LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Soulèvement populaire du 3 janvier 1966 en Haute-Volta : Un regard sur l’histoire et l’avenir du mouvement syndical au Burkina Faso

Publié le mercredi 3 janvier 2024 à 22h31min

PARTAGER :                          
Soulèvement populaire du 3 janvier 1966 en Haute-Volta : Un regard sur l’histoire et l’avenir du mouvement syndical au Burkina Faso

Pour commémorer le soulèvement populaire du 3 janvier 1966, il est organisé ce mercredi 3 janvier 2024, à Ouagadougou, un panel explorant le rôle crucial du mouvement syndical dans l’ancrage de la démocratie au Burkina Faso. Le thème central du présent panel, « Contribution du mouvement syndical à l’ancrage de la démocratie au Burkina Faso », invite à une réflexion approfondie sur le cheminement historique du pays et les défis contemporains. En tant que principaux orateurs du jour, Dominique Yaméogo et Norbert Ouangré ont apporté leurs perspectives éclairées, sous la modération de Marcel Zanté.

« Le mouvement syndical a toujours été débout dans la question de la défense des libertés démocratiques et syndicales », signale d’emblée Dominique Yaméogo, qui est le premier à introduire le panel initié par les centrales syndicales et syndicats autonomes membres de l’Unité d’action syndicale (UAS). Dominique Yaméogo est un fin connaisseur de la vie syndicale au pays des hommes intègres, pour avoir été plusieurs fois responsable au niveau de la Confédération générale du travail du Burkina Faso (CGT-B), et secrétaire général de l’Union régionale du Centre de la CGT-B.

Dominique Yaméogo a pris la parole pour présenter le premier sous-thème du panel, intitulé « Les luttes syndicales pour l’ancrage de la démocratie : exemples et acquis ». Ce volet explorera les moments décisifs où le mouvement syndical a été à l’avant-garde des batailles pour les droits et la démocratie, soulignant les réalisations significatives.

L’histoire de la vie syndicale

Ainsi, dès l’entame de sa communication, Dominique Yaméogo revient sur les premières actions qui ont marqué la vie syndicale au Burkina Faso, jadis appelé Haute-Volta. « Six ans après les indépendances formelles, le mouvement syndical et l’ensemble de nos peuples ont réagi contre le développement de l’arbitraire dans le pays. À l’époque, le pouvoir de la première république avait créé un parti unique et voulait que toutes les organisations s’inscrivent dans ce cadre. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, était les mesures répressives au plan économique à travers la loi de finances de 1966 », rappelle-t-il.

« C’est dire que depuis les années 60, le mouvement syndical a contribué réellement à l’ancrage de la démocratie au Burkina Faso », Dominique Yaméogo, ancien responsable de la CGT-B

Monsieur Yaméogo poursuit dans son récit des faits marquants de l’histoire syndicale, avec ceux des luttes des 17 et 18 décembre 1975. Il affirme à ce niveau que la réaction des travailleurs et le mouvement syndical en cette période, a contraint le général Sangoulé Lamizana à renoncer à sa volonté de créer un parti unique à l’instar de ses pairs notamment de la Côte d’Ivoire.

« On disait que Ouagadougou était devenu une ville morte et cela a contraint le général Lamizana à renoncer à la création de son parti unique, le Mouvement national pour le renouveau. Au préalable, en faisant son coup d’État le 8 février 1974, le général Lamizana avait en effet, annoncé les couleurs ».

Monsieur Yaméogo aborde également l’avènement du Conseil de salut du peuple (CSP1) qui a fait tomber le régime du colonel Saye Zerbo, avant de confier qu’un coup d’État est également survenu peu de temps après, du fait des contradictions nées entre les acteurs de ce mouvement. « En mai 83 déjà, ils ont opéré un autre coup d’État en leur sein. Recherché, Henri Zongo s’était retranché au Camp Guillaume Ouédraogo. Thomas Sankara était arrêté, tandis que Blaise Compaoré s’était réfugié à Pô pour se préparer. Et c’est ainsi qu’a eu lieu le coup d’État du 4 août 1983 […] », relate le paneliste.

L’ancien responsable de la CGT-B explique qu’en lieu et place de la révolution, il a été créé des structures comme les Comités de défense de la révolution (CDR) qui se sont mis à réprimer le peuple jusqu’au sein des foyers. « Ils ont même amené des enfants à dénoncer leurs parents qui avaient des attitudes de “réactionnaires’’. Et quand ces derniers ont été licenciés, les mêmes parents n’avaient plus de quoi scolariser leurs enfants au cours de l’année qui a suivi leur licenciement. Pendant que le CNR n’a rien fait pour la scolarité de ces enfants ».

