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Hôpital-Yalgado-Ouédraogo : "Un escroc sans pitié en service"

Publié le mercredi 24 mai 2006 à 07h49min

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Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) vient de donner un coup de pied dans la fourmilière de la corruption, à l’hôpital Yalgado-Ouédraogo. Chronique d’une affaire qui s’est soldée par une chaîne de solidarité vis-à-vis des victimes.

La corruption dans le système de santé est une réalité au Burkina. Un des aspects dramatiques de la corruption dans ce secteur est la cruauté de certains agents à l’endroit des pauvres, qu’ils n’hésitent pas à plumer sans scrupule. Au Centre hospitalier universitaire national Yalgado, Ouédraogo, (CHUNYO), Patrice Lompo, un garçon de salle (brancardier) au service de neurologie, s’est illustré comme un homme sans pitié à l’égard de pauvres paysans. Mais grâce à la persévérance d’une de ses victimes, et au concours d’un jeune commerçant, l’escroc a rendu gorge. Une histoire triste, digne de film fiction ; mais une histoire, hélas, vraie.

Yacouba et Salif Zogona, deux frères, étaient au chevet de leur enfant, Moumouni, admis au service de neurologie de l’hôpital-Yalgado, Ouédraogo depuis décembre 2005. Les 35 500 francs qu’ils ont amenés de leur Nassougou natal (village situé à une trentaine de kilomètres de Koudougou) se sont vite effondrés devant les ordonnances. Grâce au soutien actif du service de l’Action sociale qui a pleinement joué son rôle, ils ont pu tenir 6 mois durant, dans l’espoir de voir leur fils se relever de sa maladie. Le 8 mai 2006, les deux parents ont effectivement cru voir le bout du tunnel. Ce jour-là, le jeune Moumouni devait subir une opération en neurochirurgie. Il fallait tout faire pour que l’espoir tant attendu se réalise.

Patrice Lompo, un employé du service de neurologie, après avoir conduit le jeune Moumouni dans la salle d’opération, décida de mettre en action son plan machiavélique. En sortant du bloc, il accoste les parents et leur tint à peu près ce langage : « Nous sommes prêts à faire l’opération, mais il manque un produit. » Angoissés, les parents demandent combien coûte le produit. 2 000 francs, leur répondit-il. Les parents s’empressent de s’exécuter sans trop réfléchir.

Le premier test ayant été concluant, quelques instants après, il ressort avec une ordonnance imaginaire de 17 000 F. Mais les parents du malade n’avaient plus que 15 500 F dans la poche. N’ayant pas d’autre choix que de tout mettre dans la balance pour sauver leur enfant, Yacouba et Salif décident de donner tout l’argent qui leur reste à Patrice Lompo, qui l’accepte. Mais ils ne verront ni la couleur des médicaments, encore moins celle de l’ordonnance qu’ils réclament vainement. La somme totale extorquée par Patrice Lompo s’élève maintenant à 17 500 francs.

Quelques jours après l’opération, c’est-à-dire le 12 mai 2006, le jeune Moumouni rendit l’âme. Et ses parents n’avaient plus le moindre sou. Ils font le point de leurs péripéties et se rendent compte qu’ils ont été victimes d’une escroquerie. Ils décident alors de voir le sieur Patrice Lompo pour savoir ce qu’il a bien pu faire de leur argent. Une première fois, l’escroc les envoya promener en disant que les 17 500 F ont été remis à un aide anesthésiste, et que même l’infirmier major du service en était informé.

"Il a poussé le bouchon trop loin"

Yacouba et Salif n’en démordent pas. Ils saisissent l’infirmier major du service de neurologie pour lui faire part de leurs déboires. Ce dernier interroge son collègue qui reconnaît finalement qu’il a roulé ses victimes dans la farine. Le major lui intime l’ordre de rembourser les 17 500 F extorqués afin de réparer l’injustice commise. Patrice Lompo acquiesce devant l’infirmier mais continue de tourner ses victimes en rond. L’infirmier major finit par informer les victimes qu’ils pouvaient porter plainte ailleurs si elles le désirent. Le service de l’Action sociale de l’hôpital est saisi, mais Patrice demeure imperturbable. A la date du mercredi 17 mai ( six jours après le décès du jeune Moumouni), les perspectives de remboursement de leur dû semblent s’éloigner davantage pour les deux hommes. Las d’attendre, ils décident de tout remettre entre les mains de Dieu et quittent l’hôpital. En effet, leur situation y était de plus en plus intenable. Ils dormaient à même le sol (l’unique natte qu’ils avaient amenée du village avait servi à l’ensevelissement du défunt) et vivaient de la générosité des serveurs de la cantine de l’hôpital.

