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Village artisanal de Ouagadougou : Les locataires ne veulent pas bouger

Publié le mercredi 19 mai 2010 à 04h00min

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En fin 2011, 49 artisans, chefs d’ateliers du Village artisanal de Ouagadougou, doivent quitter le site. Ils seront remplacés par d’autres artisans burkinabè sélectionnés à travers tout le pays. L’échéance arrive à grands pas et les esprits commencent à se chauffer. Le 2 avril dernier, lors d’une réunion " d’information" convoquée par la gestionnaire du Village, Patricia Badolo, les locataires du Village, autour de leur Groupement d’intérêt économique (GIE), ont manifesté leur réticence à céder leurs places à la date butoir. Ils veulent rester indéfiniment dans leur beau cadre de travail qu’est le VAO (Village Artisanal de Ouagadougou).

C’est en 2005 que le conseil de gestion du Village a décidé que le contrat des artisans ne doit plus être renouvelé plus de six fois. Chaque artisan a droit à un séjour au VAO de 7 ans tout au plus. Le bail est certes annuel, mais personne ne doit bénéficier de plus de 7 ans de séjour au VAO. Cette mesure aurait pour but de permettre au maximum d’artisans burkinabè de pouvoir accéder au Village. C’est à partir de janvier 2005 que la mesure est entrée en vigueur.

Ce qui semble contesté aujourd’hui est le fruit d’un long processus qui a commencé en 2002. Après deux ans de fonctionnement du Village (il a été ouvert en 2000), le partenaire luxembourgeois a commandité une étude d’évaluation. Une de ses recommandations, c’est d’ouvrir le Village au maximum d’artisans du Burkina. Pour cela, il faut instaurer un système de rotation au sein du Village. Le Conseil de gestion a adopté le principe et a proposé une rotation tous les 5 ans. Le Conseil composé de 7 membres dont 2 représentants des artisans a demandé au GIE du Village de faire ses amendements par écrit sur tous les points évoqués.

Yacouba Guira, Président du GIE du VAO

Dans leurs réponses, les artisans n’ont pas rejeté le principe de rotation, mais ont demandé que le renouvellement des contrats soit possible jusqu’à la quinzième année. Après plusieurs concertations, le Conseil de gestion et le Groupement d’intérêt économique (GIE) des artisans se sont entendu sur une durée maximale de 7 ans par chef d’atelier. Ils se sont également entendu pour que la mesure ne soit pas retro active. C’est sur cette base que les nouveaux contrats ont été signés. Tous les 72 chefs d’atelier qui occupent actuellement le site ont accepté la nouvelle clause, à savoir la limitation des renouvellements à 6 ans. La nouvelle mesure va commencer à faire ses effets à partir de fin 2011. Quarante neuf (49) des 72 chefs d’ateliers sont concernés. Ils devront faire leurs bagages à la date indiquée.

Mais aujourd’hui, ils ne sont plus d’accord avec la mesure. Ils souhaitent la non limitation des bails. Leur président, Yacouba Guira, en appelle au président du Faso, Blaise Compaoré : "Je lance un appel au président pour qu’il nous vienne en aide. C’est grâce à lui que ce village existe, nous comptons sur lui".

La proposition des artisans, c’est de donner la possibilité à ceux qui sont à jour de paiement de rester au VAO le temps qu’ils souhaitent et de créer d’autres Villages pour les autres artisans qui souhaitent rejoindre le Village. Ils estiment qu’ils ont assez fait pour le Village pour mériter un tel sort : "C’est nous qui avons fait la reputation du VAO. Tous les artisans sélectionnés en 2000 pour animer le Village étaient déjà des professionnels, des gens confirmés. En somme, ce sont des maitres dans leur métier. A l’époque, on nous a demandé de fermer nos ateliers en ville pour venir animer le VAO. Nous avons effectivement fermé et sommes venus. Pendant les 6 premiers mois, nous n’avions rien. Par patriotisme, nous sommes restés et à bout de travail, nous avons conférer une âme à ce Village." C’est donc sur cette légitimité "historique" que se fondent les actuels locataires du VAO pour demander à l’Etat burkinabè de reconsidérer la décision du Conseil de gestion.

La gestionnaire du Village, Patricia Badolo, ne souhaite pas, quant à elle, commenter la position des artisans : "J’assume une charge d’exécution. A la réunion du 2 avril, je n’ai fait que rappeler les décisions prises par le conseil de gestion et voir surtout comment mettre en application les mesures d’accompagnement, à savoir le plan de formation et de management. Je voulais juste qu’ils me fassent des propositions sur le contenu des formations et l’agenda qui leur convient. La réunion ne visait pas à revenir sur ce qui a déjà été adopté en conseil de gestion." Le perfectionnement des techniques de produit, le développement d’une saine concurrence, la recherche permanente d’innovation et de créativité, et une politique active de marketing et un bon positionnement sur les marchés extérieurs font partie des objectifs prioritaires du plan stratégique du Village.

