français, il appartient aux juges de l’appliquer. Mais il ne se passe qu’aujourd’hui si vous demandez l’application de l’article 6, certains magistrats ne vous répondent pas. D’autres ne comprennent pas du tout parce que perdus par les disputes des avocats.

Après l’adoption du texte de loi, j’ai saisi les confrères pour leur proposer la tenue d’une université judiciaire c’est-à-dire une rencontre d’une journée entre les avocats et les magistrats en vue de plancher sur un sujet d’intérêt commun. Nous l’avons envisagée dans un premier temps fin mars 2006. Malheureusement, la rencontre n’a pas pu se tenir à cette date parce que les magistrats étaient pris par des séminaires de préparation pour les élections municipales. Certes, l’université judiciaire n’a pas encore eu lieu mais la question que l’on voudrait débattre à l’occasion demeure toujours d’actualité. La solution n’est pas de faire de la démagogie mais de regarder les choses en face, d’accepter, si nous sommes des avocats, que l’honoraire de l’avocat doit être payé par son client.

J’ai lu quelque part des observations sur l’article 6. Je pense que soit les auteurs ne comprennent pas la profession d’avocat, soit qu’ils ne comprennent pas l’article 6. Il ne faut pas tromper les avocats. Si vous ne les trompez pas, les 2 principes dont j’ai fait cas sont des principes intangibles. C’est une question d’application de texte dont il appartient au barreau, au ministère de la Justice de faire en sorte qu’elle soit effective. Je suis convaincu que beaucoup de justiciables, beaucoup d’avocats y trouveront leurs comptes avec la possibilité de faire des améliorations.

Un autre point du programme qui vous tient à coeur et que vous aimeriez évoquer...

Il y a l’aide juridictionnelle dont nous avons souhaité qu’elle soit généralisée. Nous avons voulu engager la discussion avec l’Etat pour que le principe de la gratuité de la justice, proclamé dans les textes, soit effectivement appliqué. Mais il ne faut pas que la justice soit gratuite au préjudice de quelqu’un. Cela veut dire que si l’on estime qu’un justiciable a des difficultés pour faire face au paiement des honoraires, l’Etat doit pouvoir lui venir en aide. Dans d’autres pays l’assistance judiciaire existe.

Nous avons abouti à un résultat merveilleux qui est l’adoption cette année par l’Etat d’une ligne budgétaire de 40 millions de F CFA au titre de l’assistance judiciaire. Le principe de transfert de ce montant à la CARPA est acquis et en temps opportun les décaissements en faveur des bénéficiaires de cette assistance seront faits. L’avantage ici est la disponibilité de cet argent. Pour la gestion, le Trésor public, où les procédures sont souvent très longues, n’intervient pas.

Nous avons également obtenu, en collaboration avec le Mouvement burkinabè pour l’émergence d’une justice sociale (MBEJUS), la mise en place d’un fonds d’assistance judiciaire. Les ressources sont mobilisées en partenariat et les dossiers sont sélectionnés au niveau du MBEJUS et envoyés au bâtonnier. Ce dernier les donne et son tour à des avocats qui sont payés sur le fonds du MBEJUS. Aujourd’hui, il y a ces 2 sources qui sont fonctionnelles plus la source initiale que nous avons avec l’ambassade de France. Notre souhait est que la CARPA prenne rapidement son envol pour que l’assistance judiciaire du barreau puisse également se développer.

Je n’oublie pas un point qui est également essentiel à savoir la discipline professionnelle. Nous avons souhaité que les avocats puissent exercer leur profession dans des conditions absolues de crédibilité. Si nous voulons être crédibles, nous ne devrons pas permettre qu’il y ait en notre sein des personnes qui n’aient pas de comportement et de réflexe d’avocat.

Vous avez suivi les radiations de 2 avocats qui ont été faites en désespoir de cause après que des initiatives restées vaines ont été entreprises par le bâtonnier pour que les intéressés se mettent à jour. Autant nous sensibilisons, autant nous n’hésitons pas à sanctionner sans complaisance, si c’est cela la solution, les actions susceptibles de porter atteinte à la crédibilité du barreau.

Pour terminer, j’évoquerai rapidement 2 points. Le premier est le "Bulletin du Bâtonnier", un organe de liaison à périodicité mensuelle. Nous avons pu faire sortir au moins 3 numéros. Il y a un spécial CIB (ndlr : conférence internationale des barreaux) actuellement sous presse. Il y a un spécial CARPA qui est attendu et il y a le spécial élections ordinales qui doit paraître après.

