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Agriculture : « La mise en place du complexe industriel de Kodjari, l’un des défis du Burkina Faso, selon le directeur général de la Société d’exploitation des phosphates du Burkina, Dr Jean Ouédraogo

Publié le mardi 13 février 2024 à 21h20min

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Agriculture : « La mise en place du complexe industriel de Kodjari, l’un des défis du Burkina Faso, selon le directeur général de la Société d’exploitation des phosphates du Burkina, Dr Jean Ouédraogo

Le phosphore est l’un des éléments limitant fortement les rendements des cultures au Burkina Faso. Or, le pays dispose de réserves importantes de phosphates naturels dont celle de Kodjari estimée à plus d’un million de tonnes. L’utilisation de ces phosphates naturels, améliore durablement la qualité des sols. Pour Lefaso.net, le directeur général de la Société d’exploitation des phosphates du Burkina (SEPB), Dr Jean Ouédraogo, a accepté de parler de ce produit dont l’utilisation est rentrée dans les habitudes des producteurs. Pour cette année 2024, la commande est estimée à plus de 10 000 tonnes.

Lefaso.net : Est-ce que vous pouvez, nous présenter la Société d’exploitation des phosphates du Burkina ?

Dr Jean Ouédraogo : La Société d’exploitation des phosphates du Burkina (SEPB) est née le 3 avril 2012 par transformation de l’ex projet phosphate. C’est une vision de pouvoir valoriser les phosphates naturels dont notre pays regorge notamment au niveau de Kodjari, d’Aloub-Djouana et d’Arly. Actuellement, c’est une mine qui est en exploitation. Depuis, cette date, la SEPB exploite les phosphates et les met à la disposition des producteurs pour la gestion de la fertilité des sols. En 2023, la société s’est dotée d’une usine de mélange d’engrais. La production proprement dite a commencé en août 2023. C’est une société qui emploie actuellement 39 agents en permanence. Au niveau de Koupéla, nous avons en moyenne 70 ouvriers journaliers. A Diapaga, la production en termes de phosphates est au ralenti du fait de l’insécurité.

À combien peut-on estimer la capacité de production des usines de Koupéla et de Diapaga ?

Pour Diapaga, l’usine est assez vieille avec une faible capacité de production (2,5 tonnes à l’heure). L’usine a été installée depuis l’ex projet phosphates. Nous avons en projet de renouveler l’usine pour améliorer ses performances. L’usine de mélange d’engrais de Koupéla, quant à elle, a une capacité de 90 tonnes à l’heure. Nous avons inscrit en priorité la construction d’une troisième usine au niveau du site de Kodjari que nous appelons complexe industriel de Kodjari qui va servir à la transformation des phosphates pour produire des matières premières afin d’alimenter l’usine de Koupéla et de sortir de Burkina phosphates comme à son origine pour continuer d’appuyer les producteurs dans la gestion de la fertilité des sols. C’est un projet très avancé inscrit dans la banque de données des projets Partenariat public privé (PPP). On espère qu’on pourra trouver quelqu’un pour opérationnaliser la construction de cette usine.

En quoi l’utilisation du phosphate contribue à une gestion durable de la fertilité des sols ?

Les phosphates naturels sont très importants au niveau de la gestion de nos sols. Pour dire que les sols burkinabè sont carencés en phosphore. Alors que nous avons cette richesse à l’est du Burkina Faso. Les phosphates naturels permettent de rehausser la teneur en phosphore du sol, de combattre l’acidité du sol et d’améliorer la productivité en termes de biomasse. Le Burkina phosphate est surtout promu à travers le compostage qu’on appelle couramment le phospho-compost. Ce compost enrichi en Burkina phosphate permet aussi bien d’améliorer la teneur en matières organiques du sol, d’améliorer la disponibilité du phosphore et de préserver nos sols contre différentes formes de dégradation. Les phosphates naturels sont une solution pour une agriculture durable.

Est-ce que le prix est à la portée des producteurs ?

Les prix datent de 2003 qui est de 4 500 francs CFA le sac de 50 kg soit 90 000 francs CFA, la tonne. C’est un prix très abordable. Le Burkina phosphate est un produit qui répond à son nom. Maintenant quand on veut comparer les phosphates, certaines personnes disent que nos phosphates sont de moindre qualité par rapport aux phosphates du Mali ou ceux du Togo. En termes agronomiques et toutes les études qui ont été conduites au Burkina Faso, nous pouvons affirmer que nos phosphates naturels répondent bien à la gestion durable de la fertilité des sols. En tant que premier responsable de la SEPB et également chercheur de métier en fertilité des sols, je suis convaincu que nous tenons un diamant au Burkina Faso qui ne cherche qu’à être valorisé du point de vue agronomique.

Un diamant au Burkina Faso qui ne cherche qu’à être valorisé. Comment comptez-vous relever ce défi ?

Pour valoriser nos phosphates et l’exploiter pleinement, il faut aller vers la mise en place du complexe industriel de Kodjari. L’étude de faisabilité a déjà été faite. Le projet est déjà presque mûr et inscrit dans la Banque de données du projet PPP. Nous espérons qu’avec les actions des forces de défense et de sécurité, la zone sera bientôt sécurisée. Ce qui permettra la mise en œuvre du projet.

L’utilisation excessive de phosphates a-t-elle des conséquences ?

