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Martin Sanou, Directeur de la protection de l’enfant : « En matière d’adoption, nous travaillons à donner la priorité aux nationaux »

Publié le lundi 29 mars 2021 à 23h20min

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Martin Sanou, Directeur de la protection de l’enfant : « En matière d’adoption, nous travaillons à donner la priorité aux nationaux »

L’adoption est une institution par laquelle un lien de famille ou de filiation est créé entre l’adopté et l’adoptant. Elle consiste, pour un couple ou un tiers, à prendre au terme d’un jugement, pour fils ou fille, un enfant qui ne l’est pas naturellement. L’adoption permet aux enfants adoptés de bénéficier de soins et de vivre dans un cadre familial adapté. Au Burkina Faso, entre 2018 et 2020, 42 enfants en moyenne ont été adoptés par des Burkinabè. Des chiffres que les services en charge de l’Action sociale travaillent à faire évoluer positivement, en menant des campagnes de sensibilisation auprès des populations autrefois réticentes face à la question. Pour mieux comprendre les conditions dans lesquelles se fait l’adoption, nous avons pris langue avec Martin Sanou, Directeur de la protection de l’enfant.

Lefaso.net : Quelles sont les conditions qu’il faut réunir pour adopter un enfant au Burkina Faso ?

Martin Sanou : En ce qui concerne les conditions pour les couples, il faut être de nationalité burkinabè, être un couple hétéro sexuel, mariés depuis plus de cinq ans, être tous les deux consentants à l’adoption. L’un des conjoints doit être âgé de plus de 30 ans, avoir au moins quinze ans de plus que l’adopté, ne pas avoir plus de 50 ans pour l’adoption des enfants âgés de moins d’un an. Pour les célibataires, ce sont les mêmes conditions qui s’appliquent. Pour tout couple résidant au Burkina Faso et désirant adopter un enfant, avoir, en plus des conditions citées précédemment, résidé plus de cinq ans et avoir une autorisation d’adopter délivrée par son pays d’origine.

Lorsque toutes ces conditions sont réunies, quelle est la procédure à suivre ?

Elle varie selon que l’adoption soit nationale ou internationale. Il existe aussi deux types d’adoption : l’adoption plénière et l’adoption simple. Lorsqu’il s’agit de l’adoption nationale, il faut constituer un dossier à déposer auprès des services en charge de l’Action sociale. Le dossier se compose d’une demande adressée à la ministre de l’Action humanitaire qui est l’autorité centrale chargée des questions d’adoption et de l’enlèvement d’enfant.

La demande est ensuite transmise à un secrétariat technique qui étudie le dossier de demande d’adoption. Ce secrétariat technique est appuyé par un comité technique d’apparentement. Il est multisectoriel et examine les dossiers d’adoption et propose les enfants à l’adoption aux familles qui en font la demande. Lorsque le comité finit son travail, les propositions d’enfants sont faites aux familles qui en ont fait la demande et celles-ci doivent confirmer si elles sont d’accord avec l’enfant qui leur a été proposé.

Et s’ils sont d’accord, la procédure suit son cours et le dossier est transmis à la justice, car c’est un jugement d’adoption qui va officiellement confier l’enfant aux parents adoptifs. Et lorsqu’il s’agit de Burkinabè vivant à l’étranger qui veulent adopter, ils passent par la voie diplomatique (consulat, ambassade) pour que le dossier nous soit transmis pour traitement. Et c’est la même procédure citée plus haut qui est suivie. La durée de la procédure est très variable et peut atteindre une année, car une fois que le dossier est transmis et que la proposition de l’enfant est acceptée, celui-ci est placée pour six mois dans la famille afin que l’on puisse observer comment il s’adapte.

Qu’en est-il des différents types d’adoption ?

Pour l’adoption simple, l’enfant, tout en bénéficiant de certains effets de la filiation (nom, succession, héritage, etc.), reste cependant attaché à sa famille d’origine et aura désormais deux familles. Pour l’adoption plénière, une fois qu’un enfant a été adopté, ses parents adoptifs deviennent sa seule famille.

Combien d’enfants sont adoptés en moyenne par an au Burkina Faso ?

Selon les statistiques, de 2018 à 2020, nous avons une moyenne de 42 enfants adoptés par an.

Qui sont les enfants proposés à l’adoption ?

Cela varie en fonction du type d’adoption. Pour ce qui est de l’adoption plénière, nous avons les enfants dont les parents sont inconnus, les enfants trouvés, les enfants de mères malades mentales errantes dont on ne retrouve pas souvent les traces, souvent des orphelins, les enfants de parents connus qui décident de donner leurs enfants à adopter. Pour le cas des enfants trouvés, nous avons six mois pour rechercher les parents.

Si après ce délai ils ne sont pas trouvés, la police dresse un procès-verbal de recherche infructueuse et le transmet à la justice. Pour l’adoption simple, nous avons les enfants dont les parents ou le conseil de famille a valablement consenti à l’adoption, les enfants trouvés ou encore les enfants orphelins. Nous avons aussi le cas des enfants incestueux, souvent recueillis par les orphelinats parce que rejetés par la communauté.

