LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Prise en charge des accouchements au Burkina : La nécessité d’une humanisation de nos maternités

Publié le vendredi 25 mars 2022 à 22h40min

PARTAGER :                          
Prise en charge des accouchements au Burkina : La nécessité d’une humanisation de nos maternités

Dr Issaka Sondé avait partagé avec les lecteurs de Lefaso.net un témoignage du mari d’une parturiente admise à la maternité de Paspanga, dans le département de Zoungou, province du Ganzourgou. La femme a accouché sans assistance et dans les heures qui ont suivi, le nouveau-né, souffrant d’une insuffisance respiratoire a été évacué au CHR de Ziniaré où il est finalement décédé. A travers ces lignes, Dr Sondé attire l’attention des agents de santé sur leurs responsabilités vis-à-vis des patients.

« Le 23 mars 2022, nous avions partagéle témoignage du mari d’une parturiente admise à la maternité de Paspanga, dans le département de Zoungou, province du Ganzourgou. Le mari avait suffisamment relaté les conditions dans lesquelles sa femme avait accouché, seule, dans une formation sanitaire publique sans assistance aucune de trois agents de santé qui étaient pourtant présents au moment des faits.

Dans la matinée du 23 mars 2022, le bébé qui aurait des difficultés respiratoires a été référé du CSPS de Paspanga au CMA de Zorgho, puis du CMA de Zorgho au CHR de Ziniaré où il est malheureusement décédé le matin du jeudi24 mars 2022. Dans l’après-midi, après avoir enterré le petit bout de chou, les parents ont rejoint leur village, les cœurs meurtris, pleins de questionnements mais se remettant à Dieu.

Le Bon Dieu a donné, le Bon Dieu a repris. Paix à l’âme du bébé innocent et courage aux parents traumatisés. Neuf mois de douleurs, de souffrances qui devraient être couronnés de joie, d’espoir et d’espérance se terminent de la plus triste des manières. A qui la faute ? Que faire ?

Le président Sangoulé Lamizana le disait si bien : « Le Burkina souffre plus de la méchanceté inutile de ses fils que de la rareté des ressources ». Comment rectifier le tir pour que pareille mésaventure ne soit plus vécue par qui que ce soit, où que ce soit dans notre cher Faso déjà tant meurtri ?

Il faut une réelle prise de conscience collective pour améliorer la situation, réinstaurer et/ou restaurer la confiance entre les populations et les services publics. Le fossé est trop large entre l’administration et les administrés du seul fait de certainesbrebis galeuses qui ternissent l’image du reste du groupe. Leur iniquité, l’injustice, l’absence, l’indifférence, la négligence, les rackets, les abus et spoliations de toutes sortes, en tout lieu et en toutes circonstances ont fini par jeter un grand discrédit vis-à-vis des agents de l’administration publique.

Revenant au secteur spécifique de la santé, ces actes sont doublement ressentis dans une structure si sensible comme la maternité où la parturiente arrive déjà avec des souffrances physiques et morales en plus des angoisses relatives aux diverses interrogations sur l’issue finale de l’évènement par la joie ou par la fatalité. Ne dit-on pas qu’une femme enceinte a un pied dans la vie et l’autre pied dans la tombe ?

La meilleure des choses dont a besoin une femme à ce niveau, c’est avant tout un accueil chaleureux,rassurant et plein d’empathie et d’humanisme. La charge et les conditions de travail des agents peuvent ne pas permettre une prise en charge immédiate de la patiente mais le bon accueil est au moins possible. Ni les conditions de travail, ni les frustrations diverses ne devraient ôter à un agent son humanisme au point de paraître totalement indifférent à la souffrance d’autrui. La non-assistance, en plus d’être une négligence ou une méchanceté, pourrait s’assimiler à un délit ou à un crime, toutes choses contraires à la morale, à l’éthique et à la déontologie professionnelle.

C’est pourquoi j’ai vraiment tenu à relayer ce témoignage pour que chacun comprenne le martyr et le traumatisme que vivent,dans le silence et au quotidien, bon nombre de nos épouses, sœurs et filles dans nos maternités. Il faut que les choses changent par la sensibilisation des agents, la dénonciation des cas et, en dernier ressort, le bâton des sanctions adéquates.

Dans certaines circonstances, il faut savoir et pourvoir faire fi des divergences, des mésententes, des questions d’égo pour le seul intérêt du patient. Il n’y a jamais de petite querelle. Parfois l’incendie ne provient que d’une petite étincelle qu’on a négligée de gérer à temps.

Vivement une décolonisation des mentalités et une meilleure humanisation de nos maternités. Toute femme qui y va doit être accueillie en princesse, combattante chevronnée d’une lutte âpre de 9 longs mois, portant en elle un petit bout de vie dont la venue au monde garantit la pérennité de l’espèce humaine. Porter une grossesse au péril de sa vie, c’est une fonction sacrée à sacraliser, c’est une fonction noble à nobéliser. Oui, chaque mère est un prix Nobel pour l’intérêt qu’elle rend à la société.

En conclusion, pour ce cas malheureux du CSPS de Paspanga, les parents ne déposeront aucune plainte, contrairement aux souhaits de bon nombre de personnes. Ils s’en remettent au bon Dieu, pardonnent de bon cœur et se tournent résolument sur l’avenir. Le vrai pardon est une belle valeur ancestralesurtout en cas de décès. L’essentiel est que chacun fasse sienne, cette pensée de Tim Guénard dans « Plus fort que la haine » : « Pour pardonner, il faut se souvenir. Non pas enfouir la blessure, l’enterrer, mais au contraire la mettre au jour, dans la lumière. Une blessure cachée s’infecte et distille son poison. Il faut qu’elle soit regardée, écoutée, pour devenir source de vie ».

