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Caractérisation de la variabilité climatique dans la région du Centre-nord du Burkina Faso entre 1961 et 2015

Publié le vendredi 9 février 2024 à 15h00min

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Caractérisation de la variabilité climatique dans la région du Centre-nord du Burkina Faso entre 1961 et 2015

1. Introduction

Le Sahel ouest-africain subit les effets néfastes de la variabilité climatique. L’effet le plus significatif est la réduction à long terme des précipitations dans les zones semi-arides de ce continent (NICHOLSON, 2001). Au Burkina Faso, on note une baisse tendancielle de la pluviométrie, survenue entre la fin des années 1960 et le début de la décennie 1970 (GAUTIER et al., 1998). Selon le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC, 2007), les conséquences de la variabilité climatique sur les économies des pays africains sont déjà considérables et ce, d’autant plus que ce continent est le plus vulnérable.

En effet, les évènements climatiques extrêmes pourraient devenir plus fréquents avec le réchauffement climatique. Il s’agit notamment des sécheresses intenses, des fortes pluies, des inondations, des hausses de températures et des vents violents. En effet, la fréquence des pluies extrêmes est en hausse dans la région du Centre-nord du Burkina Faso depuis la fin des années 1980, et les décennies 1990 et 2000 (KABORE et al., 2017). Or ces évènements ont un impact négatif sur l’agriculture, l’élevage et les ressources naturelles (KARIMOU BARKE et al., 2015) qui sont le moteur des économies des pays ouest-africains. L’économie de cette région repose essentiellement sur l’agriculture pluviale. Les irrégularités annuelles et interannuelles de la pluviosité se traduisent par des saisons de pluies déficitaires avec pour conséquences de mauvaises récoltes.

La présente publication de vulgarisation a pour but de caractériser la variabilité climatique dans cette région entre 1961 et 2015. L’intérêt de cette publication est de produire et diffuser l’information climatique utile pour les décideurs politiques et les acteurs du monde rural. Cette information étant considérée comme un intrant agricole permettant d’améliorer la production afin de lutter durablement contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté croissante. Elle est destinée aux producteurs et aux gestionnaires des ressources en eau.

2. Méthodologie

Des séries pluviométriques journalières de onze postes de la région du Centre-nord (Figure 1) ont été collectées auprès de l’Agence Nationale de la Météorologie du Burkina (ANAM), et couvrent la période 1961-2015. L’indice pluviométrique standardisé (IPS) a été utilisé pour déterminer les années sèches ou pluvieuses dans les localités de Barsalogho et Tougouri représentatives de la zone sahélienne, et Boulsa et Kongoussi pour la zone soudano-sahélienne. Pour caractériser la fréquence, l’intensité et la durée des évènements climatiques extrêmes, les indices recommandés par l’Expert Team on Climate Change Detection Monitoring and Indices (ETCCDMI) de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) ont été utilisés. Il s’agit du nombre total annuel de jours caractérisés par des pluies ≥ 10 mm, des pluies ≥ 20 mm, des pluies ≥ 50 mm, des pluies intenses (P95p) et des pluies extrêmes (P99p). Le nombre annuel de jours de pluie a été déterminé sur la base du seuil de 0,1 mm par jour. Pour déceler d’éventuels changements dans l’évolution de tous ces paramètres climatiques (pluie annuelle, nombre annuel de jours pluvieux, indices ETCCDMI) durant les sous-périodes 1961-1990 et 1981-2015, des méthodes statistiques de recherche de tendance (Test de corrélation sur le rang) et de détection de ruptures (Test de Pettitt) ont été utilisées. Une « rupture » peut être définie par un changement dans la loi de probabilité des variables aléatoires dont les réalisations successives définissent les séries chronologiques étudiées.

Figure 1 : La région du Centre-nord du Burkina Faso et les postes pluviométriques.
3. Résultats

3.1. Evolution interannuelle des précipitations (1961-2015)

La période 1961-1969 a été excédentaire dans la région (Figure 2). La période 1970-1993 a été fortement déficitaire. La période 1994-2015 est caractérisée par une alternance des années sèches et des années humides, avec une légère reprise de la pluviométrie constatée depuis 1994. La région a connu une modification de son régime pluviométrique (baisse des cumuls pluviométriques et des pluies journalières) depuis la fin des années 1960. En effet, on note une baisse moyenne de -26,5 % dans la zone sahélienne et de -22,5 % dans la zone soudano-sahélienne entre 1961 et 1990 (Tableau I). Cette baisse est accompagnée d’une réduction des jours pluvieux (soit en moyenne de -14 jours dans les deux zones climatiques) durant la même période.