Le deuxième point est la CIB dont nous avons abrité en 2005 une des sessions, conformément au point du programme relatif au développement de relations avec les autres barreaux. Nous nous sommes investis et la session qui s’est tenue à Ouaga a été une grande occasion de mobilisation.

Elle a été unanimement qualifiée de franc succès ; une session qui a permis de faire du progrès du point de vue des résolutions, de déclarer notre position sur la peine de mort, de poser la question de la présence de l’avocat dès l’enquête préliminaire et à toutes les étapes de la procédure. Une résolution a été prise dans ce sens. Il appartient maintenant à notre barreau par exemple de pousser, de faire des propositions idoines pour que ces questions rentrent dans les textes. J’espère que ça ne saurait tarder. En tout état de cause ce devra être le cheval de bataille du nouveau bâtonnier.

Quels sont les points sur lesquels vous n’avez pas pu mettre beaucoup l’accent au cours du mandat ?

Par exemple le point sur le dauphin du bâtonnier. Dans certains pays le bâton est élu 1 ou 2 ans avant les élections officielles. Au moment de celles-ci, il est confirmé en fait. L’avantage est que le dauphin, dès qu’il est élu, il participe aux activités du Conseil de l’Ordre. Cela facilite les questions de continuité du barreau, le suivi d’un certain nombre de dossiers. J’ai souhaité l’institution du dauphin du bâtonnier mais notre réglementation ne le prévoit pas. Si les avocats ne sont pas disponibles pour organiser ce genre d’élection, je crains que le dauphin soit inutile voire dangereux. Cette institution verra le jour quand l’Ordre le voudra.

Pour revenir à la CARPA, comment a-t-elle été accueillie dans le milieu ?

Durant la formation, certains confrères ont exprimé des inquiétudes. Il y en a qui ont pensé que la CARPA va les attacher mains et poings liés et les confier aux impôts. On leur a dit que les impôts ne peuvent pas trouver leurs comptes à la CARPA. Les fonds de cette caisse sont insaisissables, ne sont pas individualisés. Ce qui intéresse les impôts, c’est ce que l’on fait des honoraires. Nous avons levé les inquiétudes.

N’avez-vous pas peur que la CARPA ne vous survive pas dès lors qu’elle est présentée comme la chose du bâtonnier Kéré ?

La CARPA n’est pas la chose du bâtonnier Kéré. Elle a été instituée par la loi réglementant la profession d’avocat depuis 2000. Kéré n’a fait que concentrer les efforts pour que ce dispositif puisse entrer en application parce qu’il souhaite que cela soit dans l’intérêt de tout le monde. Je n’ai pas de crainte que la CARPA soit abandonné.

Les fonds des tiers que l’avocat aura à gérer dans le cadre de son activité professionnelle doivent nécessairement passer par la CARPA. Il y a des sanctions liées à cela. Au-delà, il faut que les avocats comprennent que ce dispositif est là pour les aider dans le maniement des fonds des tiers pour lequel nous ne sommes pas outillés. Aussi, si nous arrivons à mutualiser l’ensemble des avoirs, le bénéfice qui va en résulter profitera à tout le monde. La sensibilisation va se poursuivre. Le mandat du bâtonnier prend fin mais celui des administrateurs de la CARPA se poursuit jusqu’à l’année prochaine.

Des étudiants au CAPA de cette année ont saisi la justice pour faire annuler les résultats de cet examen pour cause d’irrégularités. En outre, on vous accuse d’avoir voulu favoriser des connaissances dans le choix des sujets. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?

Il y a une procédure judiciaire qui est engagée, qui va suivre son cours et une décision sera rendue. Je pense qu’on aura l’occasion de débattre largement devant le juge des différents aspects.

Je comprends la situation de ces personnes qui ont échoué à l’examen et se plaignent après. Les professions judiciaires ne peuvent pas absorber tous ceux qui sortent des facultés de droit. C’est dommage mais c’est la réalité. Je comprends les frustrations mais je déplore que le tout soit entouré d’une mauvaise foi. Le premier argument développé dans la procédure en cours est que les listes de candidats ont été publiées exactement 13 jours avant l’organisation de l’examen.

La loi veut que la liste de candidats autorisés à prendre part à l’examen soit publiée 2 semaines avant l’organisation. L’examen était prévu pour le 10 avril 2006 donc la loi veut que la liste soit publiée au moins 14 jours avant cette date. Les étudiants disent que nous avons laissé passer le délai 13 jours avant. Ce n’est pas vrai parce que tout simplement par prudence, j’ai demandé à un huissier de venir constater la publication des listes et l’arrêt de la date. Ce constat date du 23 mars pour un examen devant se tenir le 10 avril, cela fait exactement 17 jours.