Les participants au panel du mouvement syndical à l’occasion de la commémoration du soulèvement populaire du 3 Janvier 1966 édition 2024

« Les régimes constitutionnels offrent plus de liberté »

« À cette époque-là, même pour organiser un simple bal de réjouissance, il fallait l’autorisation des CDR. À tous ces tournants-là, le mouvement syndical a pris position face aux différents régimes », renchérit monsieur Yaméogo.

Il dit constater qu’il y a plus de libertés sous les régimes constitutionnels que sous ceux d’exception. « Il y a eu onze régimes d’exception depuis janvier 1966 », souligne monsieur Yaméogo, relevant que le mouvement syndical a travaillé à l’élaboration de la constitution. D’où il dit avoir noté qu’il est idéal de travailler à l’instauration d’un État démocratique que celui d’exception. « Sous le CNR, l’on affirmait : “Si tu fais, on te fait et puis Il n’y a rien’’, ou bien que “Les gens qui s’opposent au CNR vont être fusillés au poteau n°5 de la place de la Révolution’’ ».

Aujourd’hui, déclare monsieur Yaméogo, tout le monde constate que c’est le même mouvement syndical qui se bat pour préserver le minimum de libertés acquises pour l’épanouissement des populations, pendant que les autres se taisent. « Mes camarades, soyez en sûrs que ceux qui se taisent aujourd’hui, sont encore ceux qui diront demain que le mouvement syndical n’a rien fait », a-t-il regretté.

Malgré ses limites, il est nécessaire pour le mouvement syndical, relève M. Yaméogo, de poursuivre vaille que vaille sa mission d’analyse de la vie politique et de l’évolution du pays.

« Le mouvement syndical a mobilisé près de 150 millions de francs CFA en guise de solidarité aux PDI de Kaya et Kongoussi, matérialisé sous forme de dons de vivres de construction de forages », Norbert Ouangré, panéliste

Le second sous-thème intitulé « Les défis actuels des luttes syndicales dans un contexte de lutte contre les groupes armés terroristes », sera abordé par Norbert Ouangré. Il est le président de la commission presse de l’Unité d’action syndicale, et a aussi été le secrétaire général adjoint de la CGT-B.

Rappel des contributions de l’UAS pour une sortie de crise

Norbert Ouangré, lui, est revenu lors de son exposé, sur les différentes interventions de l’UAS en lien avec la crise sécuritaire. Ses déclarations se situent entre 2016 et 2022, dans lesquelles le mouvement syndical interpellait sans cesse les autorités sur leurs responsabilités de sécuriser les populations. Monsieur Ouangré dépeint ainsi, la situation nationale en citant un extrait de la déclaration commémorative du 3 janvier 1966, livrée en 2022 par l’UAS.

« L’année 2022 a été marquée par la recrudescence des coups d’État. En huit mois, le pays a vécu deux coup d’État en janvier puis en septembre, et depuis le dernier coup d’État d’Ibrahim Traoré, ce sont deux coup d’État qui auraient été déjoués. Et nous vivons depuis dans une psychose de coup d’État avec l’arrestation d’officiers et de soldats. Dans ce contexte, nous assistons à la restriction des libertés démocratiques, de la liberté de presse et de la liberté syndicale, des droits à l’information, mais aussi aux menaces de mort proférés sur les réseaux sociaux contre des citoyens qui critiquent les autorités de la transition », rappelait M. Ouangré.

M. Ouangré enchaîne en citant des extraits de la déclaration de l’UAS dénonçant certaines pratiques au Burkina Faso. « Dénonçant la poursuite des pratiques de corruption, encouragées par la politique de l’impunité des crimes économiques et de la mal gouvernance, l’UAS a évoqué les révélations de cas de distribution de l’argent public à des activistes et autres artistes et personnalités, la gestion opaque des ressources importantes mises à la disposition de l’armée, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme », a-t-il fait savoir.

Le mouvement syndical a baptisé trois salles dont celle du 3 janvier 1966

Puis d’ajouter, que c’est justement à cause de la mauvaise gestion des ressources par l’armée que l’UAS a clairement indiqué qu’elle n’était pas favorable au prélèvement de 1% sur les salaires des travailleurs, annoncé par les autorités. Parce qu’elle estimait, renchérit-il, qu’il existe de nombreuses niches susceptibles de procurer d’importantes ressources à l’État.

