Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Difficile période que vivent les éleveurs de lapins depuis le mois de mars 2018 sur l’ensemble du territoire burkinabè. Les animaux meurent et jusque-là, les causes de cette mortalité sont inconnues. Le président du Cercle des cuniculteurs (association des éleveurs de lapins) Moumouni Simporé, tout amer, nous dépeint la situation dans cette interview. Pour lui, les autorités en charge des ressources animales ont failli dans la gestion de cette épidémie qui a décimé au moins 80% du cheptel national. « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort », affirme-t-il.
Lefaso.net : On a appris que le cheptel des lapins du Burkina est décimé depuis quelques temps par une maladie. Qu’en est-il exactement ?
Moumouni Simporé (M .S) : Depuis le début du mois de Mars à Bobo-Dioulasso et en fin Juin à Ouagadougou, nous assistons chez les cuniculteurs , à une forte mortalité des lapins. Dans la plupart des cas, il n’y a aucun signe apparent. Ce sont des morts subites. Il y a une espèce de somnolence, le lapin bouge très peu, semble très épuisé par le moindre mouvement, il ne s’alimente pas et fini par mourir au bout, avec une respiration de plus en plus accélérée, sans grande agitation physique et sans grande souffrance apparente. La mort suit les 3 heures maximum après ces symptômes.
La majorité des éleveurs touchés ont perdu la totalité de leur sujet. Des éleveurs ont perdu des animaux à Bobo Dioulasso (Région des Hauts- bassins), Ouagadougou (Région du Centre), Sabou (Centre -ouest), Boussé, (Plateau Central). D’autres régions ont pu également être touchées car nous n’avons que des informations des localités où se trouvent certains de nos contacts.
Un autre fait curieux, un berger dans la zone au nord de la ville de Bobo nous a informés en mi-juin qu’il a plusieurs fois découvert des lièvres adultes morts dans la brousse, sans blessures visibles sur leurs corps.
Lefaso.net : De mars à août 2018, vous n’avez pas encore identifié le mal qui élimine vos élevages ?
M .S : Dès que nous avons appris l’ampleur des ravages de la maladie, nous avons rapidement pris trois mesures. La première a porté sur la sensibilisation des éleveurs. Nous avons invité ceux qui ont été touchés à apporter des animaux au laboratoire national pour les autopsies, à procéder systématiquement à l’incinération des animaux morts et à désinfecteurs leurs locaux.
L’objectif d’une telle mesure est de limiter la propagation de la maladie. Les élevages sains ont été invités à renforcer leurs mesures de biosécurité : arrêt des transferts d’animaux, arrêt des visites d’élevage par des personnes extérieures, désinfection avant et après tout passage dans l’élevage,…
Deuxièmement, nous avons tenté d’identifier la maladie en procédant à des autopsies (parmi nous, il y a des gens qualifié pour le faire) et cela nous a permis de constater que certains sujets n’ont aucune lésion apparente et d’autres ont une forte congestion, avec du sang coagulé au niveau de l’appareil respiratoire. Les maladies suivantes ont alors été suspectées : la pasteurellose, une intoxication alimentaire et la maladie hémorragique virale du lapin. L’intoxication alimentaire a été exclue du diagnostic différentiel car après avoir récolté les informations chez les différents éleveurs, il ressort que ces derniers ne nourrissent par leurs animaux avec les mêmes aliments.
La pasteurellose a été également exclue, car les morts sont subites sans signe clinique apparent. La maladie hémorragique virale du lapin (VHD) a la forte suspicion, les éléments diagnostics nous orientent vers elle, mais aucun laboratoire national n’a la capacité d’effectuer une analyse de confirmation.
Troisièmement, nous avons fait des interventions dans des medias, notamment au niveau des radios pour informer davantage l’ensemble des éleveurs et surtout la population de l’existence du phénomène qui n’est pas encore maitrisé.
Lefaso.net : A vous écouter, c’est comme si l’Etat est resté insensible au problème. Est-ce le cas ?
M S : Malheureusement, c’est l’impression que nous avons. Nous avons adressé une correspondance de notification au Directeur Général des Services Vétérinaires depuis le 16 juillet 2018, mais nous n’avons même pas encore reçu une notification d’accusé de réception. Nous avons également demandé une audience avec le ministre en charge des ressources animales le 18 juillet 2018 et c’est toujours silence radio. Nous n’avons pas vu non plus une action concrète dans le sens de résoudre le problème. Tout cela nous amène à croire que l’Etat nous a abandonné à notre triste sort.
Quelle est la conséquence d’une telle passivité ?
M .S : Nos estimations nous font croire que 80% du cheptel a été décimé, notamment à Bobo Dioulasso et à Ouagadougou. Et ce n’est pas encore fini. Une réaction prompte, efficace et rapide de l’Etat nous aurait permis de sauver une bonne partie de nos animaux. Quand vous avez des éleveurs qui perdent autant d’animaux, inévitablement, ils perdent autant d’argent. Certains ont même décidé d’abandonner la cuniculture. Perte d’animaux, perte d’argent, perte d’engouement,… c’est toute la filière qui est à genou.
Cette épidémie chez les lapins peut vite virer également à un problème de santé publique. Des animaux meurent en masse depuis quatre (04) mois dans au moins trois (03) régions sans qu’on ne connaisse l’origine de la maladie et jusqu’à présent il n’y a pas de réaction officielle.
Pour le moment, nous encourageons les éleveurs à ne pas en consommer ou en faire consommer par d’autres personnes. Mais nous ne pouvons pas garantir que des lapins morts de cette mystérieuse maladie n’ont pas atterri dans les assiettes de nombreux Burkinabè. Si cette maladie est transmissible de l’animal à l’homme, bonjour les dégâts !
Lefaso.net : Est-ce que la filière des lapins est viable même au Burkina Faso ?
M .S : (Rire) La filière des lapins est très viable au Burkina. Malheureusement de nombreux Burkinabè ne connaissent pas encore les vertus de la viande de lapins, ce qui explique peut-être le peu d’engouement en la matière. Permettez-moi donc de revenir sur quelques qualités de cette viande.
La viande de lapin est pauvre en sodium (49 mg/100 g) mais riche en phosphore (277 mg/100 g), présente une teneur en cholestérol relativement basse (20mg/100g) comparativement aux autres viandes de (59 mg/100g). D’autre part, elle apporte des quantités très appréciables de vitamines du groupe B (B6, B12 et PP) et est bien pourvue en de nombreux minéraux et oligo-éléments (zinc, magnésium, potassium).
Tous ces éléments contribuent soit dans la formation et le maintien de la santé des os et des dents, soit au bon fonctionnement du système immunitaire, à la synthèse des globules rouges du sang, à l’entretien des cellules nerveuses et à la croissance et à la réparation des tissus. De façon synthétique, la viande de lapin est plus riche que celle du poulet qui est la plus connue des Burkinabè comme la meilleure en éléments nutritifs. On gagnerait beaucoup plus en consommant donc de la chair de lapin.
De plus, le cheptel des éleveurs burkinabè ne permet d’avoir du lapin à chaque coin de rue pour le moment. C’est peut-être pour ça que vous avez l’impression que la filière n’est pas viable dans notre pays. Sinon les éleveurs n’ont pas un problème d’écoulement.
Lefaso.net : Les éleveurs que vous êtes ont connu un coup dur. Est-ce que vous allez pouvoir vous relever ?
M. S : Aucun doute. Il est évident qu’avec la situation actuelle, la filière, qui connaissait déjà de nombreuses difficultés, a connu un coup dur. Mais la possibilité de se relever est réelle et c’est largement une raison suffisante pour consacrer de l’énergie. Cela passe par trois choses : l’acquisition d’animaux de souches performantes résistants aux conditions environnementales du Burkina Faso, la disponibilité en aliments de qualité et en quantité pour subvenir aux besoins alimentaires des lapins et la formation de spécialistes en santé cunicole pour assurer le suivi sanitaire de ces animaux.