Dans quel intérêt affirme-t-on que le délai était exactement de 13 jours ? Si on n’avait pas le rapport du huissier, ç’allait être la déclaration de ces étudiants contre celle du bâtonnier. Cela est choquant ; c’est la même chose quand on vous dit que dans le tirage au sort des sujets le bâtonnier a fait de telle sorte que le choix de la matière arrange ses protégés. Les sujets sont proposés par des professeurs d’université. L’arrêté interministériel a prévu un certain nombre de matières dont certaines doivent faire l’objet de l’épreuve théorique et d’autres l’épreuve pratique. En ce qui concerne l’épreuve théorique, les sujets sont tirés le matin devant tout le monde. Ils sont dans des enveloppes et ce ne sont pas ces dernières que l’on tire mais les premiers.

Quand je prends l’exemple de l’épreuve de droit civil, il y a plusieurs sous-matières comme le droit civil, le droit des obligations, le droit de sûreté, etc. Il faut que le jury constate effectivement si les matières qui sont là sont celles prévues par les textes. Après s’être assuré de cela, nous avons lancé les sujets et tiré l’un d’entre eux. Le tirage peut prendre peut-être une dizaine de minutes. En fonction des matières, il y a plusieurs sujets. Je ne sais pas comment matériellement on peut prendre connaissance des sujets et faire un choix qui puisse aider des protégés.

En outre, les étudiants qui ont saisi la justice ont insinué que nous avons transformé la nature des épreuves, qui doivent être celles d’un examen, en un concours. On pense que parce qu’il y a 8 admis sur 300 candidats, il s’agit d’un concours. Je comprends une telle frustration mais ce n’est pas la première fois que l’on organise un tel concours. Laissez-moi vous dire que l’année passée par exemple le jury a été amené à racheter certains candidats. Les résultats étaient tellement mauvais dans leur ensemble que le jury a procédé ainsi. Donc ce n’est pas qu’il y a trop d’admis que le jury s’arrange pour diminuer le nombre.

Cette année, je ne vous dis pas comment les choses se sont passées parce qu’il y a une procédure en cours et le juge se prononcera éventuellement sur certaines questions. Je n’ai pas jugé nécessaire de polémiquer avec les auteurs du recours qui essaient de faire reprendre l’examen parce que cela leur donnerait une chance supplémentaire. Le juge dira s’il y a eu effectivement des irrégularités et si celles-ci sont de nature à entacher le fond de l’examen pour entraîner son annulation.

Du fait de ce recours n’y a-t-il pas lieu que vous revoyez certains aspects de l’organisation du CAPA qui quelque part n’est pas parfaite ?

Rien n’est parfait. Sachez simplement que les choses sont organisées avec soin. Dans le jury, il y a l’Ordre des avocats représenté par le bâtonnier et 2 avocats, le ministère de la Justice, 2 professeurs représentant l’université. Nous bénéficions de l’encadrement technique de l’Université qui n’est pas inexpérimentée en matière d’organisation d’examens. Tous les membres du jury sont des personnes expérimentées quoiqu’elles soient avant tout des humains qui peuvent se tromper. Il peut y avoir une erreur qui résulte d’un certain nombre de circonstances extérieures souvent au jury. Par exemple, il y a eu erreur dans l’établissement des listes des candidats admissibles qui sont imputables à une coupure d’électricité le même jour qui a empêché le jury de fonctionner correctement. Pourtant la loi impose au jury d’afficher immédiatement les résultats de l’admissibilité.

On a dû donc déplacer les opérations de saisie au niveau de l’Ordre des avocats et c’est en ce moment qu’il y a eu des erreurs. Ce sont des erreurs, matérielles, la coupure d’électricité a été effective et peut être vérifiée. Cela ne souffre d’aucune contestation et le juge, s’il est amené à faire un examen, se rendra compte qu’il n’y a aucun problème de ce point de vue. Dans 2 ou 3 ans, il peut avoir des coupures d’électricité au cours de l’organisation mais l’essentiel est qu’il n’y ait pas d’irrégularité. Une erreur n’est pas nécessairement une irrégularité.

Par rapport au CAPA, je termine en disant que la réflexion est en train d’être menée concernant sa nature et il n’est pas exclu que le concours du CAPA devienne un examen du CAPA et cela sur la base des problèmes évoqués.

Partez-vous de la tête du barreau en homme content d’avoir accompli sa mission ou celui qui regrette d’avoir laissé des chantiers inachevés ?

