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Fait divers : "Moi encore ? Quelqu’un d’autre oui" ...

Publié le lundi 15 août 2005 à 08h58min

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"Né et grandi ici je ne vois pas ce chien, ce bâtard qui va venir me dire que je ne peux pas faire ce que je veux chez moi !" Quand le vieux Salam lance ces paroles, les gens se font tout petits, car il était grand dans le secteur.

Avec les lotissements, il avait vu ses champs parcellés. Avec sa grande bouche et son tempérament, la commission avait attribué les parcelles à tous les membres de sa famille dont ses nombreux enfants en bas âge. Cela se passait, il y a une vingtaine d’années. Avec l’urbanisation, l’eau, l’électricité, le téléphone ont fait leur apparition et Salam a vendu les multiples parcelles de ses rejetons et a fait la belle vie et s’est même rendu à La Mecque. Voilà que la voie bitumée a été faite il y a à peine un mois et cette voie passe devant la cour où habite Salam. Et c’est à partir de là, que naquirent ses problèmes.

Comme tout bon agriculteur-éleveur, Salam avait une bergerie sur la voie publique. Le tracé pour le bitume emporta les deux tiers de la superficie, ce qui ne lui plut pas. Salam avait toujours des champs qu’il exploitait à la périphérie.

Un jour, une de ses épouses, la préférée, lui fit comprendre qu’il manquait du grain. Salam intima à ses quatres épouses de balayer le goudron. Les femmes ne se firent pas répéter l’ordre. Salam appela les enfants, fit décoiffer le grenier et les épis furent entassés sur le goudron et les femmes se mirent à les battre pour en extirper les grains.

Nous étions au mois d’avril et un jour ouvrable. Cette activité perturbant la circulation, un policier de passage constata les faits et les rapporta à son supérieur. Très vite, une escouade de policiers se constitua et fut transportée sur les lieux. Les batteuses, les batteurs, les grains récupérés, les épis non battus furent embarqués, destination commissariat central de police.

Salam fut invité à rejoindre le groupe dare dare. Comme disait l’autre voila kabako. Sans rentrer se changer, Salam prit la direction du domicile de l’iman pour l’en informer. Ce dernier désigna trois personnes pour l’accompagner à la police.

Sur place, Salam retrouva son "peuple". Quand il s’adressa au policier de fonction, celui-ci qui avait reçu des instructions le fit asseoir sous le hangar. Il était seize heures. Salam attendait qu’on l’appelle, mais toujours rien. A la descente, un policier vint prendre le nom de tous les embarqués en leur disant de repartir et d’être là le lendemain à sept heures. Quant à Salam, il devait rester sur les lieux.

Salam n’en revenait pas. Les trois envoyés de l’iman retournèrent lui faire un compte rendu sur la tournure que prennent les événements. Tout ce beau monde se déporta chez le bourgmestre qui, avisé auparavant par le commissaire de police leur dit ceci : "c’est une affaire de la loi et je ne peux m’y impliquer. Frapper des épis de mil sur le goudron c’est le détruire et vous savez que le goudron coûte cher. Allez vous entendre avec le commissaire de police et si l’affaire doit aller en justice, lui seul peut intervenir. D’ailleurs il avait donné un délai à ceux qui ont des bergeries sur la voie publique de les détruire. Beaucoup ne l’ont pas fait. Attendez demain on va voir".

Quand le compte rendu fut fait à Salam son ventre fit glouglou et il piqua une diarrhée. Le lendemain, après la montée des couleurs, des policiers furent désignés pour entendre les membres de la famille. Salam fut entendu par le commissaire lui-même. Le motif d’accusation était très simple : destruction de bien public.

Or dans la nuit, des gens avaient été envoyés à Ouagadougou pour voir les parents. Pendant que Salam était avec le commissaire, eux ils attendirent d’être introduits. Salam fut condamné à payer 12 500 francs pour destruction de bien public, du bitume en l’occurrence. Les grains, les épis lui firent remis.

Ce fit une bonne occasion car avec cette manière de faire, où serions-nous allés ? Depuis ce jour, quand on évoque cette affaire avec Salam, il répond : "Maam yassa ! ka tiyi nêda tô". C’est-à-dire moi encore, quelqu’un d’autre oui !

Les bergeries ont disparu aux abords de la voie publique. Le dicton a raison quand il assène, que tant que le margouillat ne voit pas sa queue coupée il ne sait pas qu’il existe un trou.

Rakissé
Sidwaya

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