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Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

Publié le jeudi 20 octobre 2022 à 20h28min

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Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

Djibo, dans le nord du Burkina Faso, est assiégée par des groupes armés depuis huit mois. Les tentatives de livraison de vivres se sont soldés parfois par des attaques qui ont fait des dizaines de morts fin octobre 2022. La ville abriterait des centaines de milliers de personnes qui manquent de tout : nourriture, eau potable, carburant, médicaments... Dans cette interview, Alfarock Ag-Almoustakine, coordinateur de projet Médecin sans frontière (MSF) à Djibo dépeint la situation.

Quel est votre sentiment aujourd’hui, alors que vous terminez votre mission à Djibo ?

J’ai été particulièrement choqué par la rapidité avec laquelle la situation s’est détériorée au cours des derniers mois au cours desquels j’ai été en poste à Djibo. La population peine à s’adapter et à faire face aux défis sécuritaires, elle ne peut pas accéder à ses champs en périphérie de la ville et ne peut pas s’occuper de son bétail, car il y a des pénuries d’eau et de nourriture. La situation est assez critique et préoccupante encore aujourd’hui, pas seulement à Djibo, mais aussi dans des villes comme Pama, Sebba et dans la majeure partie du pays.

Djibo est sous blocus depuis le mois de février. Nous espérons vivement que toutes les parties pourront trouver une solution afin d’approvisionner la ville le plus rapidement possible et d’éviter une catastrophe humanitaire. Les efforts de secours doivent plus que jamais être intensifiés, et ce dans tout le pays. Les besoins les plus urgents sont la nourriture, l’eau, l’assainissement et les soins de santé.

Comment pouvez-vous décrire la situation aujourd’hui à Djibo ?

Depuis 2019, la situation sécuritaire à Djibo s’est gravement détériorée avec des engins explosifs improvisés, des embuscades, des attaques et des points de contrôle irréguliers sur la route qui bloquent totalement les accès à la ville. Djibo est sous blocus des groupes armés depuis 8 mois, et il est très difficile aujourd’hui d’approvisionner la ville par voie terrestre. La population ne peut ni quitter Djibo ni y revenir sans risquer sa vie. Le seul moyen sûr d’accéder à la ville aujourd’hui est de prendre des vols humanitaires reliant Djibo à Ouagadougou.

La situation sécuritaire à l’intérieur de la ville elle-même peut également être très dangereuse avec des attaques de groupes armés de temps en temps, comme en juin, doublés de la présence des "Volontaires pour la Défense de la Patrie" (VDP).
En conséquence, les besoins humanitaires se sont multipliés de manière critique depuis juillet, période à laquelle la ville a été approvisionnée pour la dernière fois. Cette situation affecte profondément les habitants, qui dépendent fortement des rares convois d’approvisionnement escortés par l’armée. On ne trouve rien sur le marché, le carburant est devenu une ressource rare. L’ensemble de la population se plaint également de la même chose : pénurie de nourriture et inflation du prix des denrées alimentaires.

Pouvez-vous donner des exemples précis qui montrent à quel point la situation humanitaire est dégradée à Djibo ?

Les difficultés d’accès aux médicaments et les consultations médicales retardées - souvent en raison du manque de moyens financiers - sont un problème depuis des mois à Djibo. Mais aujourd’hui, en raison du blocus, les difficultés d’approvisionnement se font également sentir au niveau des structures de santé avec des pénuries de fournitures médicales. La capacité de prise en charge de la malnutrition était par exemple réduite depuis un certain temps dans le district sanitaire en raison d’une pénurie d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi.

L’équipe médicale de MSF a entendu parler, par l’intermédiaire des travailleurs communautaires, de décès parmi la population, dont ont également fait état désorganisations locales de la société civile. Nous ne disposons pas cependant de données médicales nous permettant de le vérifier et de le confirmer. Une analyse plus approfondie serait nécessaire, même s’il ne fait aucun doute que la situation est critique.

