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Disparition du Pr Jacques Chevrier : Le Pr Alain Joseph Sissao rend hommage à un « ouvreur de chemins, un guide, un passeur, un père »

Publié le mercredi 6 septembre 2023 à 22h00min

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Disparition du Pr Jacques Chevrier : Le Pr Alain Joseph Sissao rend hommage à un « ouvreur de chemins, un guide, un passeur, un père »

A travers les lignes qui suivent, le Pr Alain Joseph Sissao, étudiant du Pr Jacques Chevrier entre 1991 et 1995, rend hommage à son mentor décédé le 29 août 2023. Selon lui, Pr Jacques Chevrier, auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux littératures africaines, a combattu le bon combat et a donné à l’Afrique, à la France, au monde son amour de la littérature africaine et des hommes.

Message de condoléances du Pr Alain Joseph SISSAO
Etudiant du Pr Jacques CHEVRIER (1991-1995)
Directeur de recherche/Pr titulaire du CAMES
Institut des Sciences des Sociétés (INSS)
Centre Nationale de la Recherche Scientifique et Technologique
Membre de l’Ecole doctorale LESCHO du Laboratoire Littératures, Arts, Espaces et Sociétés (LLAES) Université Joseph KI ZERBO

La terrible nouvelle est tombée le mardi 29 Août 2023, un baobab est tombé. Mon Professeur n’est plus, il est parti. En ces moments douloureux, Je voudrais juste rappeler les liens académiques et humains que j’ai eus avec le Professeur CHEVRIER. Celui que nous pleurons tous aujourd’hui fut pour moi, un maitre, un ouvreur de chemins, un guide, un passeur, un père.

Le devoir de la parole m’interpelle et si je ne parle pas en ces ultimes moments de ces adieux qui nous laissent désormais orphelins, je dirai que notre mission resterait inachevée ici-bas. Voilà pourquoi, je me plierai volontiers à cet exercice scientifique et humain pour relater la dimension scientifique et humaine de l’Homme.

La dimension scientifique de l’homme

Comme sur le chemin de Damas, il faut dire que ma rencontre avec le Pr CHEVRIER remonte en 1991 à Paris alors que je venais de finir un DEA à l’INALCO et je cherchais ma voie pour trouver un Directeur de thèse qui pourrait mieux me permettre d’élucider et déployer toutes les facettes de mon sujet qui d’emblée me permettrait de me réaliser scientifiquement.

Cette rencontre très intéressante et courtoise par un après-midi d’été à Paris XII dans son bureau a été le point de départ, du coup de pouce du destin qui m’a permis de pouvoir découvrir mieux la dimension scientifique du passionné des littératures africaines. Il accepta mon sujet original qui était formulé de la façon lapidaire suivante « Les éléments d’oralité moaaga dans la littérature burkinabè et qui évolua ensuite vers une formulation stabilisée. Ce sujet apparaissait pour moi comme un défi d’aller plus loin dans l’exploration de la littérature de mon propre pays. Je dois confesser que cette rencontre physique s’ajoute à la notoriété littéraire du critique littéraire qui avait nourri mes cours de littérature africaine à l’université de Ouagadougou où les nombreux travaux du Professeur Chevrier étaient cités par mes enseignants, étudiés notamment le livre de chevet Littérature nègre qui a été consacré par l’Académie Française en 1975.

Comme tous les étudiants, de cette promotion 1991, j’ai suivi les séminaires doctoraux sous l’impulsion de notre maitre, j’ai pu être guidé sur les ouvrages, articles, thèses à lire afin de parvenir à mieux cerner et explorer mon sujet. Je peux dire que l’expérience du Professeur Chevrier se passe de commentaires car en vous écoutant, en vous encadrant, il trouve toujours la voie qui peut vous conduire vers le succès.

Nous étions trois étudiants à nous inscrire à cette promotion et nous avions tous soutenu nos thèses dans les délais notamment en 1995. J’ai ouvert cette séance en soutenant précisément le 15 juin 1995, mes deux autres collègues : Feu Jean Malonga et Bernard EKOME Essouma ont soutenu après.

Afin de valoriser ma thèse, le professeur Chevrier a tenu à associer à mon jury, un spécialiste de la littérature burkinabè, le Pr Salaka SANOU qui s’est déplacé de Ouagadougou pour siéger au jury. Le Président du jury était un grand connaisseur de la culture moaaga et de son histoire notamment le Professeur IZARD Michel, et comme rapporteur Pr Georges NGAL, grand spécialiste des littératures africaines à travers ses deux romans phares Giambatista Viko ou le viol du discours africain et l’Errance.

Le professeur CHEVRIER m’a donné l’occasion de faire ma première présentation scientifique à l’occasion du colloque de l’Association pour l’étude des Littératures africaine APELA qui s’est tenu à Paris XII Créteil en 1992. J’ai présenté une communication sur l’écrivain « Sawadogo Etienne et la Littérature orale ». Au cours de ce colloque, j’ai eu l’immense chance de faire la connaissance des grands professeurs et sommités de la littérature africaine Lylian Kestellot, Bernard Mouralis, Mineke Shipper etc.

Le Professeur CHEVRIER a ainsi formé des générations d’universitaires africains dont je suis le produit. Il a ainsi aimé les littératures africaines, il les a valorisées et les a placées dans le concert des littératures mondiales.

Les nombreuses publications et prix littéraires qu’il a initiés, notamment le Grand prix littéraire d’Afrique Noire, le Prix Kourouma, le Prix William Sassine rentrent dans le cadre de la promotion de la littérature africaine.

