LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Inondations du mois d’août : Le Nahouri dans le tourbillon des flots

Publié le mercredi 12 septembre 2007 à 06h58min

PARTAGER :                          

Sur les onze régions du Burkina Faso qui ont connu des inondations au mois d’août dernier, la province du Nahouri dans le Centre-Sud semble payer le plus lourd tribut : des dizaines de décès et des centaines de sans-abri suite aux effondrements de maisons ou aux noyades. Pire, la submersion par les eaux du pont du Nazinon sur la route nationale N°5 (Ouagadougou - frontière du Ghana) a coupé la localité de la capitale pendant quatre jours.

Tiébélé : sept morts. Pô : cinq morts. Ziou : trois morts. Zecco : un mort. Guiaro : deux morts. La furie des eaux du mois d’août dernier n’a épargné aucun département de la province du Nahouri dans la région du Centre-Sud. Les vannes du ciel se sont tellement ouvertes sur la localité qu’elles ont endeuillé des dizaines de familles, entraîné
l’effondrement de centaines de maisons et fait de nombreux sans-abri. Ecoles primaires, collèges et lycées ont été réquisitionnés pour servir de logis aux sinistrés. "Rien ne reste debout dans ma cour. Tout s’est écroulé, même le mur", confie un père de famille qui a trouvé refuge avec femmes et enfants au lycée provincial de Pô. Selon le service local de la météorologie, la province du Nahouri a enregistré au mois d’août 2007, 463 millimètres d’eau en vingt-un jours contre 209,4 millimètres en quatorze jours en 2006 sur la même période.

Toutes les couches sociales de la localité (du paysan au fonctionnaire) ont douloureusement vécu ce véritable déluge. "J’ai passé tout le mois d’août à Pô (chef-lieu de la province du Nahouri), le nombre de jours où il n’y a pas plu ne dépasse pas cinq. A tout instant, soit une maison s’effondre, soit on annonce un décès", soutient une vacancière visiblement contente de regagner Ouagadougou avec ses trois enfants. La belle architecture Kassena que de nombreux touristes du monde entier accourent pour admirer, se révèle attirante par ses décorations murales sans une fondation solide.

Les maisons construites en banco amélioré et crépis de ciment n’ont pas aussi résisté aux fortes précipitations. "Ce n’est pas les fissures sur le mur qu’il faut observer. Il faut surveiller constamment le degré d’humidité à la fondation pour éviter d’être surpris par un effondrement", explique un enseignant du secondaire dont la maison vient de s’écrouler. "L’idéal serait que les populations locales intègrent dans leur mode de construction, un sous-bassement de quelques centimètres pour asseoir une forte fondation et épargner leur habitat des désagréments actuels", conseille Blaise Corneille Ouédraogo, haut-commissaire de la province du Nahouri.

La bonne saison pluvieuse que tout le Burkina Faso a réclamée à travers prières et sacrifices divers se transforme ainsi en série de désolations. Les fortes précipitations n’ont pas seulement provoqué des décès et des destructions d’habitats, elles ont endommagé des infrastructures routières et des champs.

Les cultures de bas-fonds sont totalement inondées engendrant l’assèchement des plantes, signe évident d’efforts inutiles, de mauvaises ou de pertes de récoltes. Ceux qui ont semé sur un terrain plat dont l’emplacement se situe à proximité d’une rivière ou dans son lit sont également tombés dans le piège des eaux. "Ma rizière a été entièrement emportée. Mon seul espoir repose sur mes champs de maïs et de mil. Que Dieu m’épargne d’une famine", témoigne Pacôme Adanabou, très craintif.
D’ailleurs, à la rentrée gouvernementale, la ministre d’Etat en charge de l’Agriculture, Salif Diallo a évalué à sept mille hectares, la surface emblavée perdue à cause des inondations sur le territoire national. "Ce chiffre comparé aux 300 millions d’hectares cultivées n’est pas une cause de perte considérable de récoltes prévisionnelles.

A ce jour, nous restons optimistes quant au bilan céréalier à réaliser si les pluies continuent jusqu’au mois d’octobre", a-t-il toutefois rassuré. Au Nahouri, l’heure n’est pas à une quelconque réflexion pour prévenir une éventuelle mauvaise récolte ou famine. Elle est à la mobilisation pour apporter secours et assistance aux familles sinistrées. Le Comité provincial du secours d’urgence et de réhabilitation (COPROSUR) sillonne les différents départements pour distribuer vivres et vêtements aux sans-abri. "Nous avons reçu de la friperie, des nattes et des dattes pour les sinistrés. Cela n’a pas suffi et nous espérons recevoir d’autres soutiens", a indiqué l’un de ses membres.

Ayant mesuré l’ampleur de la détresse des populations du Nahouri, la section burkinabè du Comité international de la Croix-rouge (CICR) a mis la main à la pâte. Le haut-commissaire Blaise Corneille Ouédraogo appelle toute personne morale ou physique à partager la douleur actuelle de ses administrés. Sous la houlette de la députée de la province, Mme Dicko Maria Goretti, les ressortissants du Nahouri à Ouagadougou s’organisent pour répondre à ce cri de détresse de leur terre d’origine.

La sinistrée et l’enclavée

"Le malheur ne vient pas seul". Les populations de la province du Nahouri ont bien perçu le sens de cet adage au mois d’août dernier. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur leur localité n’ont pas seulement causé des décès, des sans-abris et des destructions de cultures. Elles ont endommagé de infrastructures routières, rendu difficilement praticables les voies de communication intenses et externes à la province. Face à la montée des eaux du Nazinon (ex-Volta rouge) qui ont submergé le pont sur ce fleuve, la gendarmerie nationale a sur instruction des pouvoirs publics, interdit dans la matinée du jeudi 30 août, sa traversée. Cette décision révélant le mal du pays en ces infrastructures notamment routières, a considérablement porté un coup au trafic routier sur la route nationale n°5 (Ouagadougou-frontière du Ghana).

Déjà la veille dans la nuit du mercredi, seuls les automobilistes téméraires ont eu le courage de traverser. "Je viens de passer le pont. C’est une folie que je ne recommencerai plus jamais à aucun prix. L’eau atteint par endroit, la poitrine", avoue un automobiliste. La province du Nahouri, des pays Kassena et des Nankana, a certainement découvert la forte précarité de son réseau routier suite à l’interdiction de passage du pont du Nazinon. D’un coup, la ville de Pô s’est retrouvée avec une longue file de véhicules revenant du Ghana et en partance soit pour le Burkina Faso, soit pour le Mali, soit encore le Niger. Et aucune bifurcation n’est aisée. La nationale 5 étant la seule route bitumée reliant Pô à la capitale.

Des ponts cassés rendent les axes Pô-Nébou (Léo) et Pô-Sapouy impraticables. La seule bifurcation envisageable Pô-Tiébélé-Zecco-Ziou-Zabré-Gombousgou-Manga relève d’un parcours du combattant avec le risque de se renverser ou de s’embourber. A la situation de sinistrée s’ajoute celle de province enclavée. "Nous avons aperçu environ une quinzaine de véhicules embourbés et trois camions-remorques renversés. La voie est très risquée", témoigne le secrétaire général de la Confédération syndicale du Burkina (CSB), Mathias Liliou qui a parcouru le périple au double du temps imparti à celui du tronçon Pô-Ouaga. Il faut donc attendre l’ouverture du pont à la circulation pour ne pas s’aventurer dans l’inconnu avec son véhicule et sa charge. Longue et pénible a été l’attente.

Environ une centaine de transporteurs de passagers et de marchandises y ont alors élu résidence dormant parfois à la belle étoile. "On ne sait plus à quel saint se vouer. Cela fait une semaine que j’ai quitté Bolgatenga avec un camion d’ignames. Je ne sais pas quand je rentrerai à Ouagadougou. Les frais de location du véhicule s’accumulent avec le risque que mes clients changent de langage pour baisser le prix. J’ai du moi-même vendre quelques ignames sur place pour pourvoir manger", s’indigne une commerçante, Safiatou Ouédraogo. "Nous sommes bloqués à Pô depuis trois jours après avoir chargé des marchandises diverses au port de Téma.

Cette attente ne fait pas partie de notre programme. Nous n’avons rien à manger", ajoute un transporteur, Seydou Lomfo aggrippé au volant de son camion. La fermeture du pont Nazinon a fortement perturbé les échanges tant au plan national que sous-régional. Conducteurs, commerçants et passagers ghanéens, maliens et nigériens ont dû prendre leur mal en patience du jeudi 30 août au dimanche 2 septembre. Il a fallu se rendre à Dakola, au poste frontière des douanes burkinabè pour se rendre compte de l’évidence du coup de frein porté au trafic routier entre le Ghana et le Burkina Faso. Dans ce village où une mère a dû lutter avec un crocodile pour arracher le bras de son enfant de la gueule du reptile, le parc automobile de la douane n’arrive plus à contenir les véhicules venant du Ghana. Ceux-ci sont obligés de stationner jusqu’au poste de douanes ghanéen. "Aucun transporteur n’a prévu un tel incident sur la route. Habituellement, je rallie Tema et Niamey en trois jours. J’ai déjà perdu deux jours et suis confronté à des problèmes d’hébergement et de nourriture", souligne Issa Zakaria, chauffeur ghanéen transportant des réfrigérateurs de seconde main en direction du Niger. Las d’attendre à Pô et impuissant devant les complaintes (problèmes de logement et de nourriture) de ses passagers, un convoyeur malien, Nouhoun Diakité suggère une autorisation des pouvoirs publics qui permettrait un échange de contenu entre véhicules de part et d’autre du pont. "Nous pouvons nous rendre au fleuve. Les passagers traversent le pont à pied.

Et des cars venus de Ouagadougou, Bamako ou Niamey prennent le relais", propose-t-il. Une telle suggestion n’aura pas le tems de mûrir que la gendarmerie ouvre dans la matinée du dimanche 2 septembre, le pont à la circulation. Un soulagement qui a vite laissé place à une série d’inquiétudes et de craintes. En effet, personne ne connaît réellement le degré de dégradation du pont par les eaux. "Et si le pont s’écroule sous la très forte densité du trafic constitué en majorité de véhicules poids lourds ?" s’interrogent subitement les usagers après avoir passé la croix et la bannière, vécu le calvaire.

La submersion du pont du Nazinon par les eaux peut paraître a priori comme un phénomène naturel provoqué par la pluie. Cependant, elle ne cache pas moins la mauvaise exécution des ouvrages qui est un danger permanent pour les usagers, "L’eau doit-il couler sous ou sur un pont ?" est-on tenté de se demander. En attendant le pire, deux pièges pouvant prendre les usagers à tout moment se dressent sur la nationale 1 : le pont du Nazinon dont la chaussée a été longtemps envahie par les eaux et celui de Nobéré, reconnu comme défectueux, et pourtant emprunté ces temps-ci, à cause de l’impraticabilité de la déviation.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)
Envoyé spécial à Pô (Nahouri)


Blaise C. Ouédraogo, haut-commissaire du Nahouri : "Nous sommes débordés"

Sidwaya (S.) : Quelle est la situation des inondations dans la province du Nahouri ?

Blaise C. Ouédraogo

Blaise C. Ouédraogo (B.C.O.) : Depuis quelques jours nous sommes sous l’emprise de la pluie. Il pleut abondamment nuit et jour. Les populations ont vécu des moments très difficiles. Les maisons tombent et souvent même sur des êtres humains. Nous avons enregistré un certain nombre de morts. Cette situation continue même aujourd’hui. Dans la nuit du 31 août au 1er septembre derniers, du côté de Zecco, une maison s’est écroulée tuant une personne et blessant deux autres. La situation est vraiment préoccupante dans la province du Nahouri.
Le trafic est aussi bloqué. Le pont du Nazinon a été complètement submergé. Et c’était très risquant pour les véhicules qui voulaient passer.

Les autorités ont donc décidé de fermer le trafic sur ce tronçon en attendant que l’eau baisse. Pour pallier ces problèmes, on a pu loger quelques-uns dont les maisons sont tombées dans des écoles. A Pô-ville, des familles ont accueilli les sinistrés. En collaboration avec la CONASUR, on a pu trouver des céréales pour leur distribuer. Nous avons aussi été informés de l’arrivée de la Croix-Rouge.
Depuis un certain temps, on est débordés. La nourriture que nous avons reçue est insuffisante. On avait prévu de permettre à ceux qui étaient sinistrés de s’alimenter pendant quelques jours. Le nombre s’accroît, les provisions ne pourront pas suffire. Avec l’arrivée de la Croix-Rouge, elles pourront s’améliorer.

Le trafic a été dévié sur l’axe Pô Tiébélé-Ziou-Zabré-Gombousgou-Manga pour rejoindre Ouagadougou. Comme il pleut abondamment, le sol est imbibé. Et des camions qui ont entre 80 et 90 tonnes s’embourbent. D’autres même se renversent. Si bien que des entreprises ont été commises pour tracter les camions qui se sont embourbés. Le ministère des Infrastructures est à pied-d’œuvre pour améliorer la circulation sur cet axe en attendant que l’eau baisse au niveau du pont.

S. : Quelles mesures seront prises pour éviter l’effondrement du pont après la baisse de l’eau ?

B.C.O. : Il faudra que les techniciens, les ingénieurs viennent voir si le pont n’est pas endommagé. Ce sera effectivement courir un autre risque que de permettre la reprise du trafic sur l’axe sans être sûr que le pont va tenir. Donc, on attend que les techniciens du ministère des Infrastructures viennent voir le pont avant de prendre la décision qu’il faut.

S. : Y a-t-il un dialogue entre les autorités provinciales et les usagers stationnés à Pô et les impatients d’attendre ?

B.C.O. : C’est surtout avec les agents de sécurité qu’il y a un dialogue. Ce sont elles qui informent les usagers du comportement à adopter. Les gens sont pressés de partir. Ils ne voient pas les dangers qu’ils courent. Souvent, il est très difficile de faire comprendre à ces gens qu’ils doivent attendre.

S. : En tant que premier responsable de l’une des provinces les plus sinistrées, quel message adressez-vous à la population et au pouvoir public ?

B.C.O. : La population doit rester calme. Les autorités provinciales et nationales sont à pied-d’œuvre pour leur venir en aide. C’est déplorable ce qui est arrivé et toutes les condoléances mes familles endeuillées.
Les autorités nationales ont manifesté promptement leur aide. Des efforts louables ont été consentis. Mais, il faut œuvrer à la reconstruction des ponts qui ont cédé pour mieux désenclaver la province.

Interview réalisée par Jolivet Emmaüs

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Route Didyr-Toma : 12 mois de retard, 7 km de bitume sur 43 km