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Médias : Ces anonymes omniprésents

Publié le samedi 29 avril 2006 à 09h01min

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Chaque jour, des hommes et des femmes « accompagnent » les hommes de médias dans leur quête du bien informé. Mais à la différence, ces hommes et ces femmes sont quasiment à la « périphérie ». Invisible dans le feu de l’action, ils ne jouent pas moins leur partition dans le rendu final, que ce soit à la presse audiovisuelle ou écrite.

Sidwaya plus s’est interessé à cette catégorie de travailleurs pour la plupart des secrétaires de rédaction, chauffeurs, monteurs, opératrices de saisie. Ce, en prélude au 3 mai 2006, Journée internationale de la liberté de la presse, pour leur rendre hommage par la même occasion.

On les appelle communément les travailleurs « anonymes » dans le monde de la presse. Ils ne sont pas au premier plan du travail des journalistes mais ils sont ceux -là qui par leur boulot, apportent leur concours dans la mise en œuvre du travail des ouvriers de la plume et du micro. Dans cette catégorie, se rangent les secrétaires de rédaction, les chauffeurs, les techniciens, les opérateurs de saisie, les monteurs, les caméramen, les photographes etc. Au contact des journalistes, ils sont eux aussi soumis aux dures lois du métier des hommes de médias. Contrainte de temps, manque de matériel de travail, stress, angoisses etc. Un boulot à mille facettes et péripéties.

La Journée internationale de la liberté de la presse est une introspection pour les travailleurs des médias. Avec le numérique, le montage devient plus facile et plus fluide.

Il est 16h en, ce jeudi 27 avril. Mme Grace Foro, agent de maîtrise de l’information au service d’exploitation (section montage) de la Télévision nationale du Burkina (TNB) est à l’œuvre. Devant deux écrans plats d’ordinateurs, elle est en train de monter l’émission « All Flowz ».

Ce montage virtuel consiste à programmer les clips selon l’ordre de diffusion. Elle prend soin d’y ajouter son grain de sel par de petits maquillages. Son activité pourrait se résumer à faire « le montage de l’image et du son ». Pour parvenir à cette fin, son clavier est connecté à deux écrans. Ce, « pour agrandir les fenêtres de visualisation des images ». Un haut-parleur est posé à gauche des écrans pour diffuser le son. Elle prend une cassette et l’introduit dans le lecteur. « Cela permettra de digitaliser le signal et le garder en mémoire en vue de pouvoir travailler sur l’ordinateur », explique Mme Foro. Après avoir cliqué deux ou trois fois sur la souris, elle constate qu’il n’y a pas de son. Elle se lève et touche des fils derrière le haut-parleur. Le son est effectif.

Dans la presse écrite, l’opérateur de saisie pourrait s’assimiler à la monteuse des images et du son à la télévision. Mme Somé née Zizien Kadidia est le chef de service des opératrices de saisie aux Editions Sidwaya. Son quotidien consiste à taper du clavier pour saisir les manuscrits des journalistes. Le clavier et la souris n’ont pas de secret pour elle.

Comme elle le dit si bien, elle peut taper à la vitesse de 20 mots par minute. Comparativement, elle l’assimile à cinq articles en deux heures de temps. En 2004, elle fut décorée de l’Ordre du mérite burkinabè par le ministère de l’Information.

Manque de temps et de moyens

Le travail du journaliste et des accompagnateurs anonymes se fait sous la contrainte du temps. Le métier « bouffe » tellement le temps que parfois « la vie familiale est souvent mise à rude épreuve ». Boubakar Traoré est le chef de service des chauffeurs à la TNB. Selon lui, « les travailleurs des organes de presse n’ont pas d’heure de travail ». Puisque à « tout moment de la journée ou de la nuit, l’on est censé être disponible pour aller en reportage ».

A cela, se greffe le manque de matériel pour exécuter convenablement le travail. Il cite le manque de véhicules pour couvrir les reportages. « Souvent, il n’y a qu’un seul véhicule pour trois à quatre reportages. Le chauffeur est obligé de faire la navette entre les lieux de reportage en vue de déposer et de prendre des équipes », explique-t-il. Non seulement, « cela retarde le travail mais crée des désagréments à ceux qui sont sur le terrain ».

En plus, la contrainte de temps fait que les accompagnateurs anonymes sont souvent obligés de rentrer chez eux à des heures tardives. « Avec la presse, on n’a pas une vie de famille », lance M. Traoré. Pour Mme Grace Foro, chaque boulot a ses contraintes. De ce fait, la presse en général a de pénibles horaires de travail qui annulent le programme personnel. « Cela n’est pas intéressant pour une femme mariée, mère de famille », a-t-elle expliqué.

Ajouté à cela, « le fait qu’il faut souvent faire le pied de grue devant la table de montage en attendant que l’autre finisse de monter ». C’est pourquoi les travailleurs « anonymes » demandent plus de matériels afin de juguler le temps. Yacouba Zerbo est chauffeur depuis 1977. Après avoir obtenu son permis de conduire en 1973, il a été affecté à « Carrefour africain » en 1980. Il a connu toutes les facettes de l’évolution du journal.

C’est avec nostalgie qu’il aime à raconter les péripéties du métier à travers les périodes des régimes qui se sont succédé au Burkina. Il se rappelle encore le temps où il n’y avait qu’un seul véhicule pour le personnel des journalistes. La periode d’exception où il partait chercher le mot de passe au Conseil de l’Entente ou encore, la montée et la descente du drapeau qui se trouvait dans l’enceinte des Editions Sidwaya. Il a pu pallier le manque de personnel à certains moments. « J’ai été standardiste sous la Révolution. En même temps que j’étais chauffeur, j’ai été gardien de Sidwaya durant deux mois sans compter mon passage à la vente à la criée des journaux et/ou à l’encartage », explique Yacouba Zerbo.

De la liberté de la presse

Les travailleurs anonymes des médias ne se sentent pas interpellés par la commémoration de la Journée internationale de la liberté de la presse. Le vieux Zerbo, comme on l’appelle affectueusement à Sidwaya, sait qu’il s’agit de « la lutte pour la reconnaissance des droits des burkinabè-journalistes ». Décoré en 1998 de l’Ordre du mérite par le ministère de l’Information, il n’enregistre à « son compteur » aucun accident ni déroute en circulation. Quant à Grace Foro, elle est consciente de l’existence de mouvements et associations des journalistes, mais la priorité est d’abord « d’être compétent dans ce qu’on fait avant d’être militant ».

En tout état de cause, les travailleurs anonymes se sont forgé un état d’esprit au contact des journalistes en particulier et des hommes, en général. M. Zerbo est conscient que lorsqu’on, conduit les autres, on n’est pas sourd à leurs causeries. De ce fait, selon lui, il faut être discret, accepter l’autre dans sa différence, son comportement et son caractère. « Un bon chauffeur ne doit pas s’énerver rapidement. Il doit être lent à la colère ». Pour Boubakar Traoré, « il faut d’abord connaître et maîtriser son travail.

Ensuite être disponible. Enfin, avoir un bon comportement en écoutant et en respectant les autres sans être leur esclave ». Devant un boulot stressant, Grace Foro préconise la patience, la tolérance, la persévérance, la compréhension. « Rien n’est facile », dit-elle. Mais « lorsqu’on aime quelque chose, on s’y intéresse ».

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)

Sidwaya

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