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Emile Ilboudo (président des Burkinabè du Japon) : "L’obtention du visa est très difficile"

Publié le mercredi 27 juillet 2005 à 07h43min

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Emile Ilboudo vit au Japon depuis 10 ans. Il y travaille et a réussi à faire partir à Tokyo ses enfants qui aujourd’hui sont presque parfaitement intégrés, mieux que lui-même, à la société japonaise. L’homme qui a une parfaite connaissance des quartiers de Tokyo et y circule, aussi allègrement que vous et moi dans les rues de Ouaga, fait partie de l’Association des Burkinabè du Japon.

Il en est même le président depuis 2003 à la création de l’association, et avec la quinzaine d’autres membres, il essaie de garder intacte la partie du Burkina qu’il a emportée dans son coeur. Il nous a accordé cet entretien le 1er juillet 2005 dans les locaux de l’ambassade du Burkina au Japon.

"Le Pays" : Pourquoi avez-vous senti le besoin de vous constituer en association ?

Emile Ilboudo : Nous avons senti le besoin de nous constituer en association à partir du moment où le nombre des Burkinabè a commencé à croître ici au Japon. Nous avons constaté que malheureusement, chacun vivait dans son coin et était ainsi vulnérable à toutes sortes de problèmes. Ainsi, nous avons décidé de nous réunir pour échanger les idées, partager nos joies et nos peines et créer une solidarité agissante en notre sein. Du reste, nous ne sommes pas les seuls à le faire car des ressortissants d’autres pays en font de même. Pour l’instant, nous ne sommes pas nombreux, mais nous restons persuadés que le groupe grossira avec de nouvelles arrivées probables de Burkinabè.

Pourquoi selon vous les Burkinabè ne sont-ils pas nombreux au Japon ?

Effectivement les ressortissants des autres pays sont plus nombreux que les Burkinabè. Maintenant, nous faisons la promotion de la vie au Japon et si certains le désirent, nous les aidons dans la mesure de notre possible à venir ici. Je suis ici il y a 10 ans et au moment où je suis arrivé, nous, Burkinabè n’étions pas aussi nombreux que maintenant.

Est-ce à cause de la distance, de la communication ou des difficultés pour avoir le visa, que les Burkinabè ne sont pas nombreux ici ?

Oui, le visa pose des problèmes. Je crois que c’est l’obtention du visa pour entrer au Japon qui est le véritable obstacle. C’est très difficile.

Cet obstacle pourrait-il avoir pour solution l’érection d’une ambassade du Japon au Burkina ?

Certainement. S’il y avait une ambassade du Japon au Burkina, cela nous permettrait d’être mieux connectés aux réalités du Japon et d’avoir davantage d’informations sur ce pays. De même, nous communiquerions beaucoup plus facilement et plus régulièrement avec nos frères japonais. Ceci éviterait également aux Burkinabè d’être contraints d’aller chercher le visa en Côte d’Ivoire, en Guinée ou à Paris, par exemple.

Mangez-vous du tô au Japon comme vous le faisiez au Burkina ?

Parfois.

Vivez-vous ici avec votre famille ?

Je suis avec ma fille et mon fils.

Dans quel domaine la plupart des Burkinabè au Japon évoluent-ils ?

Il faut d’abord noter que nous avons des problèmes de communication, tant sur le plan de l’écrit que de l’oral. Nous n’avons pas une école japonaise chez nous au Burkina pour nous initier à la langue avant de venir ici. En sus de cela, il y a l’absence de l’ambassade du Japon au Burkina qui nous porte préjudice, parce qu’on ignore quelles difficultés nous attendent ici et quelles dispositions prendre à l’avance. Donc, nous sommes obligés de venir pour découvrir, ce qui n’est pas très facile pour nous.

Dans quel secteur travaillez-vous et que font la plupart des Burkinabè vivant ici ? Avec ce qu’ils gagnent comme rémunérations, arrivent-ils à se sortir d’affaire ?

Oui, nous arrivons à bien vivre. C’est normal puisque, partout où il passe, par son abnégation au travail et son sérieux dans la vie, le Burkinabè s’élève toujours au-dessus du lot.

Dans quel domaine trouvez-vous du travail ?

Nous travaillons plus dans des sociétés japonaises. Il y en a qui travaillent dans des ambassades comme moi et d’autres chez des particuliers. Je n’ai pas encore rencontré ici, un Burkinabè qui n’a pas de boulot et qui souffre de la misère. Il n’y en a pas.