Les revendications du mouvement syndical

Au nombre des revendications de l’UAS, M. Ouangré a mis en relief celles liées à la crise sécuritaire. « Après avoir réaffirmé son opposition de principe au coup d’État, l’UAS a formulé à l’endroit du nouveau pouvoir, des revendications portant notamment sur le rétablissement de la constitution, la levée de la suspension des activités des partis politiques et des OSC, la levée du blocus imposé à certaines localités. À cela s’ajoutent le ravitaillement des localités comme Djibo, la publication du rapport sur Inata, la lumière sur l’attaque de Gaskindé, la dénonciation des accords de coopération militaire et économique qui lient le Burkina Faso à la France », énumère-t-il.

M. Ouangré porte également à la connaissance de l’assistance, les revendications faites par l’UAS après une série de sortie dans les régions en août 2022. « La plateforme revendicative mentionne d’impliquer les populations dans la lutte contre le terrorisme, par leur dotation en moyens de défense conséquents et leur formation. Elle invite également à assurer la prise en charge des ayant-droits des FDS et des VDP victimes du terrorisme, à améliorer la prime servie aux FDS et VDP, assurer son paiement diligent et mettre en œuvre les différentes mesures prises en leur faveur ».

Les dix héros du 3 janvier 1966

Le gouvernement interpellé sur ses promesses

Avant de conclure, M. Ouangré aborde les promesses faites par le gouvernement de transition et sur lesquelles le mouvement syndical attend de voir leur accomplissement. « Le gouvernement de transition a promis de faire la lumière sur l’affaire de la guérisseuse de Komsilga, les rapports d’enquête sur les drames d’Inata, de Karma et de Zaongo, les deux coups d’État dont a été accusé le colonel Emmanuel Zoungrana, l’audit de la gestion de l’armée, la transparence de la gouvernance […] », a-t-il laissé entendre.

Bien avant le début du panel, trois salles de la Bourse du travail de Ouagadougou ont été baptisées. Ces salles portent désormais les noms suivants : “Salle du 3 janvier 1966”, “ Salle du 16 septembre 2015” et “Salle des 17 et 18 décembre 1975”. Cette action vise à immortaliser les grands événements marquants du Burkina Faso, auxquels le mouvement syndical a contribué.

Hamed Nanéma
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 4 janvier à 07:20, par HA En réponse à : Soulèvement populaire du 3 janvier 1966 en Haute-Volta : Un regard sur l’histoire et l’avenir du mouvement syndical au Burkina Faso

    Malgré le contexte marqué par une attaque en règle contre les valeurs démocratiques et la démocratie, les syndicalistes ne définissent même pas ce que c’est que la démocratie et quel type de démocratie ils se réclament et défendent. Ce que nous constatons en 2024 c’est que les projets de coups d’état sont toujours en vogue. Le Burkina Faso est rentré dans une période d’instabilité qui menace son existence alors que la démocratie est censée stabiliser le Burkina Faso. Est-ce que la démocratie est vraiment ancrée au Burkina Faso ? M. Dominique après avoir défini les instances syndicales dans leurs diversités et leurs histoires a donné les inputs et les opérateurs de ces instances pour un état de droit ou démocratique. Mais j’ai comme l’impression qu’il circonscrit cette évolution aux seuls syndicats, aux militaires et aux politiques. Les syndicats sont-ils les seules organisations de la société civile ou les seules instances a avoir fait cette contribution là ?

    Répondre à ce message

  • Le 4 janvier à 11:49, par caca En réponse à : Soulèvement populaire du 3 janvier 1966 en Haute-Volta : Un regard sur l’histoire et l’avenir du mouvement syndical au Burkina Faso

    Bonne année chers syndicats !
    caca fait partie de ceux qui pensent que c’est grâce à vous syndicalistes que la malédiction arriva dans ce pays depuis 1966. Je ne vois pas en quoi vous avez contribuer l’enracinement de la démocratie. Le militaire voltaïque et burkinabé a gouté le pouvoir d’état avec votre rébellion.
    C’est vous les responsables du chaos démocratique et de rébellion. On doit même supprimer ce jour ferié et vous faire travailler gratuitement pour l’effort de guerre.

    Répondre à ce message

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique