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Communalisation intégrale au Tuy : Les petits grands pas de Boni

Publié le jeudi 24 avril 2008 à 10h38min

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Boni, situé à 15 km de Houndé, chef-lieu de la province du Tuy, est, comme les autres départements de la région des Hauts Bassins, concerné par la communalisation intégrale en cours dans le pays depuis 2006. Engagé dans ce processus, Boni essaie, bon an, mal an, de tirer son épingle du jeu grâce à l’engagement et à la volonté de réussir de ses premiers responsables et de ses habitants.

A 120 kilomètres de Bobo Dioulasso, capitale économique du Burkina, s’étend en pleine savane sur une superficie de 416 km2 une petite bourgade : Boni, ancien village de Houndé (chef-lieu de la province du Tuy) érigé en département en 1996. Au Tuy, Boni fait office du plus petit et du plus pauvre département. Sur cette terre déshéritée subdivisée en 10 villages (Bahoun, Bansié, Dossi, Boni, Minou, Mamboué, Yénou, Moukounien, Mambo et Saho) vivent, selon le recensement de 2006, plus de 16 500 âmes, essentiellement des Bwaba (70% de la population), des Mossi (20%), des Peulh (8%) et des minorités Dagara, Dafi, Samo, et Nounouma (2%). Les populations de Boni ont comme activités principales l’agriculture et l’élevage. Elles cultivent du coton, du soja, du maïs, du haricot, et élèvent des bovins, des ovins, des caprins, etc.

Lorsque nous sommes arrivés le 10 avril 2008 à Houndé et que nous avons fait savoir à nos interlocuteurs notre intention de nous rendre à Boni, situé seulement à 15 km du chef-lieu de la province, beaucoup étaient étonnés, se demandant qu’est-ce qui pouvait bien nous intéresser dans cette localité sans grand intérêt, mais érigée depuis 2006 en commune rurale, à la faveur de la communalisation intégrale en cours dans notre pays.

Le CDP et l’ADF-RDA représentés au conseil municipal

Boni, la plus petite et la moins nantie des sept communes de la province du Tuy, va bientôt entrer dans sa deuxième année d’expérience communale. Le maire de la commune, Patrick Bondé, a été installé dans ses fonctions le 15 juillet 2006. Son élection et celle de ses adjoints, à savoir Voandonou Y. Bonoussan (1er adjoint au maire) et Ouanibaouie Bondé (2e adjointe au maire), remonte au 31 mai 2006. Le maire Bondé n’étant toujours pas sur place (il réside actuellement à Ouagadougou mais avant il vivait à Bruxelles en Belgique), les activités courantes du conseil municipal, fort de 21 membres (20 conseillers issus du CDP et 1 conseiller de l’ADF-RDA), sont depuis lors dirigées par le premier adjoint Voandonou Y. Bonoussan, secondé par la 2e adjointe, Ouanibaouie Bondé. Mais le maire, à ce qu’on dit, a toujours été présent lors des grandes sessions du conseil municipal.

Après deux ans d’expérience communale, qu’est-ce qui a changé à Boni ou qu’est-ce qui est fait pour que les choses changent positivement pour ses habitants ? C’était justement l’une de nos préoccupations en nous y rendant le 10 avril dernier. Mais, pour avoir de réponses à cette question et peut-être pour mieux apprécier la vie de la commune de Boni en deux ans, intéressons-nous d’abord aux conditions à son démarrage.

La situation socio-économique n’a pas fondamentalement changé

Boni, comme nous l’avions relevé plus haut, est le département le plus pauvre du Tuy. Il n’y avait ni eau potable, ni électricité, encore moins des infrastructures dignes de ce nom à part la Nationale numéro 1 qui traverse la commune. Boni, à son érection en commune rurale en 2006, ne comptait qu’une école primaire, un Centre de santé et de promotion sociale (CSPS). De même, au moment où M. Bonoussan, instituteur de profession, et la 2e adjointe au maire héritaient de la gestion quotidienne des activités communales, ils n’avaient ni les capacités requises ni les moyens matériels pour travailler (pas de locaux, pas de matériel bureautique). Ce qui a obligé les responsables préfectoraux à partager pendant un temps leurs locaux avec eux, et à les assister dans les domaines comme l’établissement des actes d’état civil ou la célébration des mariages. En 2006, la commune n’avait pas de budget de fonctionnement.