La vie n’est-elle pas plus chère au Japon qu’au Burkina ?

On peut dire que la vie est un peu plus chère au Japon, mais ce que nous gagnons nous permet de vivre décemment. D’ailleurs, une fois qu’on est dedans, on ne sent plus cette cherté. On progresse petit à petit et tout va pour le mieux.

Ce que vous gagnez vous permet-il d’épargner et d’investir au Burkina ?

Oui, nous arrivons à réaliser de petits projets chez nous au Burkina. Certes, nous ne pouvons pas toujours transformer tous nos projets en réalité, mais ça va.

Le 13 novembre prochain, les Burkinabè iront aux urnes à l’occasion de l’élection présidentielle. Vous n’auriez pas aimé participer au débat électoral et au vote proprement dit ?

Oui. Tous les citoyens burkinabè veulent prendre part au vote.

Donc vous aimeriez bien voter, mais les Burkinabè vivant à l’étranger ne le peuvent pas. Si un mécanisme vous conférait cette opportunité seriez-vous heureux ?

Oui, ce serait très bien pour nous et nous exercerions ce droit avec joie et ferions triompher celui qui a le meilleur programme de société.

Depuis 10 ans que vous êtes au Japon, êtes-vous retourné au bercail ?

Je suis rentré plusieurs fois. Je crois que je suis allé au moins 9 fois. Chaque fois que j’ai un petit congé, je retourne chez moi au Burkina, d’autant plus que la grande famille y est toujours.

Chaque fois que vous retournez, au Burkina observez-vous des changements ?

Oui, je trouve des changements, notamment au niveau des infrastructures routières. Les Burkinabè investissent également dans l’immobilier. Il y a beaucoup de constructions. Je ne saurais, du reste, énumérer tous les changements qui se passent au Burkina.

A votre connaissance, y a-t-il des Burkinabè qui ont épousé des Japonaises et vivent avec leur famille ici ?

Bien sûr, il y a des Burkinabè qui ont pour épouses des Japonaises et ils vivent en couple, en parfaite harmonie. Il y en a également qui résident au Burkina.

Si vous n’êtes pas venu au Japon avec votre femme, est-ce parce que vous comptez épouser une Japonaise ?

(Rires). Au moment de quitter le Burkina, j’ai dit que j’allais faire comme le crocodile qui vit dans l’eau et en sort quand il a faim pour chercher à manger. Il va donc sur la berge ou dans les herbes et retourne dans l’eau, après avoir satisfait son besoin. Et pour l’instant j’ai déjà réussi à faire venir ma fille, et mon petit garçon ensuite.

Vos enfants se sont-ils adaptés facilement ?

Ils apprennent la langue japonaise, mais je leur parle également le mooré (langue nationale au Burkina, ndlr), afin qu’ils ne l’oublient pas. Tôt ou tard, ils seront appelés à retourner au Burkina, ne serait-ce que pour aller rendre visite à la famille. Ils pourront y retourner définitivement ou vivre ici. C’est selon le choix pour lequel ils vont opter.

Vont-ils à l’école ?

Oui, ils fréquentent l’école japonaise mais s’adonnent aussi à l’apprentissage de métiers.

Votre association mène-t-elle souvent des activités culturelles ? Dansez-vous le Kigba ici ?

(Rires). Nous faisons parfois la fête, surtout celles de fin d’année. L’ambassade nous invite aussi et nous nous offrons de belles réjouissances.

Il fait donc bon vivre pour les Burkinabè au Japon ...

Il fait bon vivre pour tout le monde.

Avez-vous un appel à l’endroit de vos compatriotes au Burkina ?

Il faudra mettre l’accent sur l’encadrement de la jeunesse et offrir aux jeunes l’occasion de voir ailleurs pour pouvoir mieux construire le Burkina. De même, il faut que les ambassades et autres représentations facilitent les procédures d’obtention de visas pour tous ceux qui sont en règle. Cela contribue au développement de la société entière et surtout au brassage des peuples.

En dehors des relations entre les Etats, comptez-vous établir des contacts avec des associations japonaises afin qu’elles participent au développement du Burkina ?

Pour le moment nous n’avons pas de contact mais cela figure dans nos projets. Pour l’instant, je parle beaucoup du Burkina à mes amis japonais afin de leur donner l’envie de visiter mon pays et de susciter de l’intérêt à son endroit.

Propos recueillis à Tokyo par Morin YAMONGBE
Le Pays

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