Il y a également les enfants à besoins spécifiques âgés de plus de six ans, ainsi que les enfants vivant avec un handicap ou souffrant de maladie incurable. Pour ces enfants, les familles en général les proposent à l’adoption, pour diverses raisons comme le manque de moyens pour une prise en charge adaptée. Il faut noter que, dans la lettre de demande d’adoption, le parent adoptif peut préciser le sexe et l’âge de l’enfant qu’il désire adopter.

Selon les données dont vous disposez, les Burkinabè sont-ils plus nombreux que les étrangers à adopter les enfants ?

En adoption nationale, selon nos statistiques, de 2018 à 2020, 123 enfants adoptés au plan national donc par des Burkinabè, contre 125 pour l’étranger. L’écart n’est pas très grand. Mais si l’on se réfère à la période 2006-2016, nous avons 355 adoptions nationales, contre 867 au plan international. Les chiffres enregistrés entre 2018 et 2020, sont dus à une campagne de sensibilisation menée pour intéresser les nationaux à l’adoption. Nous travaillons à donner la priorité aux nationaux, car nous voulons que l’enfant reste dans son milieu d’origine.

Mais par rapport à certains types de problèmes, les préjugés ont la peau dure et certains Burkinabè ont du mal à accepter par exemple les enfants incestueux. Même pour les enfants de mère malades mentales, certains parents sont réticents, parce qu’ils pensent que la maladie qui a atteint la mère peut être héréditaire et risque de se déclencher à un certain moment chez l’enfant. Et en ce qui concerne les enfants vivant avec un handicap lourd, ce sont généralement les étrangers qui s’engagent le plus pour leur adoption pour leur offrir de meilleures conditions de vie.

Les Burkinabè s’intéressent de plus en plus à l’adoption

Est-ce que, avant de placer un enfant dans une famille adoptive, vos services procèdent à une enquête de moralité ?

Dès que le dossier de demande d’adoption est déposé, nous procédons à une enquête sociale, pour connaitre les conditions de vie de la personne, ses relations avec l’entourage, sa famille, etc. Nous collectons un certain nombre d’éléments, car lorsque la commission siège pour attribuer les enfants, la situation de l’enfant est déjà connue puisque l’enquête sociale est faite.

Il en est de même pour le demandeur. C’est donc en fonction de tous ces éléments qu’un enfant est apparenté à telle ou telle famille. Il est prévu dans le manuel des procédures, qu’une évaluation psychologique ainsi qu’une enquête de moralité puisse être faites à la demande du juge si celui-ci a des doutes légitimes. Et lorsque l’enfant est placé pour six mois afin d’apprécier son adaptation, un service social est chargé du suivi et produit un rapport sur ce qui a pu être constaté.

Est qu’il peut arriver qu’un couple ayant adopté un enfant veuille le remettre aux services sociaux ?

Lorsque vous adoptez un enfant, que la procédure est terminée, l’enfant est considéré comme le vôtre. Et si vous ne le voulez plus, cela veut dire que vous avez décidé d’abandonner votre propre enfant. Dans ce cas, la procédure qui s’applique aux parents qui abandonnent leurs enfants va s’appliquer à vous. Car avant que la procédure ne finisse, le code des personnes et de la famille précise que le consentement à l’adoption peut être rétracté dans les trois mois.

Donc, si cette période passe et que vous allez jusqu’au bout de la procédure, il n’est plus possible de ramener l’enfant aux services sociaux. Ce dont ils peuvent bénéficier, c’est d’une assistance éducative auprès de l’autorité judiciaire en cas de problème avec l’enfant. L’autorité judiciaire pourra voir avec les services compétents, quelles mesures prendre pour aider la famille à s’occuper de l’enfant.

Un enfant adopté qui, une fois la majorité atteinte, recherche ses origines, peut-il bénéficier de l’appui de vos services ?

Cela est possible, car c’est son droit. Même pour les adoptions à l’international, nous exhortons les parents à venir assez souvent dans le pays d’origine pour que l’enfant renoue avec ses racines. Et s’il veut connaitre ses origines quand il atteint l’âge de 18 ans, il en a le droit. C’est en ce sens que la conservation des dossiers d’adoption est très importante car il y va de la vie des enfants, et cela contribue également à le stabiliser.

Avez-vous un dernier mot ?

Nous constatons que les Burkinabè s’intéressent de plus en plus à l’adoption nationale et nous les y encourageons vivement. Comme nous l’avons dit, la priorité est donnée aux nationaux. Parce qu’à une certaine époque, les populations étaient assez réticentes. Maintenant, elles ont bien compris cette nécessité d’adopter des enfants afin de leur permettre d’avoir un cadre familial pour s’épanouir.

Ce sont des enfants Burkinabè, et quelle que soit la situation qui les a mis dans les conditions où ils sont, ils ont besoin de la protection de tous les Burkinabè et de la solidarité nationale. Nous encourageons ceux qui n’ont pas encore fait le pas et qui ont envie de le faire, à y aller sans problème. A notre niveau, nous continuons à nous mobiliser chaque fois que nous disposons de ressources, en formant les familles postulantes à l’adoption pour mieux les préparer.

Propos recueillis par Armelle Ouédraogo
Lefaso.net

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