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Solidarité au Burkina : La journaliste et activiste sociale Raïssa Compaoré invite toute la population à s’y mettre

Publié le mercredi 31 janvier 2024 à 22h30min

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Solidarité au Burkina : La journaliste et activiste sociale Raïssa Compaoré invite toute la population à s’y mettre

Dans une interview accordée à Lefaso.net, Raïssa Compaoré, journaliste, chanteuse et aussi activiste pour les causes sociales, revient sur ses activités citoyennes ainsi que les impacts de celles-ci sur sa vie au quotidien. C’était le vendredi 26 janvier 2024, au sein de l’Assemblée législative de transition où elle est employée, à Ouagadougou.

Lefaso.net : Raïssa Compaoré est une figure qui se colle à plusieurs domaines de la vie, peut-on retracer brièvement votre parcours ?

Raïssa Compaoré : Je suis Burkinabè, journaliste et connue aussi pour avoir été un peu chanteuse. Mon parcours est assez riche parce que dans le journalisme, on m’a connu surs plusieurs chaînes de télévision telles que Canal 3, Africable. J’ai également travaillé pour une agence française et j’ai ensuite créé mon agence. Maintenant je suis à l’Assemblée législative de transition en tant que directrice des médias. Au niveau social, je me suis lancée il y a quelques années mais je pense que je le fais depuis belle lurette parce que depuis toute petite déjà, j’étais engagée auprès des causes des personnes les plus démunies, donc c’est quelque chose qui est intrinsèque. Moi je suis une multitâche et je dis toujours qu’il n’y a rien qu’on ne puisse faire si ce n’est qu’on a pas envie de le faire et nous n’avons qu’une seule vie et si on veut la réussir il faut avoir le courage de faire ce qui nous plaît. Donc quand j’ai eu envie de chanter, j’ai chanté, quand j’ai eu envie de faire du journalisme, je l’ai fait et quand j’ai eu envie d’aider, j’aide.

Ces dernières années, vous êtes beaucoup identifiée à travers vos actions citoyennes, notamment via les réseaux sociaux. Comment vous vous êtes retrouvée dans ce domaine ?

Quand j’étais toute petite déjà, ce n’est pas que j’étais engagée, mais j’ai été éduquée à apporter de l’aide à qui en a besoin, à prendre mon repas et à le remettre à celui qui n’en a pas, prendre mon habit de fête et donner à celui qui n’en a pas. Je pense que cela a commencé comme ça et avec l’arrivée des réseaux sociaux, je me suis demandé comment être utile au lieu de l’utiliser uniquement pour montrer le joli visage. Il se trouvait qu’il y avait des gens qui avaient besoin d’aide et je me suis dit que je vais publier sur ma page peut être que quelqu’un va m’aider. Une personne m’a dit une fois je vois que tu aides les gens, tu fais souvent des publications sur les problèmes de société, est ce que tu peux partager le mien ? J’ai donc partagé le problème des couveuses et ça été largement relayé. On s’est rendu compte qu’au Burkina il n’y avait pas assez de couveuses, surtout pour les prématurés. J’ai été très choquée donc j’ai beaucoup parlé de cela sur les réseaux sociaux. J’ai été accompagné immédiatement par un ami, Alain Traoré.

Ensuite il y a eu Monica Rinaldi ainsi que Corine Kantiono qui se sont jointes également et nous nous sommes battus pour sauver des jumelles mais nous n’avons pas pu car c’était déjà trop tard. Mais nous nous sommes battus pour avoir quelques couveuses que nous avons fait venir au Burkina. Au-delà de cela, il y avait des gens qui m’approchaient pour m’expliquer leurs problèmes de maladie, de travail, de famille et quand je peux, j’aide. Souvent, on m’envoie un cas mais je ne réagis pas parce que c’est une question d’instinct et cet instinct ne me trahit pas. Il y a beaucoup de message que je reçois et je ne réponds pas car je ne sens pas la chose. Les réseaux sociaux aussi c’est ça. Il y a beaucoup d’arnaques et il y a tellement de personnes qui pensent que c’est vraiment facile de passer par les réseaux sociaux pour se faire de l’argent et malheureusement ces derniers gâtent pour les autres donc je fais très attention en triant.

On voit de nombreuses personnes qui reçoivent diverses aides grâce à vos actions. Comment arrivent-ils à vous contacter ?

