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Burkina /Assurances : « Le faible taux de pénétration peut s’expliquer par des facteurs bloquants qui peuvent être d’ordre culturel ou religieux », selon le président de l’APSAB

Publié le jeudi 6 juillet 2023 à 22h47min

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Burkina /Assurances : « Le faible taux de pénétration peut s’expliquer par des facteurs bloquants qui peuvent être d’ordre culturel ou religieux », selon le président de l’APSAB

Les sociétés d’assurance constituent un maillon essentiel dans le développement de l’économie du Burkina Faso. En 2022, les actions des entités ont permis de réaliser un chiffre d’affaires de 143,071 milliards de FCFA. Cependant, le taux de pénétration du marché de l’assurance reste faible (moins de 2%). Dans cette interview qu’il a accordée à Lefaso.net, le président de l’Association professionnelle des sociétés d’assurance du Burkina Faso (APSAB), Monhamed Compaoré, analyse les causes profondes de cette situation, revient sur la profession et dévoile les difficultés auxquelles les assureurs sont confrontés ainsi que leur activité phare pour mieux faire connaître le métier.

Lefaso.net : Du 13 au 15 juin 2023 s’est tenue la première édition des états généraux de l’assurance. Etes-vous satisfait de cette première édition ?

Monhamed Compaoré : Nous sommes très satisfaits de l’organisation de cette première édition. Nous saisissons l’opportunité des échanges pour réitérer nos remerciements et exprimer notre profonde reconnaissance à l’endroit des autorités de notre pays qui sont très attentives à notre secteur. Parce qu’elles ont la conviction que les sociétés d’assurances, les courtiers, les agences générales ainsi que tous les acteurs qui interviennent dans le secteur des assurances ont leur part à apporter dans la construction de notre pays.

Nous voulons aussi saluer la forte mobilisation des acteurs dans l’organisation et leur participation aux échanges. Les résolutions qui ont été adoptées sont d’une importance capitale pour un changement majeur dans un sens très productif. Il en est de même pour les recommandations. Nous supposons que c’est une première étape de franchie. D’autres étapes importantes vont suivre dont notamment le plan stratégique de développement du secteur des assurances.

Cela suppose que les recommandations et résolutions soient réorganisées en termes d’axes stratégiques. Pour chaque axe, les objectifs stratégiques seront fixés et en fonction de ses objectifs stratégiques, il y aura des plans d’action pour faciliter leur mise en œuvre. Le tout sera mis en œuvre et suivi par un comité de pilotage et de suivi. Les autres éditions à venir vont être l’opportunité d’évaluer la mise en œuvre.

De 2002 à 2022, quel est le nombre des sociétés d’assurances au Burkina Faso ? Citez en quelques exemples ?

Au Burkina Faso, nous avons 17 sociétés d’assurances et de réassurance dont huit sociétés d’assurances dommages qu’on appelle assurance IARD, sept sociétés d’assurances de personnes qu’on appelle assurance vie, une société de micro-assurance et une société de réassurance.

Au Burkina Faso, le taux de pénétration du marché de l’assurance était de 1,14% en 2021. Est-ce que ce faible taux n’est pas aussi dû au fait que les gens ne font pas confiance aux sociétés d’assurances ou ignorent le bien fondé d’être assuré ?

Nous devons reconnaître qu’il y a des facteurs bloquants qui peuvent être d’ordre culturel ou religieux. Parce que nous sommes en Afrique et beaucoup ont des croyances. En fonction de ces croyances, certains peuvent ne pas faire confiance aux assurances. Le deuxième facteur de blocage provient des acteurs du marché. Par le passé, nous avons souvent traîné avant de payer les sinistres. Heureusement, cela n’est plus une réalité.