De même, les difficultés n’ont pas manqué dans le fonctionnement du conseil municipal ( voir encadré 2).

Mais, aujourd’hui, la situation socioéconomique de Boni, au terme de presque deux ans d’exercice communal, n’a pas fondamentalement changé, mais des actions sont à mettre à l’actif des acteurs du processus. Certes, la commune n’a toujours que son seul CSPS et ne dispose toujours pas d’eau potable ( il y a seulement 2 ou 3 forages fonctionnels, ce qui oblige les populations à creuser des puits à grand diamètre pour faire face aux besoins en eau), ni de retenues d’eau pour des cultures de contre-saison, mais elle a renforcé ses capacités sur le plan éducatif avec l’ouverture d’une deuxième école primaire et d’un collège d’enseignement général. Ainsi que l’acquisition de documents pour la mise en place d’une bibliothèque. En outre, en attendant la construction du siège de la mairie prévue pour fin 2009, un local a été affecté au conseil municipal pour ses sessions. Le bâtiment appartenait en fait au deuxième Programme national de gestion des terroirs (PNGT-2). Aussi, le conseil municipal, qui ne disposait de rien pour travailler, a pu s’acheter 2 fauteuils directeurs, 6 chaises pour visiteurs, 2 tables de bureau, 2 armoires, 1 moto Yamaha 100, un ordinateur complet et un groupe électrogène. En deux ans de service, plus de 641 actes de naissance ont été délivrés et plus de 12 mariages célébrés au niveau de la mairie. Mais il n’ y a pas d’activités communales sans ressources, qu’elles soient humaines ou financières.

Le budget communal triplé en l’espace d’une année

Pour la réalisation des tâches quotidiennes, le conseil municipal s’est attaché les services d’une bénévole chargée de dactylographier les actes d’état civil, l’ordinateur n’étant toujours pas fonctionnel faute d’électricité. En plus de la bénévole, un agent d’état civil a été mis à la disposition du conseil municipal par l’Etat. Pour ce qui des finances, le budget de la commune connaît une progression encourageante, passant de 5 millions 140 mille F CFA en 2007 à 15 millions 35 mille 936 F CFA pour l’exercice 2008. Les recettes proviennent essentiellement des taxes sur les charrettes, les fusils, les boutiques, des abattages et des inspections d’animaux, et sur les moulins installés sur le site d’or de Dossi ( situé à 5,5 km de Boni) considéré comme l’une des sources principales de revenus de la commune. Pour chaque moulin installé, le conseil municipal prélève 25 000 F CFA. Ainsi, l’année dernière, plus de 300 000 F CFA ont été engrangés par la commune. Le 1er adjoint au maire estime l’apport annuel du site au budget de la commune à environ 1 million de F CFA.

Autre source importante de revenus pour la commune : le loyer que rapporte une colline cédée à Celtel Burkina pour l’implantation de son antenne. La location rapporte chaque année à la commune 700 000 F CFA.

La petite commune voit grand

Par ailleurs, Boni, grâce au dynamisme de son maire Patrick Bondé, dont le puissant réseau relationnel à l’extérieur aurait beaucoup contribué à son élection, a déjà identifié un certain nombre de projets dont la mise en œuvre va sans doute contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations. Il s’agit de l’installation, en partenariat avec des Philippins, d’une usine de biocarburant qui sera alimentée par des plantes de jatropha cultivées sur place, la réalisation de petite irrigation en saison sèche, la mise en place d’une radio rurale, l’installation d’une presse à karité, un projet de lotissement pour lequel le conseil municipal souhaite un soutien de l’Etat au regard du coût de l’opération. Hormis les premier et dernier projets, les autres sont initiés en collaboration avec des partenaires de la région Rhones-Alpes en France.

Pour toutes ces initiatives, l’on peut parler de petits grands pas pour qualifier le parcours en deux ans, certes difficile, mais plein d’espoir de la commune de Boni. Au début elle ne pouvait compter que sur le courage et la volonté de ses enfants et dirigeants qui ont foi en son développement. « Boni est viable. C’est pourquoi nous travaillons depuis notre prise de fonction à sensibiliser les populations afin qu’elles puissent jouer le rôle qui est le leur », nous a confié le 1er adjoint au maire, Voandonou Y. Bonoussan. « Boni, avec ses sols fertiles et ses populations laborieuses bien organisées, a de réelles potentialités. Ce sont les moyens de production qui manquent », a, pour sa part, indiqué le préfet du département, Adolphe Koala. L’espoir semble aussi grand chez les Bonoussois avec qui nous avons eu des échanges pendant notre bref séjour. Ils sont apparemment conscients de l’importance des acquis de leur commune en deux ans d’exercice, mais aussi des efforts à fournir pour un Boni au futur radieux (voir encadré 4).

Par Grégoire Bazomboué BAZIE


Bozounoumahoun Gnoumou, un conseiller frustré

A en juger par ses cheveux dont certains ont déjà blanchi, l’on le prendrait volontiers pour un homme de 55 ans, mais dans les faits il n’en est rien. Bozounoumahoun Gnoumou, c’est de lui qu’il s’agit, est seulement âgé de 37 ans. Marié et père de trois enfants, il est élu conseiller lors des municipales d’avril 2006 dans son village natal de Bahoun sous la bannière de l’ADF-RDA. Il est seul élément discordant du conseil municipal de Boni qui compte en son sein 20 conseillers CDP sur un total de 21 sièges. Bozounoumahoun Gnoumou a dû, contre son gré, interrompre ses études en classe de terminale D en 2001 à cause de problèmes familiaux et faute de moyens.

Quand on lui demande s’il se sent bien dans ce conseil majoritairement CDP, il répond par l’affirmative car il dit être régulièrement convoqué aux sessions et est souvent consulté. Mais le conseiller Gnoumou, qui avoue être venu en politique plus par nécessité que par conviction, est tout de même frustré. Ce transfuge du CDP (il dit avoir quitté ce parti pour un mauvais choix de candidats pour rejoindre le parti de l’Eléphant) se dit un peu déçu de n’avoir pas été désigné président de la commission Environnement du conseil municipal de Boni. Ses camarades du conseil lui ont préféré une collègue très moins nantie en instruction (elle a le niveau de CM ).

Et quand il a voulu comprendre pourquoi il n’a pas été voté, on lui a laissé entendre que c’était les directives du parti. En guise de consolation, les autres conseillers l’ont fait secrétaire de ladite commission. Bozounoumahoun Gnoumou fait face à une autre frustration : le fait d’être délaissé dans son village au profit de l’autre conseiller, membre du CDP. Ainsi, quand les villageois ont un problème, ils préfèrent s’adresser plutôt au conseiller du CDP qu’à lui. A cela, il faut ajouter les multiples pressions faites sur lui pour l’amener à retourner dans son parti d’origine. « Nous devons éviter la dispersion des énergies qui n’est pas profitable à Boni. Mettons-nous ensemble pour le construire. Cela vaudrait mieux », lui dit-on souvent.

A écouter le conseiller courtisé, on pourrait dire que les jours à l’ADF-RDA de celui dont le prénom signifie en Bwamu « Suivre les ancêtres », sont comptés. « Si ça continue comme ça, je vais changer parce que celui par qui je suis venu à l’ADF-RDA n’y est plus », nous confie-t-il en guise de conclusion sur son avenir politique.

G. B. B


Quelques grains de sable dans la machine

Dans l’ensemble, la vie du conseil municipal de Boni, de l’avis de nos interlocuteurs, s’est jusque-là passée sans problèmes majeurs. Toutefois, les difficultés qui manquent pas, même si elles ne sont pas comparables à celles vécues dans d’autres communes où des mesures de dissolution de conseil ont même été prises par le gouvernement .

Il y a d’abord le fait que le maire, l’ordonnateur principal des dépenses du conseil municipal, ne réside pas à Boni. Ce qui pose parfois des problèmes en cas de situation d’urgence, obligeant par moments le 1er adjoint au maire à se débrouiller comme il peut pour y faire face. Souvent, il est amené à effectuer des dépenses de sa propre poche sans être remboursé parce qu’une dépense inférieure à 9 000 F CFA n’est pas, selon des textes comptables, remboursable. D’où, peut-être, la nécessité de la mise en place d’une caisse de mini-dépenses pour une gestion facile des situations d’urgence telle une mission reçue dans la commune. A cela s’ajoute le problème de l’analphabétisme au sein du conseil. En effet, plus de 50% ( 12/21) des membres du conseil municipal sont illettrés. Ce qui n’est pas fait pour faciliter les sessions car le recours aux traductions pendant les travaux devient obligatoire pour permettre à tout le monde d’être au même niveau d’information. « Ce n’est pas facile mais c’est comme cela », lâche le premier adjoint, Voandonou Bonoussan.

G. B. B


La parole à des Bonoussois

Nous avons, au cours de notre séjour de quelques heures dans la commune de Boni, voulu avoir les sentiments des citoyens sur les deux ans d’expérience communale. Pour ce faire, nous avons tendu notre micro à quelques-uns d’entre eux.

Mariam Dicko, vendeuse de salade : "Je ne peux rien dire"

Je ne sais quoi vous dire. C’est vrai que je suis de la commune de Boni, mais je ne m’intéresse pas à ce qui s’y passe. A part la vente de ma salade et les affaires de ma famille, je n’ai pas d’yeux pour autre chose. Donc, je ne sais pas quoi vous répondre. Je ne peux vraiment rien vous dire. Je suis désolée.

Lota Gnoumou, cultivateur : "Grâce à la commune on a un CEG"

La transformation de notre département en commune est une bonne chose. La commune n’est qu’à ses débuts, mais on a déjà quelques résultats tangibles. C’est grâce à la commune qu’on a un CEG (Collège d’enseignement général) qui vient de démarrer avec une classe de 6e. Avant, on n’en avait toujours parlé mais on n’a rien vu de concret. Nous croyons qu’avec la communalisation les choses vont changer positivement.

Moussa Bondé, cultivateur : Il nous faut une mairie"

Je salue la communalisation de notre département. Je pense que depuis leur prise de fonction, les membres du conseil municipal se battent comme ils peuvent pour le développement de la cité. Ils sont sur de nombreux projets. Il y a le CEG qui est déjà ouvert. Mais il nous faut une mairie parce qu’actuellement le conseil municipal n’a pas de locaux propres.

Olivier Gnoumou, éleveur : "Nous aurons de bonnes pistes"

La communalisation de notre département est une très bonne chose. Grâce à elle, nous disposerons de bonnes pistes. Déjà, nous avons la piste Boni – Dossi qui est en réfection. Je crois que tout cela est à mettre à l’actif de la commune qui, visiblement, n’a pas les moyens de faire face seule aux problèmes. Il faut que l’Etat aide la commune afin qu’elle puisse jouer son développement local. A notre niveau, nous sommes disponibles pour lui apporter notre appui.


Comment les Bondé sont devenus chefs de Boni

Selon les témoignages recueillis sur place, Nami Gnoumou serait le premier habitant de Boni. Sans parent (c’est ce que signifie son prénom Nami en Bwamu), il y vivait seul jusqu’à l’arrivée des ancêtres des Bondé. Ces derniers, à ce qu’on dit, étaient de passage mais Nami Gnoumou les a convaincus de rester vivre avec lui. En contre-partie, il leur aurait cédé la chefferie. Et c’est depuis lors que les Bondé sont chefs coutumiers de Boni. Avec l’élection de Patrick Bondé à la tête du conseil municipal, l’on peut dire que les Bondé, après le pouvoir coutumier, exercent aussi le pouvoir moderne.

GBB

Propos recueillis par Grégoire B. BAZIE

Le pays

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