Le dernier convoi a été attaqué le 26 octobre 2022 sur la route. Il ne reste donc que les vols humanitaires pour approvisionner la ville, mais ils restent trop limités par rapport aux besoins actuels. Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? Deux, trois jours peut-être. Sans de nouveaux ravitaillements prochainement, la ville se retrouvera sans rien. C’est pourquoi la population de Djibo a besoin d’un corridor humanitaire dès maintenant.

Quel est l’impact du blocus sur les activités médicales de MSF dans cette ville ?

A Djibo, MSF soutient le ministère de la Santé dans la salle d’urgence médico-chirurgicale, ainsi que dans deux centres de soins primaires. La plupart des problèmes médicaux traités par notre équipe sont des diarrhées, la malnutrition, le paludisme et des infections respiratoires, qui sont la conséquence directe des conditions de vie précaires et du manque d’eau potable. Nous avons réalisé 41 147 consultations en soins de santé primaire de janvier à septembre ; 6 086 enfants vaccinés multi antigène ; pris en charge 289 enfants Malnutris aigus sévère (MAS), 389 enfants Malnutris aigus modérés (MAM) et réalisé 244 interventions chirurgicales d’urgences. Nous avons également mis en place des activités de distribution d’eau sur deux sites, afin de renforcer l’accès à l’eau potable. Cependant, cela ne suffit pas à satisfaire les besoins de l’ensemble de la population.

Ces dernières semaines, nous avons dû réduire nos activités dans l’un des deux centres de soins de santé primaires dans lesquels nous travaillons, pour des raisons de sécurité. Quant à la distribution d’eau par camion-citerne, notre capacité a également été réduite en raison du manque de carburant et de la situation sécuritaire dans certaines parties de la ville. Nous allons donc devoir nous adapter à cette situation, afin de continuer à fournir un accès gratuit aux soins de santé.

Médecins sans frontières

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Vos commentaires

  • Le 20 octobre 2022 à 15:01, par verite no1 En réponse à : Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

    Courage a la population de Djibo, avec le jeune capitaine, tout ira dans l’ordre !!!!!! Nous, on pleure des vies humaines, pas des livres et des tables a manger !!!!!!

  • Le 20 octobre 2022 à 16:23, par Mafoi En réponse à : Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

    Quand on finit de lire un tel article,est ce qu’on peut toujours se dire que notre pays possède une armée ?Ça fait pitié et heureusement que ces valeureux travailleurs sociaux et humanitaires sont là pour sauver tant que possible des vies au risque de leur vie.Courage à vous

  • Le 20 octobre 2022 à 16:32, par Sacksida En réponse à : Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

    C’est un probleme serieux d’organisation efficacement contre le terrorisme et le grand Banditisme desastreux. En plus des dispositifs des Forces armees et securitaire, il faudrait organiser la guerre Populaire generalisee dans les zones infestes de terroristes et des grands Bandits. C’est clair que le President Traore Ibrahim et son Gouvernement a venir ont du Pain sur la Planche. Une faut une veritable Strategie Populaire de Guerre et de Securisation du Territoire National.
    Que Dieu Sublime aide notre Peuple Burkinabe. Salut

  • Le 20 octobre 2022 à 16:54, par porto En réponse à : Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

    "verite n1"Ne faisons pas porter au capitaine sur ses freles epaules le poids de tout nos espoirs.Je crois pas qu’il soit le messi.

  • Le 20 octobre 2022 à 17:02, par TANGA En réponse à : Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

    Du courage Burkinabè.
    Dites un peu, de quand date t ces constats ?
    Y êtes vous aller depuis le départ de Damiba .