Les gens me contactent beaucoup par appels comme par messages. C’est vraiment un problème même pour mes proches parce que les gens vont chez ma mère, ils vont voir mes collègues, mes amis. Même quand je rigole avec quelqu’un sous son poste, les gens vont lui écrire. Les gens tapent à toutes les portes et je les comprends aussi. Ils n’ont pas souvent d’autre alternative. Quand par exemple vous avez un parent qui est malade et qui est en train d’agoniser et que vous n’avez pas d’argent pour payer ne serait-ce que des calmants, vous tapez à toutes les portes. Donc les gens passent par tous les moyens pour me contacter que ce soit parce qu’ils ont un malade, que ce soit parce qu’ils veulent des vivres, payer la scolarité de leurs enfants ou ils veulent un fonds de commerce.

J’ai tous les problèmes possibles. Il y a des moments où je suis obligée d’éteindre mon téléphone parce que moi aussi je suis une mère de famille, je dois m’occuper de mon bébé qui est là et je dois m’occuper de mon foyer. Donc il y a des moments où il faut forcement que j’éteigne mon téléphone ou que je fasse comme si je ne vois pas le message parce que mon problème c’est que quand je prends un cas, je le suis jusqu’au bout. Souvent même je vais constater, je vais à l’hôpital et je suis très sensible émotionnellement ce qui fait qu’après je n’ai pas forcement du temps et en plus de cela j’ai le moral cassé à chaque fois. Donc c’est ce qui fait qu’il y a des moments où il faut que je fasse une pause parce que si je ne le fait pas, ce n’est pas bon pour ma santé personnelle.

Vu les impacts de ces actions citoyennes, qu’est-ce qui vous motive donc à continuer cet engagement social au quotidien ?

Ces les bénédictions des gens qui m’encouragent. Hier par exemple, il y a une qui m’a appelé pour dire qu’elle souhaitait m’offrir une robe de sa boutique. J’étais contente. Et puis quand tu aides une personne et après tu vois que la personne vit mieux, cela fait plaisir. Par exemple, j’avais posté le cri de cœur d’une fille qui voulait quelque chose pour son commerce et il y a une dame qui lui a donné un million de francs CFA . Son bonheur fait donc mon bonheur. Moi je n’en tire aucun avantage pécuniaire. Je ne gagne pas plus que le fait que d’être heureuse après avoir aidé quelqu’un. Aussi à la Noel, il y a des gens que j’ai aidé qui m’ont envoyé du poisson, du poulet, c’est gentil et cela encourage. Quand on est reconnaissant avec moi, il n’y a pas plus que cela. Quand quelqu’un me rappelle pour dire ah tantie ce que tu avais publié s’est bien passé j’ai eu du travail merci beaucoup. Et quelques mois ou une année après, ils reviennent dire bonjour ça va bien, je ne t’ai pas oublié, mon travail se passe bien, je suis contente. Je ne demande pas plus que ça.

On imagine que des anecdotes, heureuses comme difficiles, il n’en manque pas !

Oui il y en a. Par exemple la perte des jumelles dans le cas de la recherche de couveuses a été très très douloureuse. Il y a aussi un jeune homme de 24 ans que j’avais aidé. Il avait totalement été abandonné par ses parents. Il était agonisant. Il fallait même lui trouver des médicaments pour l’aider à mourir dignement. Moi je l’ai aidé à se faire soigner jusqu’à la fin. Même avant de mourir, il a dit qu’il ne voulait pas la natte d’un de ses parents. C’est moi qui lui ai apporté sa natte. Un matin, son frère m’a appelé pour annoncer qu’il a rendu l’âme. Donc je suis allée avec la natte et le linceul. J’ai aussi mobilisé tout le quartier pour pouvoir l’enterrer dignement parce qu’il avait trop souffert tout jeune.

Donc quand tu vis des situations comme cela, pour quelqu’un qui n’est même pas de ta famille, c’est vraiment dur. Je n’aime pas publier les cas de maladies, parce que je ne veux pas m’impliquer encore dans la maladie de quelqu’un. J’ai eu très très mal et cela joue beaucoup sur moi donc quand les gens envoient les cas de maladies, j’hésite beaucoup à publier. Et souvent, quand ils viennent pour que tu publies, c’est à des stades terminaux de cancers, de tumeurs. Et aussi quand tu balances, tu es obligé d’aller à l’hôpital pour voir les médecins, tu es obligé d’appeler tout le temps. Si la personne doit être opérée demain, tu ne fermes pas l’œil de la nuit. Je m’en m’inquiète beaucoup alors que j’ai aussi mon travail et tout cela ce n’est pas du tout facile.

