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« Nous sommes soulagés de savoir que c’était une fausse alerte. Mais… », Zéphirin Diabré, président de l’UPC, au sujet des ‘’fausses cartes d’électeur’’

Publié le jeudi 5 novembre 2015 à 05h37min

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« Nous sommes soulagés de savoir que c’était une fausse alerte. Mais… », Zéphirin Diabré, président de l’UPC, au sujet des ‘’fausses cartes d’électeur’’

1er anniversaire de l’insurrection populaire, les temps forts de la lutte contre la modification de l’article 37, démission de Blaise Compaoré, marche de la transition, affaire fausses cartes d’électeurs… ; ce sont entre autres points sur lesquels le président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), Zéphirin Diabré a bien voulu réagir dans cet entretien qu’il nous a accordé. « Zéph », sans langue de bois !

Lefaso.net : Quelles sont, à votre avis, les grandes dates qui ont jalonné la lutte contre le projet de modification de l’article 37 ?

Zéphirin Diabré : D’abord, je dois dire que le combat pour un nouveau Burkina avait commencé depuis plusieurs années et je tiens à rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont eu la lourde charge d’animer l’opposition face au régime de Blaise Compaoré. Pour ma part, j’ai commencé à avoir un rôle très actif à la naissance de mon parti l’UPC en 2010, puis lorsque je suis devenu chef de file de l’opposition en 2013. Tout est parti de la lutte contre la mise en place du Senat, qui a été un grand combat, et qui s’est soldé pour nous par une victoire, puisque le Senat a été ‘’enterré’. Ensuite ce fut la lutte contre la modification de l’article 37 qui, elle, s’est échelonnée tout au long de l’année 2014 avec le dénouement que vous savez, à savoir l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.

Lefaso.net : Une certaine opinion croit que votre arrivée a été décisive dans la lutte, quel a été votre rôle, votre touche particulière dans tout cela ?

Zéphirin Diabré : Il n’y a pas de touche particulière. Le combat a été mené par les partis politiques, la société civile, et les différentes composantes de notre peuple. C’est à tout ce monde que revient le mérité de la victoire.

Lefaso.net : Ainsi, les évènements se sont succédé jusqu’à la journée du 30 octobre ; comment avez-vous, personnellement, vécu cette journée-là ?

Zéphhirin Diabré : Avec un grand sentiment de responsabilité, au regard de ma fonction de CFOP (Chef de file de l’opposition politique, ndlr) ; une grande crainte pour le dénouement qui n’était pas prévisible à l’avance ; et une grande colère face à la répression qui a entraîné des dizaines de morts ; et enfin un grand soulagement après la chute du régime.

Lefaso.net : Vous attendiez-vous à la démission ?

Zéphirin Diabré : En commençant la lutte, personne ne pouvait dire à l’avance quelle en serait l’issue. Mais, je dois dire que dès lors que nous avons appris que la répression avait entrainé des morts, l’opposition a estimé qu’elle devait demander le départ pur et simple de Blaise Compaoré. Et pour nous à partir de ce moment, la démission allait avoir lieu. Et nous en sommes devenus très certains, dès lors que l’armée a pris contact avec l’opposition, et nous a fait comprendre que pour elle aussi cette démission était acquise, et qu’il fallait simplement en étudier les modalités.

Lefaso.net : Justement, le 30 octobre, il y a eu à un certain moment le retrait du projet de loi, ensuite l’intervention du Chef de l’Etat. Quelle a été votre position en ce moment précis ?

Zéphirin Diabré : Tout cela nous a laissé de marbre. Je redis que dès lors que la certitude était établie qu’il ya eu des morts, donc que le sang des burkinabè avait coulé, il n’y avait plus de dialogue possible.

Lefaso.net : Il se susurre que c’est sous pression que vous avez demandé la démission du Président du Faso…

Zéphirin Diabré : Ce n’est pas le Chef de file de l’Opposition qui invente les positions de l’opposition. Le CFOP n’est que le porte-parole de l’opposition. Tout ce qu’il dit est le résultat du consensus auquel aboutit la discussion des chefs de partis. Donc, il ne m’appartenait pas en tant qu’individu de demander ou ne pas demander la démission du chef de l’Etat. Je ne peux le faire que si j’y suis autorisé par les partis politiques de l’opposition. Tous les communiqués que je lis sont rédigés, discutés et approuvés par l’ensemble des partis de l’opposition. Je ne suis que leur porte-parole. Si pression il y a eu, c’est celle des événements. Et en l’occurrence, ce sont les morts suite à la répression.

Lefaso.net : … et la société civile ?

Zéphirin Diabré : Quand nous avons commencé à lutter contre la mise en place du Sénat, les OSC (organisations de la société civile, ndlr) étaient très méfiantes et en dehors de quelques-unes, elles ne voulaient pas s’associer à l’opposition. Au fur et à mesure que le combat s’intensifiait, elles ont changé d’avis, en dehors des syndicats qui eux sont restés sur leur réserve. Et c’est une bonne chose parce que les OSC, en s’alliant avec les partis du CFOP, ont contribué indéniablement à booster le combat. Cela dit vous savez, quand les guerres finissent, les généraux qui ont remporté la victoire sont très nombreux ! Et des prétentions vont avec ! Mais c’est un débat qui ne m’intéresse pas !