  • Le 20 octobre 2022 à 17:59, par Bigbale En réponse à : Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

    Quand je vois toutes ces souffrances endurées par des innocents enfants, ça me fait mal. Quand aux adultes, ils etaient où quand Malam Dicko a commencé ses prêches radicales, ils se sont volontairement tus ! Quand les djihadistes de Malam Dicko ont commencé a tuer les agents de l’Etat, le Maire et des populations civiles, ils n’ont rien dit, pensant que c’est une punition qu’on inflige à tierce personne et voilà que maintenant c’est leurs enfants qui sortent pour marcher et exiger de l’Etat de la nourriture, la réouverture des classes, les soins de santé, etc. Hum, quand on se dira la vérité dans ce pays, on evitera le pire ! Le cas des autres pays comme le Nigeria avec Boko Haram, la guerre civile au Liberia, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire devront nouservir d’exemple pour nous en sortir le plus vite possible de cette épisode de mensonges et d’indignité dans laquelle nos gouvernants et surtout nos leaders religieux malhonnêtes nous ont plongés ! Bon courage aux honnêtes citoyens de Djibo.

    • Le 20 octobre 2022 à 22:07, par Kouda En réponse à : Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

      Bigbale,
      vous avez raison. Ce que vous dénoncez est en réalité les symptômes d’un mal plus profond. Vous vous souviendrez que des gens ont crié ici qu’il faut obligatoirement un militaire au ministère de la défense et au ministère de la sécurité si on veut vaincre le terrorisme et l’insécurité. Nous avons expérimenté un militaire, de surcroît général, au ministère de la défense sous Rock Kaboré. La détérioration de la situation sécuritaire n’a pas été arrêtée.
      Puis, Damiba est venu au pouvoir par coup d’Etat, plusieurs personnes ont applaudi. Des personnes comme Monique Kam ont même ouvertement appelé les militaires à faire un coup d’Etat (des démocrates qui appellent à un coup d’Etat militaire, un comble !). Damiba a eu des militaires comme ministres de la défense et de la sécurité. La dégradation de la situation sécuritaire n’a pas ralenti. Traoré a fait son coup d’Etat, plusieurs personnes ont encore applaudi et mieux l’ont soutenu publiquement en sortant pour barrer la voie à toute personne qui voudrait s’opposer au dit coup d’Etat. De plus en plus de voix s’élèvent pour dire qu’il faut que les autorités du Burkina Faso fassent appel à Wagner.
      Je ne suis pas surpris par tous ces développements. Pourquoi ? Parce qu’ils ont pour cause commune le fait de croire qu’il y a des solutions simplistes (excusez moi) au problème d’insécurité du Burkina Faso. Les personnes qui croient cela ne tirent jamais leçon de ce qui arrive.
      Un autre symptôme du même problème mais au niveau des Etats et non les peuples : des Etats évitent de venir en aide aux autres pays en difficulté tout simplement, croient-ils, pour ne pas provoquer les terroristes. Le Burkina Faso l’a fait avec le Mali et le Niger lorsque ces deux pays étaient en difficulté. Mieux, des terroristes ont logé à Ouaga sous le régime Compaoré. Puis, quand le Burkina Faso a été attaqué, le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire ne lui ont pas apporté assistance. Voilà que le phénomène terroriste s’étend à ces pays.
      Nous ne tirons pas leçon de ce qui nous arrive ou arrive aux autres. Donc, nous sommes condamnés à un éternel recommencement.

  • Le 20 octobre 2022 à 19:36, par RV En réponse à : Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

    Compassion et solidarité. C’est totalement inhumain. Vivement la Paix au Burkina Faso. Que peut faire TRAORÉ face à une telle MAFIA ?! Bon courage aux ONG et aux populations.

  • Le 20 octobre 2022 à 20:09, par Floda En réponse à : Djibo, ville sous blocus : « Combien de temps pensez-vous qu’une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec un maximum de 5 kg de riz ? »

    Djibo regorge de jeunes alors donnez leurs les armes afin qu’ils se défendent face à ces bandits, je ne peux pas comprendre qu’on ne puisse sortir de cette ville.Il faut que l’armée fasse des battues afin de neutraliser les voyous qui rôdent autour de la ville de Djibo.

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