Des regrets parfois ?

Je ne regrette jamais d’avoir aidé. Mais parfois, je regarde peut-être la manière dont certaines personnes se comportent mal. Souvent tu peux faire une collecte, tu vas donner à la famille et ensuite tu regrettes de voir que la famille se déchire pour l’argent que tu as remis. Ça c’est un regret. Ou bien tu fais de la collecte pour un cas et il y en qui vont prendre l’argent et le dépenser pour autre chose au lieu de s’occuper du malade. C’est comme si tu allais récupérer le malade toi-même et puis le soigner. Il y a ces cas vraiment qui n’ont pas été très intéressants et pour lesquels j’ai regretté de n’avoir pas remis directement l’argent au malade ou de n’avoir pas trouvé quelqu’un pour s’occuper directement du malade. Sinon hormis cela, moi je ne regrette jamais d’aider quelqu’un.

Même quand la personne n’est pas reconnaissante, pour moi en tout cas, j’ai fait ce que j’avais à faire. J’ai une fois fais une collecte pour un vieux et il y a un de ses frères, m’a appelé pour me menacer. Il m’a demandé pourquoi j’ai mis la photo du vieux alors que j’avais demandé la permission au vieux ainsi qu’ à un autre de ses frères. Ils étaient d’accord pour que je publie la photo. L’un des frères m’a donc dit de garder l’argent mais j’ai refusé car j’ai lancé la contribution pour soigner le vieux. Mais après ils sont revenus me demander pardon parce que le malade a été sauvé.

Comment l’aide que vous apportez impacte-t-elle votre vie au quotidien ?

L’aide impacte totalement parce que même quand je vais m’assoir quelque part pour manger, il y a quelqu’un qui peut venir me parler de ses problèmes. Cela fait qu’à chaque instant on me parle de problèmes. Dans mon téléphone, c’est toujours des problèmes. Autour de moi, c’est encore et toujours des problèmes. J’ai des problèmes partout et tous les jours. Tu te réveilles le matin, tu ouvres ton téléphone et tu tombes sur des photos de tumeurs, de cancers. Quand tu commences ta journée avec cela, ce n’est pas facile. Donc les aides que j’apporte aux gens impactent beaucoup ma vie au quotidien.

Elles impactent un peu moins mon travail parce que quand je suis au travail, je suis au travail. J’ai des objectifs à atteindre et je me bats pour les atteindre parce qu’il y a des gens qui sont au-dessus de moi et qui attendent mes résultats. Et cette vie de solidarité ne doit pas impacter. Mais quoi qu’on dise, il y a toujours un petit impact quelque part mais il n’est pas négatif forcement. Quand j’ai fait la collecte de vivres pour les personnes déplacées internes de Djibo, jetais enceinte et j’étais en congé de maternité. Autrement, je n’aurais pas pu le faire parce que c’est une activité qui est très difficile.

Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans votre engagement social et comment les surmontez-vous ?

Les défis, c’est d’allier les programmes. Déjà, c’est de pouvoir m’organiser pour pouvoir travailler, m’occuper de mon foyer, de ma famille et m’occuper de moi-même parce que si je ne m’organise pas, tout mon temps sera dans les œuvres sociales. Je vais passer mon temps à m’occuper des autres et ensuite je ne pourrai pas m’occuper de moi-même. Pouvoir s’organiser correctement, c’est un défi quotidien. L’autre défi, c’est de trouver les moyens pour aider toutes ces personnes parce que je fais des collectes de moins en moins. Souvent je contacte des amis et je leur demande s’ils sont capables de prendre en charge directement. Mais au fur et à mesure, tu épuises aussi ces personnes. Et ce n’est pas toujours évident de toujours trouver une solution pour tout le monde.

