Validation des mandats des députés : « Il y a une violation de la Constitution, mais cette violation n’est pas encore problématique », explique Siaka Coulibaly
Les mandats des 127 députés issus de 15 partis et formations politiques ont été validés, le lundi 28 décembre 2020. La validation des mandats de certains députés (notamment des membres du gouvernement en exercice) est sujet à polémique au sein des Burkinabè. Certains estimant qu’il y a incompatibilité entre fonction de ministre et celle de député. Pour comprendre le sujet en débat, nous avons approché le responsable du Centre de suivi et d’analyse citoyens des politiques publiques, l’analyste politique, Siaka Coulibaly.
Lefaso.net : Avec la validation des mandants des nouveaux députés, ne se retrouve-t-on pas dans un cas d’incompatibilité avec les ministres qui ont été élus, quand on sait qu’ils n’ont pas démissionné du gouvernement ?
Siaka Coulibaly : Effectivement, l’article 70 de la Constitution dispose que « Les fonctions de membre du gouvernement sont incompa¬tibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute activi¬té professionnelle rétribuée et de toute fonction de représentation professionnelle ». On peut, à partir de cette disposition, considérer que les membres du gouvernement encore en exercice, qui ont été élus et dont les mandats de députés ont été validés, sont en situation d’illégalité. Cependant, en allant plus en profondeur, on peut trouver des subtilités juridiques dans les procédures institutionnelles qui donnent quelques marges de manœuvre avant que cette situation ne devienne totalement délictuelle.
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Lefaso.net : Quelle est la légitimité de l’acte de validation des mandats par l’Assemblée nationale ?
Siaka Coulibaly : L’Assemblée nationale a validé les mandats des députés nouvellement élus sur la base de la décision du Conseil constitutionnel, elle-même fondée sur le processus et le contentieux des élections. L’Assemblée nationale ne pouvait pas aller plus loin. Une fois qu’elle a validé les mandats et élu le bureau, elle va soumettre ces deux actes au Conseil constitutionnel, une deuxième fois, et celui-ci va procéder à un contrôle de constitutionnalité, notamment au regard de cet article 70 de la Constitution.
Ce ne sont pas seulement les mandats des ministres qui seront passés en revue par le Conseil constitutionnel, en termes d’incompatibilité, mais tous les mandats des députés ; parce que la Constitution interdit aussi qu’un député mène des activités lucratives, professionnelles et de représentation.
Ce contrôle du Conseil constitutionnel aura un caractère judiciaire qui sanctionnera tout cumul de fonction avec le mandat de député.
Ainsi, oui il y a violation de la Constitution, mais cette violation n’est pas encore problématique. Elle le sera dans le cas où, après la formation du gouvernement, certains de ses membres continuaient à siéger au parlement. Cette violation est très passagère et elle ne peut survivre au contrôle du Conseil constitutionnel. Dans l’intérêt de la légalité et de l’Etat de droit, il serait judicieux que le contrôle du Conseil constitutionnel intervienne après la formation du gouvernement.
Lefaso.net : Quelles pourraient être les conséquences d’une telle situation ?
Siaka Coulibaly : Si par aventure, très peu probable, le gouvernement est formé et que ces membres déjà élus députés agissaient en tant que ministres au quotidien, et que la première session s’ouvrait avec dans ses rangs, ces ministres qui n’auraient pas quitté l’hémicycle, alors, la voie serait ouverte aux actions judiciaires. Et, il est certain que l’opposition politique, par exemple, ne se priverait pas d’une telle opportunité. Par ailleurs, des actions citoyennes pourraient aussi voir le jour afin de mettre fin à cette irrégularité.
Propos recueillis par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net
Vos commentaires
1. Le 30 décembre 2020 à 13:29, par Baasziiri En réponse à : Validation des mandats des députés : « Il y a une violation de la Constitution, mais cette violation n’est pas encore problématique », explique Siaka Coulibaly
’’ l’opposition tient là un bon bout’’ ces propos sont de ce monsieur au lendemain des élections couplées.... Pourquoi continuer à écouter une personne qui s’ est parjurée ??
2. Le 30 décembre 2020 à 13:50, par Georges En réponse à : Validation des mandats des députés : « Il y a une violation de la Constitution, mais cette violation n’est pas encore problématique », explique Siaka Coulibaly
Lisons le code électoral dont l’article 173 dispose que
« le député qui, lors de son élection, se trouve dans l’un des cas d’incompatibilité
visés au présent chapitre, est tenu d’établir dans les quinze jours qui suivent son
entrée en fonction, qu’il s’est démis de ses fonctions incompatibles avec son mandat.
Le député qui, en cours de mandat, a accepté une fonction incompatible avec celui-ci, ou qui s’est mis dans la situation d’actionnaire majoritaire déclarée incompatible
en vertu de l’article 170 ci-dessus, ou qui a méconnu la nécessité de l’autorisation
préalable du bureau de l’Assemblée nationale prévue à l’article 168 ci-dessus est
également déclaré démissionnaire d’office, à moins qu’il ne se démette
volontairement de son mandat.
La démission d’office est constatée dans tous les cas par l’Assemblée, à la demande
du Président du Faso ou du bureau de l’Assemblée. Elle n’entraîne pas l’inéligibilité. »
3. Le 30 décembre 2020 à 16:10, par Oh que non ! En réponse à : Validation des mandats des députés : « Il y a une violation de la Constitution, mais cette violation n’est pas encore problématique », explique Siaka Coulibaly
Oh que non ! Les hommes de droit... Donc on peut violer la Constitution sans que ce soit problématique ?
Reconnaissez plutot que les hommes de droit et autres constitutionnalistes que vous êtes, avez procédé à un assemblage hétéroclite de textes qui peinent à se conformer à la réalité, quand ils ne se contredisent pas tout simplement. Il faut travailler à les corriger, mais de grâce, arrêtez de laisser entendre qu’il y a des violations de la Constitution qui ne soient pas problématiques. La Constitution ne doit jamais être violé !
4. Le 30 décembre 2020 à 20:12, par HUG En réponse à : Validation des mandats des députés : « Il y a une violation de la Constitution, mais cette violation n’est pas encore problématique », explique Siaka Coulibaly
Monsieur coulibaly dans ce pays avec on suit celui qui est au pouvoir pour ce que vous savez. Comprenez ceci : tout le monde est largement rassemblé et ceux qui ne sont pas au rassemblement courent pour y aller disait Norbert zongo. Rien m émeut personne. Courage a vous.
5. Le 31 décembre 2020 à 02:49, par jeunedame seret En réponse à : Validation des mandats des députés : « Il y a une violation de la Constitution, mais cette violation n’est pas encore problématique », explique Siaka Coulibaly
En vertu de quoi cette violation est-elle non-problématique et donc assurée ? En avez-vous d’autres exemples aux retombées favorables ? De quel gouvernement ? Messieurs les hommes de droit, vous n’êtes pas droits. Et c’est cynique d’accueillir et de minimiser toute violation comme virus bénin dans les affaires du pays avec ce statut en droit. Savez-vous que les plus terribles pandémies sont générées par virus ou 1 microbe ? Si vous ne vous agonisez pas de cette violation, c’est que vous y êtes complice au détriment de tous. Parmi nos bêtises de gestion et d’assujettissement, figurent bien la nonchalance et la négligence ou l’impunité. À quelles fins ?