De nos jours, la cadence de paiement des sinistres est bonne. Il reste à améliorer les délais de paiement avec certains bénéficiaires de nos contrats comme les pharmaciens, et les propriétaires de cliniques privées. Il est à rappeler qu’en ce qui concerne les victimes d’accident de circulation, il y a des délais qui sont fixés par le Code CIMA. En cas de non-respect de ces délais, il est prévu des pénalités à payer ainsi que des sanctions administratives. Même les dirigeants des sociétés d’assurance peuvent être sanctionnés. Ce qui fait que les sinistres se paient.

Au niveau de l’APSAB, nous travaillons avec l’aide de l’autorité de tutelle pour que les recours inter-compagnies soient une réalité au Burkina Faso. Nous avons déjà à ce sujet une plateforme de gestion. Nous avons signé entre les compagnies d’assurance IARD, une convention d’indemnisation rapide. Pour simplifier l’explication, lorsque vous avez un accident, il ne vous revient plus de poursuivre l’assureur responsable pour vous faire rembourser. Vous vous faites rembourser par votre assureur à charge pour votre assureur de poursuivre l’assureur responsable. Cela va contribuer à améliorer notre image. Nous avons aussi à multiplier les centres de traitement et de prise en charge des dommages matériels subis par les véhicules terrestres à moteur.

Quel est le temps mis pour la prise en charge en cas de sinistre ?

A cette question, il y a des précisions à porter. Souvent le délai de prise en charge ne dépend pas que de l’assureur. Il dépend des types d’accidents, de l’importance de l’accident et des circonstances de l’accident. Il y a des accidents qui ne font pas l’objet d’un constat d’accident par la police. En ce moment, s’il y a un constat à l’amiable, le processus de réparation peut aller plus vite que lorsqu’il y a un constat de police.

Le constat de police exige la confrontation des parties, la rédaction du procès-verbal de constat, et sa transmission à l’assureur. Cela peut prendre du temps et jouer sur le délai d’indemnisation. Il convient de préciser que dans tous les cas, la loi a limité le temps de transmission des constats à 3 mois. En pratique, les sinistres matériels n’attendent pas ce délai. En règle générale, lorsqu’un véhicule est assuré « tous risques », qu’on ait le constat d’accident de police ou pas on intervient tout de suite.

Dans quelle condition un assuré peut voir sa demande rejetée ?

Un assuré peut voir sa demande rejetée lorsque le sinistre ne relève pas d’un aléa. Parce que l’assurance est fondée sur le caractère aléatoire du risque à couvrir. Donc, si le sinistre est volontairement provoqué, il n’est pas couvert. Aussi, si la prime d’assurance n’est pas payée, il n’y a pas d’assurance. Au-delà de ces faits, il y a d’autres causes d’exclusions de garantie ou de déchéances encadrées par la loi et les contrats d’assurances. Par exemple, une personne qui conduit en état d’ivresse ou sans permis de conduire peut ne pas bénéficier de la couverture de sa société d’assurance.

Comment se fait le calcul des pénalités en cas de non-respect des délais fixés par le Code CIMA ?

Selon l’article 236 du code CIMA, le paiement des sommes convenues doit intervenir dans un délai d’un mois après l’expiration du délai de dénonciation fixé à l’article 235. Dans le cas contraire, les sommes non versées produisent de plein droit un intérêt de retard égal à 5 % du montant de l’indemnité par mois indépendamment de la réclamation de la victime.

Pour le cas du contrat d’assurance pension retraite, est-ce qu’une personne qui prend un engagement de dix ans et qui arrête au bout de cinq ans suite à des difficultés (perte d’emploi) peut être entièrement remboursée de ses cotisations ?

La personne peut être entièrement remboursée comme elle peut suspendre ses cotisations jusqu’à ce qu’elle ait un nouvel emploi pour reprendre ses cotisations. Lorsqu’elle demande le remboursement, c’est ce que nous nous appelons une demande de rachat. Le rachat peut être partiel ou total, et est encadré par les dispositions du Code Cima et du contrat lui-même. En fonction de sa demande, l’assureur y accordera la meilleure attention. La procédure est facile à mettre en application. Le préalable c’est de prouver que le contrat existe, de produire sa pièce d’identité pour montrer qu’on est la bonne personne et de faire une demande.

