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Conflit foncier : Goèra et Sindri au bord de l’affrontement

Publié le vendredi 15 mai 2009 à 03h32min

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Les populations de Goera espèrent que l’administration tranchera avant la saison hivernale

Un différend foncier divise deux villages : Goèra et Sindri. Le premier relève de la commune de Tema Bokin dans la province du Passoré et le second fait partie de la commune de Guibaré dans le Bam. Ces deux localités voisines sont au bord de la crise depuis quelques mois. Chacun des villages revendique l’appartenance d’une zone située entre les deux localités. La découverte de l’or dans cette zone litigieuse empoisonne les relations entre ces deux communautés voisines qui vivaient dans l’harmonie.

Goèra et Sindri ne s’entendent pas sur le partage de la manne que procure l’exploitation de l’or découvert dans une zone contestée. Ce n’est pas la première fois que cette zone fait l’objet de litige entre les deux villages. En 1971, avant même la découverte de l’or, l’administration a dû intervenir pour arbitrer un différend foncier entre deux familles qui, par la suite, était devenu un problème entre les deux villages. Chaque camp revendiquait l’appartenance de la zone. Depuis cette date, l’administration a dû suspendre de part et d’autre l’exploitation dans la zone contestée "jusqu’à règlement définitif". L’administration avait estimé, après avoir auditionné les deux parties, que "le champ litigieux n’est qu’un motif pour des règlements de différends coutumiers et familiaux datant". Malheureusement, jusqu’à la découverte de l’or et son exploitation en 2007, l’administration n’est plus revenue sur le problème. Mais depuis une vingtaine d’années, c’est la partie de Sindri qui a repris l’exploitation de la zone avec des activités agricoles.

La partie de Goèra n’a plus protesté, croyant que l’administration allait intervenir pour les départager un jour. "S’ils n’ont plus protesté, en réalité, c’est parce que eux-mêmes, ils savent que la zone ne leur appartient pas.", estime un vieux de Sindri. "La zone nous appartient. C’est nous qui avions cédé cette partie à un de nos neveux qui était à Sindri. Quand les gens de Sindri avaient besoin de terres cultivables dans la zone, ils venaient nous demander et nous leur donnons. Avec le temps, ils ont voulu finalement en faire leur propriété. Ce que nous refusons.", proteste un sage de Goéra. "Faux", rétorque un autre de Sindri. "Nous ne leur avons jamais demandé la terre pour cultiver. C’est pour nous cette zone. C’est pour le chef de Zitenga et c’est lui qui nous a installés ici depuis la nuit des temps pour garder sa zone."

La manne de l’or exacerbe : le différend

Depuis l’intervention de l’administration en 1971 pour suspendre l’exploitation de la zone, il n’y avait plus eu de problème entre les deux villages. C’est à partir de 2007 que le conflit a refait surface avec la découverte de l’or dans la zone. Depuis cette période, la zone a attiré des centaines d’orpailleurs venant des quatre coins du Burkina. Le Conseil villageois de développement (CVD) de Sindri a tout de suite voulu saisir l’opportunité et s’est organisé pour que le village profite de la manne de l’or. C’est ainsi que des taxes de 10 000f par trou et 5 000f par hangar ont été instaurées. Pas moins d’un millier de jeunes sont installés sur le site. Pour les propriétaires de trous, en cas de découverte, le Conseil avait souhaité que les propriétaires terriens aient une part du gâteau. La partie de Goéra voyait alors l’argent de l’or lui échapper. Elle qui avait pourtant toujours considéré la zone comme étant la sienne. L’idée d’entrer en contact avec les populations de Sindri est née. Pour la partie de Goéra, il est inadmissible non seulement que ses enfants versent de l’argent à quelqu’un pour exploiter "la terre de leurs ancêtres", mais aussi de laisser d’autres personnes prélever des taxes sur l’exploitation de leur héritage sans les associer. C’est ainsi que le Conseil villageois de développement de Goèra a constitué une délégation pour aller rencontrer la partie de Sindri.

L’idée était d’aller négocier avec Sindri pour leur proposer une exploitation commune de la zone avec la mise en place d’un comité commun qui va regrouper des représentants des deux villages concernés et partager les taxes perçues sur l’exploitation de l’or. "Nous estimons que les taxes perçues sur l’exploitation de l’or doivent revenir à la population de Goèra parce que c’est notre forêt. Mais pour le bon voisinage, nous les avons approchés pour leur proposer une gestion commune des taxes.", indique un jeune de Goèra. La partie de Sindri qui n’entend pas partager les revenus de l’or avec qui que ce soit oppose un refus catégorique. Ce qui a amené les habitants de Goèra à réclamer la délimitation sans délai des deux villages. Une délégation de Sindri est partie par trois fois rencontrer le chef de Goèra pour tenter de résoudre la crise qui couve depuis des mois.

Ce qui a mis le feu aux poudres

La dernière délégation dépêchée en février dernier, composée d’une cinquantaine de personnes avec à leur tête un représentant du chef de canton de Zitenga, est allée signifier clairement au chef de Goèra et à l’ensemble de sa population que la zone appartient bel et bien à Sindri. Les envoyés du chef de Zitenga auraient même informé le chef que désormais, ils défricheront la zone jusqu’à la limite effective du canton qui s’arrête, selon eux, au Nakambé. Ce qui signifierait que le village de Goèra fait même partie du canton.

Sindri n’entend pas partager la manne d’or avec son voisin

C’est cette affirmation qui a irrité les habitants de Goèra avec à leur tête le chef de village. Une attitude que le chef de Goèra considère comme de la provocation. Réunis autour de leur chef pour nous rencontrer, les jeunes de Goèra se disent choqués par ces propos qui ne favorisent pas l’apaisement de la situation déjà tendue. "Nous leur avons dit effectivement que nous exploiterons désormais nos champs qui se trouvent dans leur zone. Mais en réalité, on plaisantait avec eux. C’est leur chef qui est venu premièrement dire au nôtre que le chef de Tema dont il répond aurait dit qu’il ne veut pas qu’on touche à un centimètre de sa zone. Ce qui nous a énervé puisque c’est notre terre. Nous lui avons même dit que c’est un problème qui doit être réglé entre le chef de Tema et celui de Zitenga.

Ni le chef de Goèra ni celui de Sindri ne peut résoudre des problèmes de terre", explique un habitant de Sindri. "Je leur ai même dit que s’ils ont besoin de la zone, qu’ils nous la demandent comme par le passé. Nous pouvons leur donner des champs dans la zone. Ils ont refusé", affirme le chef de Goèra. Pour les habitants de Sindri, pas question de demander une zone qui leur appartient. "Pourquoi nous allons leur demander la terre qui nous appartient ? En fait, c’est un piège qu’il nous tend. C’est comme ça ils ont fait en 1971. Ils ont dit à celui avec qui ils avaient le contentieux que s’il demande le champ, ils sont prêts à laisser tomber le problème. Ce que l’intéressé a fait. Ils ont saisi cela pour dire qu’ils ne laisseront pas tomber l’affaire parce qu’en acceptant demander, il reconnaît que la zone n’appartient pas à son village. Nous ne tomberons pas dans le même piège"

Les habitants de Goèra ont saisi leur maire sur la question pour qu’une solution soit vite trouvée afin d’éviter une situation dommageable. Le maire de Tema Bokin, Ernest Nongma Ouédraogo de l’UNIR/PS et le préfet se sont même rendus à deux reprises pour appeler les populations de Goèra au calme afin de permettre à l’administration de résoudre le problème dans la sérénité. "J’ai rencontré les populations de Goèra pour les calmer.

Je suis allé sur le site et j’ai aussi rencontré de façon informelle le maire de Guibaré pour qu’on puisse travailler ensemble dans le sens d’apaiser la situation. Concernant le règlement du problème, un rapport a été fait sur instruction du haut commissaire et le problème est à leur niveau. Nous attendons que l’administration nous aide à régler ce différend. Les maires sont incompétents pour trancher sur des problèmes pareils.", explique Ernest Nongma Ouédraogo. Sur le terrain, la tension reste vive entre les deux parties. La saison qui s’annonce est celle de tous les dangers, selon des observateurs sur place. Chaque partie entend occuper la zone contestée dès la tombée de la première pluie hivernale. Ce qui inquiète le maire de Tema Bokin qui souhaite que l’administration puisse trouver une solution avant l’hivernage. Le dossier est actuellement entre les mains des gouverneurs du Centre-Nord et du Nord. Du côté de ces régions, on assure que les deux gouverneurs sont en concertation pour trouver une solution à ce vieux conflit qui renaît. Mais les positions restent figées sur le terrain.

Aucune des parties n’est prête à accepter une délimitation administrative qui donnera le site d’or à l’autre partie. "L’administration ne peut pas délimiter la zone et dire que le site ne nous appartient pas. Nous n’accepterons jamais cela. Sauf si le chef de Zitenga qui a installé nos arrières parents ici ne vienne dire que la zone ne lui appartient pas", prévient le porte parole du village de Sindri. Même son de cloche du côté de Goèra. "La zone appartient à nos ancêtres. Ce sont eux qui nous ont légué cet héritage. Nous le lèguerons aussi à nos enfants et petits enfants. Nous nous battrons pour cela", martèle un habitant de Goèra.

Moussa Zongo

L’Evènement

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