Il y a ceux qui veulent qu’on paie leur scolarité, leur loyer et donc il y a des moments tu finis par dire les loyers et les scolarités ne sont pas une priorité parce qu’il y a des gens qui agonisent. Il y a par exemple quelqu’un qui est venu me voir parce que sa voiture est en panne. Pour moi, ce n’est pas un problème parce que il y a des gens qui ont plus de problèmes que sa voiture en panne mais pour lui, c’est un problème. Il y a une autre personne qui est venue pleurer parce que les murs de son W.C sont tombés. Quelqu’un va rire mais pour elle c’est un vrai problème. Mais pour moi, par rapport aux problèmes que je gère, ce n’était pas un problème parce que eux au moins ils ont la santé. Quand je prends mon téléphone, il y a beaucoup de messages et il faut trouver une solution pour tout le monde et moi je ne peux pas. Ce n’est pas l’action sociale et je n’ai des pas de fonds, ni de financements donc voilà un autre défi également.

Comment conciliez-vous vos responsabilités sociales avec votre vie socio-professionnelle ?

C’est un défi de tous les jours. Il faut s’organiser. Il y a des moments où il faut lâcher le monde pour ne s’occuper que de soi-même et de sa famille. Je suis rentrée accoucher et à ma sortie, quelqu’un m’appelait avec insistance sur mon téléphone. Je décroche et il me dit qu’il a un problème et donc il a besoin de moi. Je lui dis que je viens juste d’accoucher, il y a cinq minutes. Vous voulez que je fasse comment ? Mais je les comprends parce qu’ils n’ont pas de solutions.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent s’impliquer socialement, tout en équilibrant les exigences de la vie quotidienne ?

Faut pas commencer si tu te fatigues vite ! Faut même pas commencer si tu es quelqu’un qui n’est pas organisé. Faut pas commencer si tu es quelqu’un qui n’a pas le cœur sur la main car il faut être très généreux dans la vie pour faire cela. Il faut accepter de se sacrifier. Quand les autres vont payer leur nouvelle voiture, toi tu seras dans ta vieille voiture ou sur ta moto. Même quand tu veux faire quelque chose, il faut penser aux autres car les problèmes ne finissent jamais. Si tu te dis que le paiement moral seul te suffit, tu es sauvé. Mais si tu attends quelque chose en retour, tu vas toujours être découragé. Mais j’aimerai bien que beaucoup de gens se lancent dans la solidarité pour aider. Il y a des gens qui ont de l’argent qui veulent aider mais qui ont peur de se faire voir. N’ayez pas peur. Même dans l’anonymat, vous pouvez faire beaucoup de choses pour beaucoup de gens. Il y a un fonds d’aide d’urgence mais qui n’est pas assez. L’Etat fait ce qu’il peut mais malheureusement l’Etat ne peut pas faire tout donc il faut que des gens comme nous soient soutenus, si nous sommes soutenus et suivis, cela peut être bien.

Le président Ibrahim Traoré vous a reçus, Alino Faso et vous, après une collecte de dons pour Djibo. Quelle a été son appréciation et quel message vous a-t-il laissé ?

Il nous a d’abord félicité parce que pour lui l’engagement citoyen que nous avions fait est une bonne chose car lui aussi avait lancé un appel à la mobilisation et à la solidarité. Dans un contexte difficile et vu la mobilisation que nous avons eu et ce que nous avons pu récolter, il était vraiment très heureux. Il nous a même accompagné dans la distribution des vivres qui a été faite par l’armée. C’est l’occasion pour moi de remercier officiellement le président du Faso pour ses encouragements.

Un dernier mot…

Je vous remercie d’être venu vous entretenir avec moi car c’est l’occasion pour moi de revenir sur ce que je fais et de dire aux gens que nous avons besoin d’aide. Mon principal message est qu’autour de nous, que chacun fasse quelque chose pour quelqu’un. Il suffit juste de regarder autour. La solidarité, ce n’est pas forcement sur les réseaux sociaux, elle se trouve juste à côté de nous. Que ceux qui peuvent aider aident parce qu’actuellement avec la situation du pays, il y a beaucoup de cas sociaux. S’il y a des gens qui veulent nous accompagner aussi, nous sommes là. Si vous ne trouvez personne à aider autour de vous, faites-moi signe moi, je reçois des cas tous les jours donc je vais vous montrer certains. Dans l’intégrité du Burkinabè, figure la solidarité, donc nous ne devrions pas perdre cette valeur.

Hanifa Koussoubé
Lefaso.net

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