Il a été Président de l’ADELF dont je suis membre qui a permis de faire rayonner la littérature africaine. L’ADELF créée en 1926 est une association sans but lucratif, reconnue d’utilité publique par décret du 19 juillet 1952. Elle a pour objet d’agir pour la défense de la langue française, des littératures de langue française et de la Francophonie, en récompensant les auteurs qui écrivent en français à travers le monde.

J’ai rejoint le jury de l’ADELF à partir de 2017 où j’ai évalué les ouvrages et œuvres jusqu’en 2020 pour le concours littéraire qui lui était dédié.

Les activités du Professeur CHEVRIER l’ont amené sur tous les terrains du continent africain surtout en Afrique de l’Ouest. Il a ainsi mené des missions au Mali, en Côte d’Ivoire, au Togo, en Guinée, au Burkina Faso.

Particulièrement au Burkina Faso, le Professeur CHEVRIER a soutenu les initiatives des enseignants et chercheurs en littérature africaine du département des Lettres Modernes notamment en participant au colloque sur la littérature africaine paru en 2000 aux Annales de l’Université de Ouagadougou et le colloque du RELIS sur les littératures du Sahel.

Il a aussi facilité le colloque sur les Biennales de la langue française en 1999 à Ouagadougou avec une table ronde sur « La littérature burkinabè : présence de l’oralité, place dans l’enseignement » qui m’a permis de présenter une communication sur « Les liens génétiques entre tradition orale et roman burkinabè ».

Le Professeur CHEVRIER, l’éditeur, le promoteur de la littérature africaine et des littératures nationales africaines

Le Professeur chevrier a œuvré à la connaissance, valorisation de la littérature africaine en général et des littératures nationales africaines en particulier en s’investissant personnellement dans la promotion de cette littérature en suscitant la création de plusieurs collections dans les maisons d’éditions qui ont jalonné sa carrière. Il a ainsi suscité la création de collections qu’il a dirigé notamment la collection Monde Noir Poche, les éditions Moreux, Archipels Littéraires, etc. qui ont permis à plusieurs écrivains africains d’être révélés au grand public. Ses relations avec les écrivains africains étaient très humaines et chaleureuses qu’il s’agisse de Seydou Badian, Cheikh Hamidou Kane, Mongo Beti, Sony Labou Tansi, Jean Marie Adiaffi avec lesquels il entretenait une amitié jusqu’à des moments difficiles comme la maladie de certains auteurs.

La dimension Humaine du Professeur CHEVRIER

Le Professeur CHEVRIER était un bêcheur, un ouvreur de chemins mais aussi un homme tout court. La dimension humaine de l’homme s’est manifestée à mon égard lorsqu’à des périodes à Paris je fus confronté à des épreuves difficiles, il m’a assisté, encouragé et soutenu pour me redonner l’énergie et la force de parachever ma thèse.

Il a aussi gardé cette dimension humaine lorsqu’il venait au Burkina Faso avec ma familles mes parents qu’ils a connus, ma mère et mon père qui m’ont quittés en 2008 et 2010
.
Il a connu aussi mes frères et mon épouse.

J’ai sollicité l’expertise du Pr CHEVRIER pour la préface de mon premier ouvrage de chercheur enseignant en 2002 Alliances et parentés à plaisanterie au Burkina Faso, mécanismes de fonctionnement et avenir, Sankofa & Gurli, 2002, 186p. Il a assuré une préface saisissante si bien que l’ouvrage a connu une consécration internationale.

Grâce à ses conseils et son soutien scientifique, j’ai gravi tous les échelons des grades académiques du Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur pour devenir depuis 2012, Directeur de recherche c’est-à-dire Professeur titulaire du CAMES.

Il était caractérisé par cet humanisme que l’on ne rencontre pas à tous les milieux et carrefours et qui me font dire que le Professeur CHEVRIER a aimé l’Afrique, il a aimé, sa littérature et il a aimé ses hommes pour paraphraser l’ouvrage du Pr SANOU Salaka. Voilà pourquoi, je dirais comme Biraogo DIOP dans « Ecoute plus souvent les choses que les êtres » que le Professeur CHEVRIER n’est pas parti, il est parmi nous et il est dans l’eau qui dort,
Il est dans le vent qui vagit,
Il est dans l’air,

Il est dans la Littérature nègre,
Il est dans l’Arbre à Palabres,
Il est dans le Chercheur d’Afrique,
Il est dans sa terre natale Bretonne,
Il est au Burkina Faso,

Je voudrais en ces moments des adieux qui sonnent comme dans le chant du cygne, dire au Professeur CHEVRIER qu’il a combattu le bon combat et qu’il a donné à l’Afrique, à la France, au monde son amour de la littérature africaine et des hommes.

Je voudrais présenter mes condoléances à la Grande Famille CHEVRIER, ses braves filles qui ont veillé sur lui dans les moments fragiles de sa santé. Chacune a joué sa partition, Isabelle, Anne, Catherine, Françoise et tous les alliés, ses petits-enfants et son arrière-petite-fille. Qu’elles reçoivent l’expression de mes sincères condoléances. Qu’elles soient bénies.

Pr Alain Joseph SISSAO
Directeur de Recherche/ Professeur Titulaire du CAMES
Institut des Sciences des Sociétés (INSS)
Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST)
Membre du Laboratoire Littératures, Arts, Espaces et Sociétés (LLAES)
Université Joseph KI ZERBO

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