Je suis l’un de deux qui croient que nul n’est indispensable. J’ai géré le barreau pendant 3 ans avec le concours d’un conseil de l’Ordre. Un certain nombre de choses ont été faites au profit du justiciable, de la justice, des avocats. Certainement que beaucoup reste à faire. Les organes qui vont être bientôt mis en place auront à charge ce qui suit : transformer en bien ce qui est mal, rendre meilleur ce qui est bien et excellent ce qui est très bien. Aujourd’hui, je m’en vais satisfait du devoir accompli. Je pense avoir été utile à mes confrères, je quitte mes fonctions de bâtonnier mais je reste toujours avocat. Je serai dans l’Ordre, soucieux de la solidarité de corps. A ce titre, je continuerai à apporter ma contribution pour diverses formes d’activités.

Si vous aviez la possibilité de vous présenter aux élections du 17 juin, alliez-vous être candidat à votre succession ?

J’ai eu l’avantage de participer aux discussions sur les différents textes notamment ceux de 2000. Ce sont ces derniers qui ont instauré un mandat unique de 3 ans. En 2000, les avocats s’étaient dit qu’il est important qu’il y ait l’alternance au niveau du barreau pour aider à démystifier la fonction de bâtonnier. En ce qui me concerne, il n’y a pas de frustration de ne pas pouvoir se représenter. En plus, il faut aussi respecter les autres candidats qui feront eux aussi ce qu’ils peuvent.

Après la parenthèse de repos de 3 ans, serez-vous candidat par exemple en 2009 ?

Je ne pense pas me présenter en 2009 pour être candidat au poste de bâtonnier. Pendant mon mandat, mon activité professionnelle a pris un grand coup. Les autres ne réalisent pas toujours que le propre cabinet du bâtonnier peut avoir de sérieux problèmes durant son mandat parce qu’il n’est plus tout à fait disponible. Certes, on peut faire confiance aux collaborateurs, aux associés du cabinet mais votre absence se ressent forcément quelque part. Ce que je vais faire immédiatement est de réintégrer mon cabinet, de développer mes activités, etc.

Quels conseils avez-vous à donner à votre successeur ?

Ce serait prétentieux de vouloir donner des conseils ou des leçons. Les candidats au poste sont plus anciens que moi au tableau de l’Ordre. Chacun a un programme et sait ce qu’il va faire s’il est élu. Je tâcherai d’être disponible et par rapport à certaines activités menées s’il y a des choses que le nouveau bâtonnier ne comprend pas ou voudrait améliorer, je me ferai le devoir de lui communiquer toutes les informations. Si je peux me permettre un conseil, je dirai que tout bâtonnier doit tout faire pour éviter la division. Par conséquent, il doit travailler à la plus grande solidarité du corps. Les élections divisent et le plus rapidement possible le bâtonnier élu doit rassembler les morceaux de l’après-scrutin. C’est ce que j’ai fait quand j’ai été élu.

Ma première initiative a été de me mettre en rapport avec les candidats malheureux, de discuter avec eux et demander leur concours pour l’exécution de mon programme. Je suis allé vers ceux qui m’ont élu, ceux qui ne m’ont pas élu, les anciens, les jeunes, parce que je suis attaché à la solidarité du corps qui est la clé de la réussite.

Propos recueillis par Séni DABO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 16 juin 2006 à 14:55 En réponse à : > Me Barthelémy Kéré, bâtonnier sortant : "C’est aux autres de faire mon bilan"

    « Par rapport au CAPA, je termine en disant que la réflexion est en train d’être menée concernant sa nature et il n’est pas exclu que le concours du CAPA devienne un examen du CAPA et cela sur la base des problèmes évoqués. »

    Ces propos donnent raison aux étudiants quand ils soutiennent que la nature du CAPA a été transformée

    • Le 21 juin 2006 à 21:55 En réponse à : > Me Barthelémy Kéré, bâtonnier sortant : "C’est aux autres de faire mon bilan"

      Je conteste votre affirmation péremptoire. Il n’appartient pas au Bâtonnier de résorber l’ensemble des actifs juristes déversés chaque année sur le marché du travail au burkina.
      Je constate, en tout état de cause, que le juge administratif a mis fin à la contestation soulevée dans le cadre du CAPA. Examen ou concours, c’est bonnet blanc, blanc bonnet, et vous le savez mieux que quiconque. En tout état de cause, dans les deux cas, la sélection sera de mise. Il ne sert à rien de continuer à polémiquer sur ce sujet alors que les requérants malheureux n’étaient même pas admissibles aux épreuves. J’espère que le nouveau bâtonnier saura organiser des épreuves prochaines du CAPA à l’attente de ces nombreux étudiants contestataires.

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