Dans sa thèse, Patrice Forogo met en lumière la capacité avec laquelle le système bancaire burkinabè a fait preuve de résilience. Ce, face à la crise sanitaire enclenchée en 2020 depuis la Chine. Dès son introduction, l’impétrant fait un rappel de l’impact qu’a eu la Covid-19 sur l’économie mondiale, en l’occurrence sur celle du Burkina Faso. « À l’instar des autres pays du monde, le taux de croissance économique au Burkina Faso a connu une baisse. Elle a été en effet de 2% en 2020 contre une prévision initiale de 6,3%, selon la Direction générale de l’économie et de la planification », a-t-il montré.

Cependant, malgré ce fait, M. Forogo indique que les établissements de crédit ont enregistré une hausse de leurs activités, avec une progression d’un total-bilan de 16,7% en une année. Un contraste qui se traduit par l’évolution de la collecte de ressources et de financements, ainsi qu’une amélioration de la rentabilité, soutient-il.
Les défis auxquels ont été confrontés les instituts bancaires durant la phase critique de la Covid-19 se résument en deux parties, situe Patrice Forogo. D’abord, le premier volet est d’ordre organisationnel. « Il fallait avoir un nombre raisonnable de personnel tout en tenant compte des mesures barrières, notamment celle de la distanciation physique. Cela a impliqué un nouveau style de travail et la dotation en outils de télétravail mais aussi en infrastructures techniques ».

Les principaux défis et opportunités engendrés par la Covid-19.

Le second volet, lui, se trouve au niveau de la relation clientèle, mentionne M. Forogo. « À ce niveau, les défis ont été ceux de pouvoir proposer des produits digitaux de qualité aux clients. Autrement dit, être à mesure de permettre à la clientèle de pouvoir effectuer des opérations en ligne avec toute la sécurité qui sied ».

C’est donc dans l’optique de mieux cerner cette situation, que Patrice Forogo a opté de se pencher sur les déterminants de la résilience du secteur bancaire burkinabè, face à la crise sanitaire.

Pour y parvenir, il a dû procéder à l’analyse de questionnaires complémentaires soumis à la fois aux établissements de crédit et au personnel du système bancaire. Toute chose qui a permis de comprendre, affirme-t-il, que le système bancaire burkinabè a été résilient grâce aux différentes mesures prises par le régulateur (BCEAO). Ces mesures ont notamment concerné la liquidité, la gestion de créances en souffrance et l’échéance au niveau du ratio prudentiel. Ce qui a permis la poursuite du financement de l’économie mais surtout l’adaptation des différentes organisations bancaires au nouvel environnement.

« J’ai trouvé un candidat fort motivé et très réactif », Soufyane Frimousse, directeur de thèse de Patrice Forogo, intervenant depuis Paris.

Aussi, Patrice Forogo explique que les différentes mesures prises par les directions générales ont été participatives et ont recueilli l’assentiment des collaborateurs. Ce qui vient confirmer la théorie de Peter Senge sur la conduite du changement, laisse-t-il entendre. « Les banques ont su adapter leur organisation à la turbulence environnementale du fait de la pandémie sanitaire. Aussi, la crise a été une opportunité pour le système bancaire à travers l’expérimentation du télétravail, le déploiement des stratégies digitales et technologiques, le lancement de projets innovants… », a-t-il illustré.

Dans le cadre du renforcement du secteur bancaire et pour permettre aux établissements de crédit de l’UEMOA d’anticiper sur une nouvelle crise et d’être résilients, un modèle de conduite de changement a été élaboré, selon M. Forogo. Ce modèle est un cycle subdivisé en quatre phases, à savoir l’effet de surprise, l’adaptation et la résilience, l’innovation et le renforcement.

Pour Patrice Forogo, de l’étude économétrique réalisée sur la base de données recueillies dans le secteur bancaire ces trente dernières années, il ressort que l’accroissement de la masse monétaire influence positivement la croissance économique. Ce, à travers la hausse des crédits octroyés au secteur privé. Cependant, dit-il, la hausse des ressources à la clientèle a un effet limité sur la croissance économique. Cela, au regard de la structure des dépôts d’une part et de leur volatilité d’autre part. En ce sens qu’ils servent notamment au financement de l’économie d’autres États de la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

Modèle de changement.

Dans une vision de prévention et d’anticipation pour l’avenir, M. Forogo a formulé quelques recommandations aux trois principaux acteurs du marché que sont l’État, la BCEAO et le système bancaire. Il s’agit notamment, pour le secteur bancaire, d’aller vers une gouvernance axée sur le changement continu. Mais aussi pour la BCEAO de fixer la limite en termes de poids des financements des États dans le bilan des banques.

Le jury, à travers son président, Pr Jean-Marie Peretti, a bien apprécié le travail de Patrice Forogo. « Nous avons considéré que le travail que vous avez fait est de qualité, pour l’avoir mené avec rigueur. Vous avez ainsi rempli toutes les conditions d’une thèse de l’Académie. C’est pourquoi, nous avons le plaisir de vous décerner le titre de Executive doctorate business administration (EDBA) ».
Pour Pr Peretti, cette phase que vient de valider M. Forogo n’est qu’un début. Car lorsque l’on se lance dans la recherche, il faut communiquer ses résultats et les approfondir.

Photo d’illustration de Pr Jean-Marie Peretti, président du jury intervenant depuis Paris.

Patrice Forogo exerce dans le milieu bancaire depuis maintenant une dizaine d’années. Il est titulaire d’un master en finance et organisation de Kedge Business School. Mais aussi titulaire d’un diplôme d’études supérieures de l’Institut technique de banque au Centre de formation bancaire de Paris.

Dr Forogo détient également le diplôme d’ingénieur statisticien de l’École nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée d’Abidjan. Sans oublier la maîtrise en macroéconomie et gestion du développement.

Le parcours de Dr Forogo est également marqué par l’obtention de plusieurs certificats dont celui du Executive management stratégique bancaire de HEC Paris, en collaboration avec la BCEAO et le COFEB. À cela s’ajoute le parcours d’aide par la formation et le coaching de la transposition de Bâle II et III dans l’UMOA.

Manager IFRS de IAE Lyon School of Management, Patrice Forogo est actuellement directeur des finances et de la comptabilité à Coris Bank International SA. Tout en dédiant sa thèse à sa famille, en particulier son épouse, M. Forogo témoigne sa reconnaissance au Pr Soufyane Frimousse, son directeur de thèse, à ses premiers responsables ainsi qu’aux personnes qui ont contribué de près ou de loin à l’aboutissement de cette soutenance.

Hamed NANEMA
Lefaso.net

Crédit photo : Jeune Afrique