La préoccupation actuelle de la direction du VAO, c’est qu’avant de quitter le Village, les artisans puissent bénéficier des outils pour se défendre à l’extérieur. C’est encore la position des conseillers (excepté les 2 représentants des artisans) qui administrent le village, à savoir les représentants de la Chambre du commerce, du ministère du commerce, de l’Onac et du SIAO. Le processus va se poursuivre et la rotation se fera en fin 2011 comme prévu. Les demandeurs de places au Village sont de plus en plus nombreux. Depuis la réuinion du 2 avril et les bruits sur les radios FM, les demandes ne font qu’affluer de partout au Burkina au point que la gestionnaire a mis fin à la reception des dossiers. Les artisans du "dehors" souhaitent intégrer rapidement le Village pour pouvoir bénéficier des nombreux avantages du cadre. Vu l’engouement qu’il suscite, on ne peut pas dire que le VAO ne se porte pas à merveille. Les artisans et les gestionnaires ne se plaignent pas de ce côté. Les affaires marchent très bien. L’artisanat nourrit bien ces hommes et femmes.

VAO : Une vitrine de l’artisanat burkinabè

Le Village artisanal de Ouagadougou (VAO) a ouvert ses portes en mars 2000. Son inauguration officielle a eu lieu en marge du Salon international et de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) en octobre 2000. Projet financé par l’Etat burkinabè, la Chambre de commerce et d’industrie et le Grand Duché du Luxembourg, le village devait accueillir à l’origine quelques trois cent artisans venus des quatre coins du pays et sélectionnés sur des critères d’expérience et d’excellence. Aujourd’hui, alors que le village fonctionne sur fonds propres depuis 2008, appuyé par la Chambre de Commerce et de l’Industrie et par l’Etat burkinabè, il regroupe 500 artisans répartis en groupements économiques qui représentent plus de trente métiers tels que la bijouterie, la sculpture sur bronze, la poterie, la peinture etc. En tout, soixante douze chefs d’ateliers ont été sélectionnés pour une durée de sept ans par un jury professionnel composés entres autres d’artisans, de membres de l’administration du village, de représentants de la Chambre de Commerce et du Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO).

Sa création a contribué à valoriser l’artisanat burkinabè, et à offrir un cadre plus convivial à de nombreux artisans dont les métiers étaient méconnus et parfois sous-estimés. Ils sont environ neuf cent soixante mille (960 000) artisans (hommes et femmes) exerçant dans le secteur de l’artisanat au Burkina. Ce secteur contribue pour 30% au produit intérieur brut (PIB). Un artisan désireux d’intégrer cet espace soumet une candidature après avoir rempli une fiche d’inscription. Un comité de sélection examine cette candidature et procède à une présélection en tenant compte d’un certain nombre de critères.
Ces critères sont : la qualité du travail, le professionnalisme et le travail d’équipe.

Ce comité examine les dossiers de candidatures s’il y a plusieurs, et sélectionne les meilleurs parmi les meilleurs qui seront retenus.
Le fonctionnement du site est assez simple : chaque chef d’atelier est en charge de sa production et peut prendre jusqu’à huit ouvriers ou apprentis qu’il s’engage à former afin de permettre un transfert de compétence et de participer à l’émergence de jeunes talents. L’administration du village appui, elle, les artisans dans les domaines de la commercialisation, de la gestion et de la formation. Elle possède une salle d’exposition-vente, dite show room, dans laquelle sont sélectionnées chaque semaine les meilleures productions du site. Les artisans présents sur place paient à l’administration du village un loyer modéré pour l’occupation de leurs ateliers ainsi qu’une commission sur la vente de chaque objet.
Selon le type d’atelier, le contrat de location mensuelle des ateliers peut s’élèver soit à 50 000 F CFA, 40 000 f CFA ou 20 000 f CFA.

A l’échelle internationale, le village artisanal est d’ores et déjà implanté dans les foires de New York, Los Angeles, Paris et Berlin et séduit le public étranger en multipliant sa communication dans les ambassades et les hôtels. Il ne délaisse pas pour autant le public local. Le village est doté d’un espace pour les cérémonies (mariage, baptême etc.) pour attirer en son sein de nombreux Ouagalais sans qu’il ne soit d’abord question d’artisanat. Le village est également au rendez-vous des temps fort de la vie des Burkinabè et marque les évènements comme les fêtes de Noël, la Saint Valentin. Les scolaires sont surtout invités à visiter régulièrement le village et à se former aux différentes techniques présentes sur place. Les responsables du site parient sur ces enfants pour être les meilleurs ambassadeurs du village, car leur plaisir et leur curiosité les poussent à revenir, peut-être accompagnés de leurs parents.

Idrissa Barry

D’Événement

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Vos commentaires

  • Le 19 mai 2010 à 09:26, par lilboudo En réponse à : Village artisanal de Ouagadougou : Les locataires ne veulent pas bouger

    Bravo aux gestionnaires du VAO. Si les affaires marchent bien comme l’article le laisse penser, on devrait envisager effectivement de créer d’autres villages d’artisanat, pour étendre la capacité du premier. Pour une fois qu’on semble avoir un avantage comparatif dans un domaine, ca sera dommage qu’on ne s’y spécialise pas par manque de vision. Et si c’est seulement les premiers artisants installés qui font des profits faramineux, on devrait reviser leur loyer, pour contrer tout opportunisme.
    En bref, ce n’est pas un problème que le VAO soit rentable - c’est d’ailleurs le souhait - mais c’est une nécessité de revoir, soit les critères d’attribution, soit envisager d’autres cadres dont les coûts de construction seront remboursés par la rentabilité de l’artisanat

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