Restons profondément humains, valorisons la vie !

A la maternité, rendons la joie à la future mère pour atténuer sa douleur et la rendre doublement heureuse à la délivrance et qu’elle garde le bon goût de continuer à donner la vie.

Merci pour vos précieuses contributions. »

La pharmacie citoyenne
Dr Issaka SONDE
issaksonde@hotmail.com

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 25 mars 2022 à 14:22, par Vérité En réponse à : Prise en charge des accouchements au Burkina : La nécessité d’une humanisation de nos maternités

    C’est vrai que Dieu a donné la sagesse aux nobles géniteurs de ce bb. Mais n’empêche que le procureur de la zone se saisisse de l’affaire. La sage femme et acolytes doivent être entendus... Et que cela constitue un cas d’école pour tous les agents de l’administration qui sont payés par le contribuable burkinabe.... Une goutte d’eau fait déborder le vase par moment. Merci à vous pour avoir contribué à dénoncer ce qu on nous sert dans l’administration publique

  • Le 25 mars 2022 à 15:36, par kouka En réponse à : Prise en charge des accouchements au Burkina : La nécessité d’une humanisation de nos maternités

    Le ministere de la santé doit munir les centres de santé de caméras de surveillance indétectables à l’oeil nu qu’on peut simplement accrocher dans les coins et les recoins des batiments. L’objectif est de filmer discretement tout comportement irresponsable et contraire à la déontologie de tout agent de santé qui s’adonne à ces pratiques ignobles, indignes, nauséabondes qui frisent le dernier dégré du satanisme. Une fois qu’une preuve matérielle est faite sur de tels comportements, engager toute suite une procédure judiciaire accélérée au pénal et déposer les personnes concernées dans les plus brefs délais à la MACO. Les y garder au moins 06 mois avant le début d’un éventuel proces. Ensuite organiser le proces et les flanquer d’au moins 05 ans de prison ferme, 10 millions d’amende, licenciement de la fonction publique et interdiction définitive d’exercer encore dans le corps de la santé. Faites ce que je propose et vous verrez des changements positifs tres rapidement. Si vous vous fiez à la bonne volonté et à l’humanisme des gens, tout ira de mal en pis parceque l’humanisme a disparu des habitudes du peuple burkinabé. Ce pays est devenu une véritable jungle ou l’Etat doit sévir sans le moindre état d’ame pour protéger les quelques personnes patriotes, integres et responsbles qui nous restent pour l’exemple et pour la postériorité. Que pensez vous de ma proposition Docteur ??

  • Le 25 mars 2022 à 18:47, par RAK En réponse à : Prise en charge des accouchements au Burkina : La nécessité d’une humanisation de nos maternités

    Face a cette situation mes propositions sont les suivantes :
    - Inciter les populations à la culture de la dénonciation. Dans notre pays on dénonce peu et les populations aiment confier tout à Dieu. Pourtant, parfois il faut se plaindre pour que ça change.
    - Instituer dans les districts, les CMA, les CM et les CSPS des supervisions de garde( garde administrative) cela peut permettre de déceler des mauvaises pratiques surtout lors des gardes ou le service est confié à une ou deux personnes
    - Sanctionner très sévèrement les contrevenants pour servir d’exemple
    - Envisager de mener des enquêtes de molarité pour le recrutement des agents de santé ou des entretiens d’embauche pour trier le mauvais grain
    - Faire intervenir le secteur privé dans la gestion de nos hôpitaux. Genre un partenariat public-privé. Pourquoi ces genres de pratiques sont rares dans les privés. les mêmes agents lorsqu’ils prestent dans le privé sont pourtant corrects.
    MA PETITE CONTRIBUTION

  • Le 25 mars 2022 à 19:35, par HUG En réponse à : Prise en charge des accouchements au Burkina : La nécessité d’une humanisation de nos maternités

    Hum.Et quand pour une question de retombées économique d une fonction publique hospitalière on ferme les maternités, Cela s est passé dans mon pays sous le régime du mpp.A l époque personne n a dénoncé cet acte qui dépasse l’entendement humain.Allons seulement.

  • Le 25 mars 2022 à 20:03, par De Balzac En réponse à : Prise en charge des accouchements au Burkina : La nécessité d’une humanisation de nos maternités

    Le ministre de la santé à travers ses différentes structures est interpellé. L’association des femmes juristes et les ONG de défense des droits de l’homme doivent se saisir de ce dossier. Les agents fautifs doivent être poursuivis . Justice doit être rendue à cette famille pour l’exemple

  • Le 26 mars 2022 à 09:04, par Zoul351 En réponse à : Prise en charge des accouchements au Burkina : La nécessité d’une humanisation de nos maternités

    Depuis la nuit des temps, les femmes portent des enfants et accouchent. Ce n’est pas insurmontable.
    C’est la joie qui doit l’emporter.
    Cependant, il faut trouver sa propre voie et ne pas imiter l’Occident, avec tous ses médicaments et une surveillance permanente.
    Combien de femmes accouchent simplement pendant leur travaux aux champs ? Ce n’est pas l’exemple mais il faut s’en inspirer.
    Pour accoucher, la meilleure position pour une femme n’est pas allongée sur un lit, mais accroupie en étant attentif à protéger le nouveau-né du sol pour éviter de contaminer par le cordon ombilical avec les bactéries.
    La souffrance physique traduit souvent la souffrance mentale de la mère qui a besoin de se sentir accompagnée.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique