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Débat : Le petit flic et le colonel

Publié le jeudi 15 juillet 2004 à 07h46min

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8 juin 2003 - 13 juillet 2004, cela fait plus d’un an qu’une gifle du colonel Moussa Camara, administrée à l’agent de police Juvénal Dabiré, allait évoluer d’un simple fait banal à une affaire très sérieuse. En effet, selon l’avocat du policier, Me Prosper Farama, qui a tenté de restituer les faits à partir de la version de son client (in l’Observateur paalga n°6182 du 12 juillet 2004), l’agent qui assurait la sécurité du championnat national de cyclisme a été violenté par l’officier supérieur.

Depuis cet incident, rapport a été fait à sa hiérarchie par la victime. Ne voyant rien venir à l’horizon en dépit de ses multiples démarches, ce dernier se trouva un conseil, en la personne de Me Prosper Farama.

Ce qu’il faut noter dans cette affaire, c’est que le colonel, depuis lors, comme Me Farama l’a dit sur la chaîne du plaisir partagé, a refusé de donner sa version des faits. Il est vrai que la Grande muette n’est pas très bavarde.

Et du côté du ministère de la Sécurité, on prend prétexte de la cohésion au sein et entre les différents corps militaires et paramilitaires pour dénoncer la procédure engagée par l’agent à titre personnel. Juvénal Dabiré, pour s’être confié à notre confrère « L’Indépendant », a ainsi été interpellé et écroué pendant 5 jours.

Tout récemment, suite au reportage de la Télévision nationale, son conseil a sollicité sa présence pour rectifier certains propos au cas où des erreurs viendraient à s’y glisser. Selon Me Prosper Farama, son client a été une fois de plus incarcéré après la diffusion de l’élément.

Si, pour la première sanction, on lui reprochait d’avoir manqué au devoir de réserve en tant qu’agent de police, cette fois-ci, selon les dires de ses proches, c’est parce qu’il a été présenté en « gros plan » sur le petit écran. Avec le dernier épisode sur cette affaire, l’on se rend compte que Djibril Bassolet, plutôt gêné aux entournures, a décidé d’user du fouet à l’encontre de cet agent qui demande simplement que justice lui soit rendue.

De tels agissements ne feront que frustrer davantage l’homme, voire l’éloigner des règles de discipline. Si Yipénè tient réellement à une cohésion au sein des différents corps de l’armée, il doit plutôt travailler à y cultiver la justice, les droits humains et certaines valeurs morales. Car il reste que le colonel a agressé un citoyen, pis un agent dans l’exercice de sa mission.

Et cela nous rappelle tristement plusieurs événements où des militaires et policiers sont arrivés à l’affrontement sous le regard médusé des citoyens. Autrefois, on imputait ce genre de dérives aux sous-grades du Conseil ; mais que le mal commence à atteindre la haute hiérarchie militaire, il y a lieu d’être vraiment inquiet.

A cette allure où vont les choses, il ne manquerait plus que des civils à leur tour se mettent à tabasser sérieusement nos policiers pour que la boucle soit bouclée. Mais gageons que cela n’arrive pas, car on ne peut pas évaluer le travail qu’abattent quotidiennement nos forces de l’ordre, notamment la police.

Déjà qu’un homme de tenue rencontre de sérieux problèmes pour faire prévaloir ses droits, on se demande ce qu’il en serait si cette affaire opposait un civil à un officier. Djibril Bassolet, lors de son intervention à la télévision nationale sur ce dossier, paraissait embarrassé du moment que l’incident est en train d’accoucher d’un pétard si rien n’est fait ou si l’on passe le temps à couvrir l’agent de sanctions disciplinaires.

En désapprouvant l’attitude de l’agent sur la procédure, Djibril Bassolet a laissé planer dans l’esprit de plus d’un Burkinabè que le petit flic verra l’enfer sur terre pour avoir osé poursuivre un colonel, tout un colonel. Et de fait, Juvénal Dabiré a été une fois de plus incarcéré. Quant à Me Farama, il craint pour la carrière de son client au regard de l’évolution des choses et des menaces que ce dernier aurait reçues.

Le premier flic du Burkina devrait plutôt chercher à réconcilier les deux parties que de vouloir s’embourber lui-même dans cette sale histoire. Il est, en effet, celui qui peut rapprocher les protagonistes pour peu qu’il ne diabolise l’un et encourage l’autre. L’occasion lui est donc donnée de jouer au bon samaritain, pas au gendarme.

Cyr Payim Ouédraogo,
L’Observateur Paalga

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