Vos services de contentieux sont régulièrement bondés de monde. Quels sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?

Il y a de l’amélioration pour le délai d’indemnisation des sociétés d’assurances. Les sérieux problèmes que nous avons concernant actuellement les sinistres transfrontaliers. C’est le cas par exemple d’un camion burkinabè qui fait un accident à Lomé. La réparation peut être longue et difficile. Mais, on travaille à toujours améliorer les choses au niveau des bureaux qui se chargent des cartes brune d’assurance CEDEAO. Les dommages corporels ne sont pas aussi simples à gérer si bien qu’il y a des réactions qui sont très souvent à critiquer.

Quand, il y a un dommage corporel, comme l’a fait remarquer un syndicat aux états généraux de l’assurance, on arrête les chauffeurs ; on les emprisonne, on exige le paiement d’une indemnisation au comptant par le propriétaire du camion. Ce sont ces types de difficultés que nous devons surmonter. Nous y travaillons avec le système de la carte brune CEDEAO.

Selon certains ouagalais, les sociétés d’assurance ne font pas de réalisations en termes de biens immobiliers et se demandent même où vont les fonds collectés. Qu’est-ce que vous avez à dire pour votre défense ?

C’est peut-être le manque d’informations. Il nous faudrait beaucoup communiquer pour que les bénéficiaires des contrats sachent quelles sont les réalisations que nous effectuons. Si vous prenez l’immeuble qui abrite le système des nations unies à Ouagadougou, c’est un immeuble qui appartient à une société d’assurance. Les sièges des sociétés d’assurance, sont très souvent leur propriété. Il y a beaucoup de sociétés d’assurance qui ont construit à Bobo-Dioulasso. Il y a également des compagnies d’assurance qui ont des cités y compris en plein centre-ville de Ouagadougou. En terme d’actifs immobiliers, il y a beaucoup de réalisations.

Au-delà des actifs immobiliers, on peut dire que le financement de l’économie du Burkina Faso dépend en partie de l’épargne collectée par les sociétés d’assurances. Parce que quand les assureurs collectent les fonds, ces fonds sont placés dans les banques sous forme de dépôt à termes. Ce sont ces dépôts à termes que les banques peuvent utiliser pour accorder le financement des crédits et qui participent au développement de notre pays.

Les assureurs souscrivent aux obligations, aux bons du trésor et sont actionnaires dans plusieurs entreprises. Ce sont des placements sur lesquelles il nous faudrait renforcer la communication pour que les assurés et bénéficiaires des contrats puissent savoir ce que nous faisons avec les fonds collectés en plus des indemnités et taxes payées.

Au-delà de ces précisions, il faut noter que des sommes ainsi collectées, pour la très grande majorité, constituent des engagements pris par les sociétés d’assurance auprès des assurés et bénéficiaires de contrats à court, moyen et long terme, et ne sont pas la propriété de ces sociétés.

Souhaiteriez-vous, en conclusion, revenir sur des éléments qui vous tiennent à cœur, que nous n’avons pas abordé ?

Je voudrais revenir sur l’importance de l’assurance. C’est un métier qui a certes ses exigences mais qui est essentiel dans la vie économique de tous les jours. Je voudrais que nous poursuivions les actions de communication pour que cela soit objectivement compris. Les assureurs sont là pour sécuriser un ensemble de choses. Lors de la première édition des états généraux, nous avons noté quelques résolutions relatives à l’amélioration de la communication. Toutes les actions de communication qui sont possibles, nous allons les mener pour mieux faire connaître le secteur et répondre à toutes les questions et attentes des bénéficiaires des contrats d’assurance.

Interview réalisée par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net

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