Mais une chose est de quitter, une autre est de rejoindre leur domicile. Sans argent, comment faire pour y arriver ? Alors, les deux hommes se mirent à errer dans la ville à la recherche d’un transporteur qui accepterait de les amener à crédit jusqu’à Koudougou. Dans leur errance, un jeune commerçant les rencontra et voulut savoir ce qui a pu pousser un adulte de cet âge à pleurer de la sorte. Lorsque les deux hommes eurent fini de lui raconter leurs mésaventures, il les invita à le suivre, et les conduisit au REN-LAC.

Une équipe est immédiatement dépêchée à l’hôpital Yalgado pour entendre la version du nommé Patrice Lompo. Il n’y était plus, il était 17h30. Le lendemain jeudi 18 mai, très tôt, l’équipe du REN-LAC accompagnée de Salif Zogona parvient à mettre la main sur lui. Il reconnaît les faits mais dit avoir remis l’argent à un aide anesthésiste stagiaire qui serait à l’école de santé. Il est prêt à payer, mais « pas avant la fin du mois ».

Le REN-LAC conseille alors aux victimes de porter plainte à la gendarmerie nationale. Ce qui fut aussitôt fait. Lompo est convoqué le même jour à 15h à la gendarmerie de Paspanga. Réalisant enfin que les choses pouvaient tourner très mal pour lui, il refuse de répondre à cette convocation. Le vendredi 19 mai, aux environs de 8 heures, après une concertation entre certains collègues de service de neurologie, le service de l’Action sociale et l’escroc Patrice Lompo, ce dernier finit par payer aux victimes la totalité de leur dû (17 500 francs). Le service de neurologie de l’hôpital Yalgado a voulu ainsi sauver son honneur. Mais le sieur Lompo a manifestement poussé le bouchon trop loin. Les deux paysans gardent de lui l’image d’un agent de santé sans foi ni loi.

"Victimes de la rapacité d’un corrompu"

Avant de quitter Ouagadougou, Salif Zogona est venu au REN-LAC pour rendre compte de leurs dernières péripéties. Quant à Yacouba, le père du défunt, handicapé visuel ayant des difficultés à se déplacer, il a appelé le REN-LAC par le téléphone vert pour dire toute sa reconnaissance. « Merci pour ce que vous avez fait pour nous. Je vous demande de tout faire pour que beaucoup de gens sachent ce qui nous est arrivé ; ça pourrait aider d’autres gens », a-t-il souhaité.

Tout en accédant à la requête du père du défunt, le REN-LAC pense que cette mésaventure pathétique comporte quelques enseignements utiles à tirer :

- il faut reconnaître que Yacouba et Salif Zogona, prototypes du paysan burkinabè, ont fait montre de patience, de vigilance, de perspicacité et de courage pour dénoncer l’escroquerie qu’ils ont subie ;

- l’infirmier major du service de neurologie a joué aussi sa partition en exigeant que son collègue répare l’injustice commise. Il n’a pas hésité à conseiller aux victimes de porter plainte si elles le désirent. Mais face à l’entêtement du sieur Lompo Patrice, le bon sens aurait voulu qu’il le dénonce auprès de l’administration hospitalière pour qu’il soit sanctionné à la hauteur de son forfait ;

- le jeune commerçant du quartier Bendégo, militant anonyme de la lutte anti-corruption, n’a pas hésité à sacrifier une partie de son temps de travail pour accompagner au REN-LAC des inconnus, victimes de la rapacité d’un corrompu.