3.1.2. Evolution interannuelle des précipitations (1981-2015)

La pluviométrie a amorcé un retour vers des périodes plus humides depuis la fin des années 1980, et les décennies 1990 et 2000 dans la région. La reprise est plus prononcée dans la zone sahélienne (hausse moyenne de +31,7 % entre 1981 et 2015) que dans l’espace soudano-sahélien (hausse moyenne de +22,6 %) (Tableau II). Le retour des pluies est plutôt lié à une fréquence élevée des évènements de forte intensité pluviométrique (Tableau III) qu’à une hausse des jours pluvieux.

En effet, le nombre annuel de jours pluvieux a connu une augmentation à Barsalogho, Bouroum, Boulsa, Kaya, Korsimoro (période 1981-2015), tandis qu’il a baissé dans les localités de Bourzanga, Boussouma, Kongoussi, Mané, Tikaré et Tougouri. Ces résultats traduisent une forte disparité spatiale dans la répartition des jours pluvieux durant les décennies 1990 et 2000 dans la région du Centre-nord du Burkina Faso. Cette étude met aussi en exergue une persistance de la sécheresse dans les localités de Kongoussi (baisse de -20,3 % de 2005 à 2015) et de Bouroum (baisse de -26,5% de 2010 à 2015).

Figure 2 : Evolution interannuelle de l’indice pluviométrique standardisé dans les localités de Barsalogho (a), Tougouri (b), Boulsa (c) et Kongoussi (d) durant la période 1961-2015.

Tableau I : Déficits pluviométriques moyens observés par rapport à la date de rupture sérielle sur la période 1961-1990.

Tableau III : Ruptures à la hausse des indices d’extrêmes pluviométriques (1981-2015).

4. Conclusion
La pluviométrie annuelle a connu une alternance de périodes humides et de périodes sèches, avec une tendance générale à la baisse entre 1961 et 2015. La fin des années 1980 et surtout les décennies 1990 et 2000 marquent un « retour pluviométrique » vers des années plus humides dans la région du Centre-nord du Burkina Faso. On note particulièrement une persistance de la sécheresse (2005-2015) à Kongoussi et à Bouroum (2010-2015). Cette persistance traduit une importante variabilité spatiale de la pluviométrie dans cette région. La persistance ou non de la sécheresse constitue un enjeu important à l’échelle régionale ou même continentale, notamment pour les pays sahéliens qui ont eu à élaborer et à mettre en application des programmes ou plans nationaux d’adaptation à la variabilité climatique.

KABORE Pamalba Narcise1, OUEDRAOGO Amadé2, SANON Moussa1, YAKA Pascal3, SOME Léopold1

1 Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA)
Centre de Recherches Environnementales, Agricoles et de Formation de Kamboinsé (CREAF)
01 BP 476 Ouagadougou 01 – Burkina Faso.

2 Université de Ouagadougou, UFR en Sciences de la Vie et de la Terre
Département de Biologie et Physiologie Végétales, Laboratoire de Biologie et Écologie Végétales
09 BP 848 Ouagadougou 09 – Burkina Faso.

3 Agence Nationale de la Météorologie
01 BP 576 Ouagadougou 01 – Burkina Faso.

Auteur correspondant : KABORE Pamalba Narcise « kaborenarcise@yahoo.fr »

5. Références bibliographiques

GAUTIER F., LUBES-NIEL H., SABATIER R., MASSON J.-M., PATUREL J.-E. et SERVAT E., 1998. Variabilité du régime pluviométrique de l’Afrique de l’Ouest non sahélienne entre 1950 et 1989. Journal des Sciences Hydrologiques, 43 (6) : 921-935.
GIEC, 2007, Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Équipe de rédaction principale, Pachauri R.K. et Reisinger A. (publié sous la direction de)]. GIEC, Genève, Suisse, 103 p.

KABORE P.N., OUEDRAOGO A. SANON M., YAKA P. et SOME L., 2017. Caractérisation de la variabilité climatique dans la région du Centre-nord du Burkina Faso entre 1961 et 2015. Climatologie, (14) : 82-95.

KARIMOU BARKE M., AMBOUTA K., SARR B. et TYCHON B., 2015. Analyse des phénomènes climatiques extrêmes dans le Sud-est du Niger. XXVIIIè Colloque de l’Association Internationale de Climatologie, Liège : 537-542.
NICHOLSON S. E., 2001. Climatic and environment change in Africa during the last two centuries. Clim. Res., (17) : 123-144.

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