Lefaso.net : Quelles sont les leçons que vous tirez de cette insurrection ?

Zéphirin Diabré : Je retiens que les 30 et 31 octobre restent gravés dans la mémoire collective mais que c’est aussi un défi pour nous de construire un Burkina qui soit nettement meilleur que celui que nous avons décrié. C’est là où mon regard se tourne, puisqu’il s’agit maintenant de faire en sorte que l’avenir soit beaucoup plus radieux. Ce n’est pas une mince affaire mais je pense qu’en s’y mettant ensemble, on devrait pouvoir quand même réussir.

Lefaso.net : La transition a été mise en route, il y a bientôt un an. Quelle est votre appréciation de la conduite de cette phase de notre démocratie ?

Zéphirin Diabré : Je pense que le bilan de la transition est globalement positif. Je sais aussi que les attentes des Burkinabè étaient très nombreuses et qu’ils peuvent être déçus par tel ou tel aspect. Ils doivent comprendre que ce n’est pas facile, pour le Président Kafando, pour le Premier ministre Zida et l’ensemble de leur équipe. L’essentiel, je pense, est qu’ils aient posé un certain nombre de bases ; il appartient à ceux qui viendront après les élections de continuer.

Lefaso.net : Que répondez-vous à ceux qui disent que vous, politiques, vous vous préoccupez plus des élections que du sort des victimes de l’insurrection ?

Zéphirin Diabré : C’est un faux procès. Le rôle des partis politiques, c’est de conquérir et d’exercer le pouvoir d’Etat. Et cette conquête se fait à travers les élections. En quoi préparer des élections signifie qu’on ne se préoccupe pas du sort des victimes ?

Lefaso.net : Certains estiment par ailleurs que le Conseil national de la transition doit freiner son ardeur à voter les lois, estimant que le vote de certaines de ces lois devrait revenir aux futures autorités. Votre avis ?

Zéphirin Diabré : Lorsque le projet de modification de la constitution a été soumis aux membres du Cadre de Concertation de Partis Politiques (CCPP), ceux-ci ont estimé que les modifications qui étaient présentées étaient d’une ampleur telle qu’on aboutissait finalement à une autre constitution. Or l’adoption d’une constitution par référendum (pour lui donner la plus grande légitimité populaire) doit être précédée d’un très large débat national parce qu’il y a des questions de fond autour desquelles il faut un consensus. Or manifestement, le temps manque pour cela, et encore moins pour l’organisation d’un référendum.

Lefaso.net : Des activités ont été initiées pour marquer les événements douloureux des 30 et 31 octobre 2014, avez-vous un regard particulier sur cet instant ou à la faveur de cette commémoration ?

Zéphirin Diabré : D’abord, ces commémorations s’imposent ; parce qu’il ne faut jamais oublier. Et il est important que les générations à venir grandissent dans la connaissance de ce qu’ont fait leurs devanciers. Les Burkinabè ont donné de leur vie (ce qu’un être humain a de plus cher) pour que notre pays aille de l’avant. Il faut non seulement qu’il y ait commémoration chaque année, mais il faut aussi que l’assistance la plus appropriée soit donnée aux blessés et aux familles des victimes. Je sais que le représentant des blessés s’était plaint lors de la cérémonie à ce qu’il y a des lenteurs mais j’ai été rassuré en entendant le Président Kafando dire haut et fort que la Transition allait tout faire pour que des actions concrètes soient prises avant la fin de son mandant.

Lefaso.net : Nous sommes à quelques semaines du scrutin couplé législatives, présidentielle ; un message particulier pour les insurgés d’octobre ?

Zéphirin Diabré : Nous avons souhaité qu’il y ait cette nouvelle démocratie ; c’est le sens du combat que nous avons mené ensemble. Nous, nous appartenons à la mouvance de l’ancienne opposition qui a été au cœur du combat pour ce changement. Nous l’avons mené parce que ensemble, avec tous les burkinabè, nous avions un certain nombre d’aspirations. L’élection du 29 Novembre est l’occasion pour faire triompher ces aspirations ! Pour moi, être en phase avec ces aspirations va de soi !

Lefaso.net : Le dossier sur ‘’l’affaire des fausses cartes d’électeurs’’ a été déclaré vide par la juridiction compétente, alors que votre parti était monté au créneau pour prendre à témoin l’opinion nationale et internationale ; comment avez-vous accueilli la décision ?

Zéphirin Diabré : Notre parti n’a fait que jouer son rôle. Dès qu’il a reçu l’information, il a alerté les autorités compétentes. Mais l’UPC n’a jamais posé plainte. Il a fait entièrement confiance aux autorités compétentes pour mener les enquêtes et situer la vérité. Nous sommes soulagés de savoir que c’était une fausse alerte. Mais nous demeurons vigilants car sur ce terrain, celui de la fraude, notre pays a malheureusement une triste histoire !

Entretien réalisé par :
Oumar L. OUEDRAOGO
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