Tiga Cheik Sawadogo
Lefaso.net
Vos commentaires
1. Le 3 août 2018 à 02:32, par Tom Sank En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Je ne comprends pas cette association aussi passive ! Vous vous lamentez alors que la solution est simple, envoyez un ou deux échantillons en Europe pour savoir de quoi meurt vos lapins ! Vous ne parlez pas de myxomatose alors que cette épidémie s’y apparente malgré la description très sommaire des symptômes que vous faites ! Tout le monde attend tout de l’état et après passe leur temps à se lamenter !
Le 3 août 2018 à 12:46, par Omer En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Les vétérinaires et autres agents de l’Etat qui dorment dans les bureaux a ouaga ont été formé et recruté pour faire quoi ? Les gens ne s’intéresse pas à la production ni à la création de la richesse. L’Etat doit aider le secteur privé dans la création de la richesse. Elever et exporter cette viande peut être une niche intéressante pour l’économie du Burkina, qui doit être diversifiées et rien ne doit être négligé. Mais le fonctionnaire n’a pour objectif que de travailler le moins possible et de prendre son salaire à la fin du mois. Il ne s’intéresse à une chose que lorsqu’il y a des sous à détourner. Courage à vous qui essayez de créer de la richesse au Burkina.
Le 3 août 2018 à 14:28, par Neekre En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Mon ami, tu as tout dit. Personnellement je cogitais sur un projet cunicole d’une relative importance mais la lecture de cet article m’a refroidi. L’état doit être plus réactif car si les gens perdent la totalité de leur cheptels, c’est dur de repartir.
Le 3 août 2018 à 16:17, par Raogo En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Je suis désolé mais en cas d’épidémie c’est la responsabilité de l’ état qui est engagé. Dans tous les pays du monde ça fonctionne comme ça. je crois que l’état a démissionne.
2. Le 3 août 2018 à 07:01, par warb En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
L’état ayant abandonné le peuple qui est juste bon pour les votes je vous conseille d’aller voir la coopération suisse ou l’ambassade d’Allemagne pour solliciter de l’aide.Concertez vous arrêter les types de besoins, montez rapidement un dossier avec de belles photos et allez demander un rdv urgent.sinon vous allez moisir si vous comptez sur notre état .Dans un pays normal les autorités allaient intervenir rapidos pour éviter un drame sanitaire et économique. Je me demande souvent si ce sont les bailleurs de fonds qui nous dirigent ou bien ce sont nos élus. Franchement c’est décevant et révoltant quand on lit votre situation. Les fonds secrets de la presidence et même de l’AN servent à quoi pour ne pas soutenir ponctuellement une filière en phase de disparition. Blaise faisait mieux que toute la légèreté actuelle.
Le 3 août 2018 à 15:17, par RAWA En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Tu voies, toi et ton Blaise, vous avez justement abandonné le pays aux mains de l’étranger. Au lieu de donner des idées pour régler le problème à l’interne, tu sautes conseiller d’avoir recours à des cooperations étrangères. C’est pour cela que nous vous avons chassé à coup de baton et vous persistez dans vos erreurs. Tu penses que si l’état est normalement saisi, si cette maladie est inconnue au faso, l’état Burkinabè ne peut pas trouver un laboratoire à l’étranger pour régler ce problème ? Il faut apprendre à compter sur nous même.
3. Le 3 août 2018 à 08:00, par ASSETA En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
malheureusement l’état n’a même pas fini avec la mortalité des êtres humains dans son pays. Donc calmez pour vous là.
4. Le 3 août 2018 à 10:32, par HPU En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Monsieur SIMPORE
Je pense que vous avez mal gérer la situation.
Pourquoi sauter les autorités locales ( ZATE, DPRAH et DRRAH) pour aler à Ouaga , et même demander une audience avec le ministre ( il n’est pas un technicien !!!). L’administration est organisée en hiérarchie ,donc en sautant les étapes vous beaucoup avez de malchance de ne pas aboutir. L’information doit circuler de l’éleveur à l’agent d’élevage ou l’autorité locale qui à son tour informe sa hiérarchie et propose des mesures immédiates.
Peut être que le problème n’est même pas connu au niveau des provinces, ZATE et régions concerné. Que dire de ces autopsies que vous êtes improvisé ? Est ce légal ?