Comme on peut le voir, la corruption est un mal qui gangrène notre société, mais elle n’est pas une fatalité. La preuve ? Il a suffi que les victimes aient eu le courage de dénoncer leur bourreau pour susciter une chaîne de solidarité et de soutien qui s’est tissée entre l’infirmier major, le service de l’Action sociale, le jeune commerçant, le REN-LAC et la gendarmerie nationale. Seul le silence fait le lit à la corruption et permet aux corrupteurs et aux corrompus de commettre impunément leurs forfaits. Les agents honnêtes de santé en général, et l’administration du CHU/YO en particulier, doivent redoubler d’engagement et de vigilance afin d’extirper de leurs services cette « maladie honteuse » qu’est le fléau de la corruption.

Le REN-LAC se propose de publier vos réactions, vos suggestions, vos dénonciations, si cela est conforme à la déontologie et à l’éthique professionnelle. Vos critiques et suggestions sont les bienvenues. Pour toutes informations et suggestions, contactez-nous à l’adresse suivante : Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN-LAC) 01 BP : 2056 Ouagadougou 01, Tél. : 50 - 33 - 04 - 73, Email : info@renlac.org, site : http: //www.renlac.org. Tél. vert : 80-00-11-22 (gratuit).

Le REN-LAC

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 24 mai 2006 à 10:52 En réponse à : > Hôpital-Yalgado-Ouédraogo : "Un escroc sans pitié en service"

    Bonjour,
    Toutes mes félécitations de diffuser cet article relatif au fléau de la corruption dans notre société.
    Je regrette cependant une chose ou alors je n’ai pas compris, la suite de l’affaire à la gendarmerie.
    je crois que si cette histoire s’avère vraie, il faut une suite à la gendarmerie, pourquoi pas une
    poursuite judicaire afin qu’une punition soit faite envers ces individus malsains pour la socité.
    L’essentiel n’est pas de remettre l’argent mais de condamner ce type d’acte par des actions concrètes
    afin d’intimider la population sur ces pratiques.

    Je vous remercie,

  • Le 24 mai 2006 à 11:01, par Pierre En réponse à : > Hôpital-Yalgado-Ouédraogo : "Un escroc sans pitié en service"

    Bonjour,
    Etes-vous sur de l’adresse internet www.renlac.org ?
    Je viens d’esayer et on me répond que cette adresse est inconnue.
    Pierre.

  • Le 24 mai 2006 à 12:18, par Myrya En réponse à : > Hôpital-Yalgado-Ouédraogo : "Un escroc sans pitié en service"

    Bonjour
    Je me mets à écrire ces pages pour montrer à quel point je suis outrée que des gens puissent se comporter de telle sorte avec leurs semblables qui plus est ,démunis .Je vis dans une famille qui à toujours en son sein des gens malades avec souvent des problèmes pour soigner ceux -ci parce que tout simplement il arrive que des infirmiers donnent parfois des ordonnances kilométriques sans expliquer à quoi vont servir exactement ces produits .On guérrit des fois ou plutôt il ya un semblant de guérison car en fait on suporte notre mal par manque de moyens .
    Il ya aussi l’exemple très probant de mon oncle qui est allé faire examiner son fils malade dans un centre de santé dont je ne cite pas le nom , on lui a demandé d’aller faire des tests de selle en lui précisant où aller , et je vous assure que leurs tarifs sont hors de portée pour mon oncle qui est au chômage , l’enfant est donc resté sans examen .J’ai l’intime conviction qu’ils font cela car ils y ont leurs intérêts.
    Je demande donc aux autorités de tenir compte de la poche comme on le dit de la frange la plus démunie de la population afin que celle çi ai accès aux soins les plus élémentaires .Et aussi et surtout contrôler la gestion des centres de santé car on y observe un accroîssement de la corruption qui je suis sûre risque de s’accentuer avec la période pluvieuse qui s’annonce.
    Je souhaite toutes mes condoléances à la famille du disparu et aussi du courage à toutes celles qui sont dans le même cas et à ceux qui oeuvrent pour que la corruption soit punie par nos lois.
    Une citoyenne

  • Le 24 mai 2006 à 22:31, par georges En réponse à : > Hôpital-Yalgado-Ouédraogo : "Un escroc sans pitié en service"

    bonjour
    si c’est bien ce petit escroc a été dénoncé et sanctionné car il est tout petit il ne fait pas le poids et les autres ? les vrais ?les gors bonnets ? les escrocs du jours les intouchables que tout le monde voit qui ose les dénoncer ?

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