Nos sols sont carencés. Les tests agronomiques sont autour de 500-600 kg à l’hectare. Ce sont des doses assez élevées pour un producteur lamda. Une utilisation excessive ne risque pas d’arriver. D’autant plus que sa disponibilité n’est pas très immédiate. Donc, le phosphore soluble ne sera pas en quantité de telle sorte à créer des antagonismes ou de la toxicité pour les cultures.

À combien peut-on estimer le chiffre d’affaires du secteur ?

Je n’ai pas les chiffres exacts mais au moment où on produisait en quantité, l’utilisation de Burkina phosphates par les producteurs était faible. Il a fallu des sessions de formation, de sensibilisation, pour que les producteurs se rendent compte de l’effet du Burkina phosphate sur la productivité agricole. C’est dans les trois quatre dernières années que les producteurs ont commencé à utiliser intensément le Burkina phosphates. En termes de vulgarisation, on n’a pas assez fait donc on continue. Parce que tous les producteurs n’ont pas encore vu les effets. Au niveau du ministère de l’Agriculture, des dispositions sont prises pour que la plupart des projets puissent prendre une certaine quantité de Burkina phosphates pour appuyer la production de la matière organique afin de rehausser le niveau de fertilité des sols. L’année où on a beaucoup produit c’était autour de 3 229 tonnes.

Quelle est la part contributive de l’exploitation du phosphate dans l’économie nationale ?

Comme je ne suis pas économiste, je ne pourrais pas faire une évaluation exhaustive. Mais en termes de recettes liées à l’extraction et au broyage des phosphates naturels, cela est faible lié au prix social du produit qui a une incidence assez importante au niveau de l’augmentation des rendements au niveau des producteurs. Ces éléments disséminés à travers le pays sont non évalués. Mais au regard de l’augmentation des rendements, nous pouvons dire que le Burkina phosphates est assez important pour l’économie nationale. Plus, on produit moins on va importer. Cela signifie qu’il y a des économies en devises qui seront faites avec l’augmentation des rendements due à l’utilisation de Burkina phosphate.

Quels sont les défis de l’heure de la SEPB ?

Le plus grand défi pour nous, c’est la mise en place du complexe industriel de Kodjari. Si réellement, on arrivait à le faire, le Burkina Faso gagnerait doublement avec une production de matières premières pour la fabrication d’engrais. Donc, on importera deux matières (potassium et l’urée) sur quatre. Cela constitue des économies en termes de sortie de devises si on arrive à opérationnaliser cette usine. Outre cela, on va augmenter la capacité de production de Burkina phosphates. Ce qui va le rendre encore plus disponible pour les producteurs. Ce projet s’inscrit dans une situation où la sécurité doit être rétablie pour permettre une mise en œuvre de ce projet très important

Est-ce que nos phosphates sont exportés ?

Nos archives ne révèlent pas une exportation du Burkina Phosphate. Cette année, nous avons reçu une commande venant du Togo. Au regard du contexte sécuritaire, de nos besoins en interne et de la vétusté de notre machine, il nous était impossible de répondre à cette demande. Actuellement, nous n’exportons pas nos phosphates. Notre objectif est de le transformer sur place. Cette année, même si on arrivait à tourner à temps plein, il nous serait difficile de satisfaire la demande. Les commandes au plan national sont estimées à plus de 10 milles tonnes. Malheureusement, avec la situation sécuritaire, nous n’avons pas pu honorer ces commandes. Actuellement, il nous faut renouveler la machine pour pouvoir répondre au besoin national.

Sur la place du marché, les engrais importés rivalisent avec ceux du Burkina Faso...
La qualité des engrais importés est souvent douteuse. Il n’y a pas une année qui passe sans que les producteurs ne parlent de la mauvaise qualité de certains engrais importés. Au niveau de la qualité physique, souvent insoluble et également au niveau de la qualité chimique parce que les teneurs en nutriments peuvent ne pas être respectés. Pour ce qui concernent les prix, ils sont très variables. Il y a des agro dealers qui vendent des engrais moins chers que ce que nous proposons. Mais la majorité vend bien plus cher que ce que nous proposons. L’engrais produit par la SEPB se caractérise par sa qualité.

Le Centre international pour le développement des engrais (IFDC) a lancé un nouveau projet dénommé Sustain Africa Burkina Faso auquel vous êtes associé. Quel sera votre apport dans la mise en œuvre de ce projet ?

Le projet vise à faciliter la disponibilité de l’engrais aux petits producteurs. La SEPB a pour rôle de produire cet engrais. C’est la mission que le ministère nous a confié. Concrètement, les distributeurs agréés vont commercialiser l’engrais commandé auprès de la SEPB. Un producteur ne pourra payer qu’un certain nombre de sacs pour son utilisation. Les acteurs terrains (agents d’encadrement, les agrodealers) vont contribuer à identifier les petits producteurs afin que cet engrais ne tombe pas dans les mains des entrepreneurs agricoles qui exploitent de grosses superficies. Ce travail sera fait sur le terrain pour nous assurer que ce sont les petits producteurs qui achètent. La quantité à acheter par les petits producteurs sera limitée pour permettre de toucher 100 000 producteurs. Il y a un ratio établi pour que 20 000 tonnes puissent suffire 100 000 producteurs.

Interview réalisée par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net

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