Le 3 août 2018 à 14:48, par salif En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
A t-on besoin d’une autorisation administrative pour faire une autopsie sur son animal mort chez soi ?
5. Le 3 août 2018 à 12:10, par Responsabilité En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
État par ci, état par là...tout de même ! L’etat c’est d’abord nous. Les éleveurs de lapins aujourd’hui, de chiens demain...porcs, chauve-souris et canards après-demain ?!
6. Le 3 août 2018 à 12:50, par war En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Mr HPU cela montre l’incompétence et même l’inutilité de ses services departementaux et provinciaux qui coûtent chers à l’état pour rien.Normalement ces services devaient s’intéresser au problème et s’en saisir comme dossier urgent à resoudre.C’est parce qu’ils sont incompétent et inefficaces que les producteurs ont préféré porter eux-même leurs problèmes.
7. Le 3 août 2018 à 14:35, par TANGA En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Il ne faut plus leur donner les légumes des marchés.
Alimentez les plutôt avec l’herbes de la brousse. Avec les pesticides qu’il y a maintenant, on ne sait pas les conséquences même sur les hommes.
L’IRSS doit se pencher sur ce problème afin de lever les doutes sur certains problèmes. Voyez que MONSANTO a des problèmes alors que notre pays a beaucoup utilisé leur produits.
8. Le 3 août 2018 à 16:41, par tibo En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Pour la formation dans tous les domaines si l’État encourageait un pour cent des formés à s’installer à son compte on aurait eu un 2 vétérinaires dans le lot de ceux qui sont dans le pétrin. Les réactions auraient été tout autre. Bon courage. Nous avons tous du boulot.
9. Le 3 août 2018 à 19:23, par Wendlaboumb En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Hmmmm,
Silence, on prépare les élections. C’est la priorité des priorités.
En 2020 on prendra en charge cette urgence si tout se passe bien. Restez calmes, la situation sera sous contrôle très bientôt.
10. Le 4 août 2018 à 09:52, par Sanou Solo En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Ce qui nous arrive ne devrait pas nous étonner, puisse que malgré souvent les grandes compétences que regorgent certains privés le MRAH ne les empêche d’intervenir sous prétexte qu’il n’ont pas d’autorisation ; ceux qui ont l’autorisation (agents de l’état, ou quelques docteurs vétérinaires) préfèrent leur bureau ou les séminaires, que d’être sur le terrain auprès des éleveurs ; conséquences les éleveurs sont abandonnés à eux mêmes, donc pratiquent l’automédication ou se font raqueter par de faux techniciens.
11. Le 11 août 2018 à 18:56, par LE NORMAND En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Bonjour M. SIMPORE,
Ce que vous décrivez ainsi que la photo d’autopsie évoquent la VHD à virus variant ; ce nouveau virus attaque également le lièvre qui y est sensible (contrairement à la forme classique). Je suis vétérinaire cunicole en France et nous connaissons malheureusement bien cette maladie. Nous pouvons réaliser un diagnostic de certitude si nous avons des foies (présentant des décolorations ou une couleur framboise) sur lesquels nous réaliserons des analyses par PCR. NOus pouvons échanger si vous le souhaitez. Le site a mon courriel.
Bon courage
B. LE NORMAND
Le 14 août 2018 à 00:32, par stagiaire En réponse à : Mortalité de lapins au Burkina : « L’Etat nous a abandonnés à notre triste sort » Moumouni Simporé, président de l’association des éleveurs de lapins
Salut, respect surtout ! Que Mr simporé reagisse vite.
Je me dis que cout est élevé si on fait le PCR (meme si sa permet un diagnostic de certititude). Etudes sérologiques pour plusieurs pathologies seraient mieux indiquées pour les type d’élevage de lapin au Burkina. Cela permettrait d’avoir une idée sur le spectre de maladies et formuler des programmes de santé (vaccination et traitement).
Mais votre contribution avec le PCR sera la bien venue (car je pleure la perte des animaux et la faillite de mes collaborateurs). Merci de nous venir en aide.