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Le commerce des poissons fumés à Pama : Tagou ou la cité du bon goût !

Publié le mercredi 15 juin 2005 à 07h04min

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La carte alimentaire du Burkina semble facile à dessiner. Quand on parle de chenilles (chitumu en bambara), référence est faite à Bobo-Dioulasso ; des grenouilles, Mogtedo ; des poissons fumés, Pama, plus précisément Tagou à quelque 280 km de Ouagadougou.

Tagou est la cité du poisson fumé où des familles entières sont rompues à ce commerce.

A 17 km de Pama, Tagou : la cité des poissons fumés. En cette matinée, une brume légère et compacte convoite l’horizon du lac de la Kompienga. A Tagou, les habitants semblent s’y faire à ce climat. Des jeunes se reposent écoutant les sons distillés par la radio locale tout en savourant le thé.

Pendant ce temps, Nakoroba Traoré est penchée sur le grillage jonché de poissons. Les carpes, les sardines, les silures sont tournés et retournés par ses doigts. Ceux-ci donnent l’impression d’être " vaccinés " au contact du feu. Aucun remou ni grincement de dents ne parcourent son visage dans la manipulation du poisson sur le grillage. L’odeur du poisson fumé embaume l’air. Nakoroba prend souvent deux jours pour fumer ses poissons. Elle explique ce laps de temps par le fait que le poisson fumé a besoin qu’on lui accorde un temps de cuisson assez suffisant pour préserver la qualité et le goût.

En ce lieu, les femmes de Tagou vendent le kilogramme de sardines fumées à 1250 francs CFA. Le kilogramme du poisson frais à 500 francs CFA. Sans quitter des yeux ses silures qu’elle classe et reclasse sur le grillage, Nakoroba affirme écouler ses produits sur le marché de Pama, chaque dimanche.

De cette vente dominicale, Nakoroba estime que le " bénéf n’est pas suffisamment au rendez-vous’’, Le bénéfice oscille, après chaque vente entre 500 F et 1000 F " lâche t-elle, mimant sa réponse avec un air de rejet.

Depuis 10 ans, elle a quitté son Mali natal pour trouver refuge dans cette activité. Malgré le bénéfice moindre, elle arrive tant bien que mal à contribuer à la bonne marche de son foyer financièrement s’entend. Mère de trois enfants, son existence, son quotidien semblent rythmés par le tryptique : fumer du poisson, vendre chaque dimanche, s’occuper de sa famille. Une famille imprégnée de tout ce qui est relatif à la pêche et ses dérivés.Le mari de Nakoroba est pêcheur, ses frères aussi. Brusquement, elle se tourne vers les jeunes en causette et indique "Tous sont pêcheurs ". Mieux, elle laisse ses produits "en proie aux flammes ", se précipite vers l’arrière des cases. Quand elle en revient, ses mains sont chargées de filets et de gros hameçons. Les rudiments de la pêche. Cependant, les poissons fumés par Nakoroba ne lui sont pas livrés par son mari. Elle a ses propres fournisseurs . " Chaque matin de bonne heure, mon pêcheur vient me livrer le poisson ".

Une activité, plusieurs vies

Pour se procurer le poisson, les pêcheurs selon Nakoroba, ont différentes méthodes employant des moyens variés. Et à Tagou, de jour comme de nuit, des va-et-vient sont observés sur le lac de la Kompienga. Qui avec un filet, qui avec une canne à pêche ou encore de gros hameçons accrochés à une ligne que l’on fixe dans l’eau, les pêcheurs s’en tirent à bon compte.

Tandis que sur le barrage, un piroguier rame doucement, Caroline Yanogo sait que son fournisseur utilise une ligne munie de gros hameçons. La technique ? Selon elle, le pêcheur fixe des petits poissons au bout des gros hameçons. A la tombée de la nuit, il place cette ligne sur une portion identifiée du lac. Il ne reviendra que le lendemain matin de très bonne heure pour récolter sa moisson.

Avant le lever du soleil, Caroline depuis 7 ans, achète très tôt le poisson frais chez le pêcheur. Là, entre le pêcheur et la cliente, c’est la vente en gros. " J’achète avec le pêcheur 6 ou 8 carpes souvent à 100 F CFA ". En revanche, certains pêcheurs préfèrent poser, selon Edissime Marie Boudougou, une autre vendeuse de poissons fumés, leurs "pièges " durant toute la journée.

Son panier de sardines déjà fumées posé à quelques pas d’elle, Marie Boudougou révèle que le marché est mi-figue, mi-raisin. Car il fluctue au gré de la marche du disponible. " Quand je vends des sardines, mon bénéfice s’élève soit à 250 F soit à 500 F CFA". Un client s’amène, demande à acheter les sardines enlacées dans le panier. " Non, réplique Marie, ces sardines ont été déjà payées ". Elle hèle aussitôt une consœur vendeuse, pour lui demander si elle a des sardines à vendre.

La consœur apporte des sardines sans oublier la balance qui sert à peser. Elle les dépose aux pieds du client tandis que sa collègue Nakoroba Traoré, tout en suivant les échanges de propos surveille ses poissons comme du lait sur le feu. Edissime place les sardines sur la balance. Mais, le choix des poissons ne convainc pas le client qui insiste afin que les grosses sardines soient choisies. Et la femme de lâcher : "Que ce soit petit ou gros, un kilo c’est un kilo ". Motus et bouche cousue de la part du client quant les cris des oiseaux viennent donner un peu de gaieté aux échanges.

A Tagou, la vie se résume à la pêche et au poisson. Le plat le plus consommé est à base de poisson. Chaque famille de ce petit hameau se retrouve dans la pêche et surtout dans le commerce du poisson fumé. Et selon des sources proches de la localité, le village se vide de ses bras valides aux environs de 4 km du matin. A 6 h , les femmes s’approvisionnent tandis que le reste de la journée, les unes fument le poisson, les autres (les pêcheurs) prennent du repos attendant la tombée de la nuit pour passer voir les prises au barrage. La pêche à Tagou, au bord du lac de la Kompienga est une histoire de famille. De père en fils, l’on se transmet l’initiation à la pêche et de mère en fille, l’initiation aux meilleures méthodes de fumage de poisson.

Si le poisson n’existait pas ...

A les voir à l’œuvre au-dessus de leur grillage en train de tourner les différentes faces du poisson , les femmes de Tagou, ont bâti leur subsistance sur ce commerce. Ainsi, des endroits ont été aménagés dans des concessions pour permettre l’exercice de cette activité.

A Tagou, selon des indiscrétions, presque toutes les concessions ont leur coin de poissons fumés. Et c’est pour être là, présente aux côtés de tous ceux qui luttent pour survivre, selon Edissime Boudougou, .

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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